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CYRILLE D’ALEXANDRIE (SAINT)

tout cas, il est inutile de s’arrêter à démontrer qu’il n’a jamais été carme. Cf. Tillemont, t. xiv, p. 268.

2o Premières années d’épiscopat (412-428). — Théophile mourut le 15 oc­tobre 412. Malgré une assez vive opposition, son neveu Cyrille fut intronisé à sa place trois jours après (18 octobre). Socrate, H. E., l. VII, c. vii, P. G., t. LXVII, col. 749. Tous nos renseignements sur cette première période nous viennent de l’historien Socrate : le portrait qu’il nous présente est-il parfaitement exact ? Il n’est sûrement pas flatté ; le nouveau patriarche nous apparaît comme un homme autoritaire et violent.

À peine installé, il s’en prend aux novatiens, qu’il dépouille de leurs églises et de leurs biens. Nestorius devait en faire autant à son arrivée à Constantinople en 428. Peu de temps après, les Juifs furent l’objet des mêmes mesures de rigueur. Socrate, H. E., t. VII, c. xiii, P. G., t. lxvii, col. 760. Ils furent chassés de la ville, et leurs synagogues furent transformées en églises. Il est vrai, et c’est Socrate qui le reconnaît, leur conduite vis-à-vis des chrétiens avait bien mérité ce châtiment. Le préfet Oreste voulut cependant prendre leur défense auprès de l’empereur Théodose II, mais il ne semble pas avoir réussi. Ce gouverneur civil et Cyrille avaient depuis le premier jour vécu en mésintelligence ; le patriarche avait bien fait quelques avances, mais elles avaient été dédaigneusement repoussées. Cédant à un zèle mal éclairé ou à leur naturel trop bouillant, des moines se mirent en tête de venger cette humiliation de leur évêque ; ils vinrent en troupe jusqu’en ville et insultèrent le préfet. Un d’entre eux fut tué dans la bagarre. Cyrille l’aurait d’abord fait honorer comme martyr. Plus tard cependant, mieux informé sans doute des vraies circonstances de sa mort, il laissa sa mémoire tomber peu à peu dans l’oubli. Socrate, H. E., l. VII, c. xiv, P. G., t. lxvii, col. 765. La célèbre Hypatie, fille du philosophe Théon, platonicienne elle-même très influente, passait pour dominer l’esprit d’Oreste. Est-ce parce qu’on la soupçonnait d’empêcher sa réconciliation avec le patriarche que des Parabolans la massacrèrent ? Peut-être ; mais rien ne permet en tout cas de faire retomber sur Cyrille la responsabilité de cet odieux assassinat. Schäfer dans The catholic university Bulletin, octobre 1902, t. viii. p. 441 sq., examine sérieusement ce point d’histoire.

Tous ces faits se sont passés entre 412 et 416. C’est probablement l’année suivante (417) que Cyrille consentit à inscrire le nom de saint Jean Chrysostome dans les diptyques de son Église. Jusqu’à cette époque, il s’y était toujours opposé, malgré les instances d’Atticus de Constantinople. P. G., t. lxxvii, col. 352 sq. Stilting, Acta sanctorum, t. iv septembris, p. 678 sq., ne croit pas à l’authenticité de la correspondance entre Atticus et Cyrille au sujet de Jean Chrysostome. Enfin, Cyrille se laissa fléchir, si l’on en croit Nicéphore Calliste, par les prières d’Isidore de Péluse, H. E., l. XIV, c. xxviii, P. G., t. cxlvi. col. 1152.

En 418, le pape Zosime lui annonça par lettre spéciale la condamnation des pélagiens. Jaffé, Regesta roni. pont., ii, n. 343 ; P. L., t. xx, col. 693. Et en 419, les évêques d’Afrique, réunis en concile, lui demandèrent une copie authentique et exacte des décisions de Nicée, Mansi, t. ii, col. 835 ; Hardouin, t. i, col. 946.

Comme Athanase, comme Théophile, Cyrille composait chaque année une homélie pour rappeler le jeûne et fixer la solennité pascale. Il en profitait pour donner de fortes leçons à ses fidèles : il leur montre la grandeur et le but de leur vocation, le chemin que leur a tracé le Christ Jésus ; il leur répète la morale austère de l’Évangile, la nécessité de la mortification et de la victoire sur soi-même ; il ne leur ne ménage pas les reproches, quand ils sont mérités. Voir par exemple les homélies de 419 et de 420, P. G., t. lxxvii, col. 544, 561.

De cette première période, datent les écrits sur la Trinité : le Thesaurus, et le De Trinitate ; et aussi une grande partie des œuvres exégétiques : le De adoratione, les Glaphyres, les Commentaires sur Isaïe, sur Jérémie, sur les petits prophètes, sur les Psaumes, et de plus, à mon avis, le Commentaire sur saint Jean. Voir plus loin, col. 2487.

3o La lutte contre Nestorius (428-431). — Au mois d’avril 428, Nestorius avait remplacé Sisinnius sur le trône patriarcal de Constantinople. Presque aussitôt il avait manifesté des opinions inquiétantes au sujet de l’incarnation ; il avait entendu avec faveur son syncelle Anastase disputer à la sainte Vierge le titre traditionnel de θεοτόκος (mère de Dieu) ; lui-même avait parlé publiquement et écrit contre la maternité divine de Marie et l’unité du Verbe incarné. Cyrille, qui avait à Constantinople des représentants dévoués, ne tarda pas à être informé. Il avait déjà autrefois (420) protesté contre « ceux qui divisent le Christ en deux et veulent faire de lui un homme uni au Verbe par une simple union morale. » Homil. pasc., viii, P. G., t. lxxvii, col. 568-576, surtout col. 572. Il parlait alors comme avaient fait Athanase dans sa Lettre à Épictète, P. G., t. xxvi, col. 1054, 1068 sq., le pape Damase, dans sa Lettre à Paulin d’Antioche, Jaffé, n. 235, P. L., t. lvi, col. 684, et Apollinaire dans plusieurs de ses écrits. Dräseke, dans Texte und Unters., t. vii, p. 341 sq., 348 sq., 395 sq. Il visait d’une façon générale l’enseignement dualiste de l’école d’Antioche. Mais l’homélie pascale de 429, Homil., xvii, P. G., t. lxxvii, col. 773, 788, fut plus précise et plus détaillée sur le dogme de l’incarnation : bien que le nom de Nestorius ne soit pas prononcé, on sent très bien qu’il s’agit de ses erreurs. « Ce n’est pas un homme ordinaire que Marie a enfanté, c’est le Fils de Dieu fait homme ; elle est donc bien mère du Seigneur et mère de Dieu : Μήτηρ Κυρίου καὶ Θεοῦ. » Ibid., col. 776, 777. Le mot θεοτόκος ne se trouve pas ici, mais on a l’équivalent.

À l’occasion des fêtes de Pâques, des moines étant venus à Alexandrie selon la coutume, Cyrille fut averti par eux que les écrits de Nestorius avaient pénétré jusque dans leurs solitudes, et y troublaient les esprits. Il s’empressa, par une longue lettre dogmatique, Ad monachos Ægypti, P. G., t. LXXVII, col. 9 sq., de les mettre en garde contre l’hérésie. « Des étrangers, me dit-on, pénètrent jusqu’à vous, cherchant à surprendre votre bonne foi et semant parmi vous la discorde. Ils osent mettre en doute que Marie soit vraiment θεοτόκος. Il eût été meilleur pour vous d’ignorer ces discussions subtiles qui dépassent la portée des intelligences ordinaires ; mais maintenant il faut empêcher le venin de l’erreur de produire ses pernicieux effets. Ibid., col. 12. Alors, au moyen de l’Écriture et de la tradition, il prouve l’unité du Verbe incarné et justifie le titre de θεοτόκος. » faut-il appeler Marie θεοτόκος ? Sans aucun doute, puisqu’elle a conçu et enfanté le Dieu Verbe fait homme. Ce mot est traditionnel : tous les Pères orthodoxes d’Orient et d’Occident l’ont accepté ; s’il ne se lit pas dans l’Écriture ni dans le symbole de Nicée, on y trouve la doctrine correspondante, puisque l’Écriture et les Pères de Nicée affirment que celui-là qui est né de la sainte Vierge est Dieu par nature. » Ibid., col. 16. Le terme θεοτόκος va se rencontrer désormais dans tous les ouvrages de Cyrille ; il est à ses yeux la meilleure marque et le plus sûr garant de l’orthodoxie ; il sera la tessère de la foi christologique, comme le ὁμοούσιος l’avait été du dogme trinitaire.

Des exemplaires de cette Lettre aux moines furent portés à Constantinople, et beaucoup de personnes en tirèrent pour leur foi. Mais Nestorius, malgré le silence gardé sur son nom, s’en montra très offensé. Et Cyrille, prévenu par ses nonces, crut bon de lui en