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gis firnius, quam mereatur pondus ratUmum ad assensirm impellentium. Denzinger, Enchiridion, n. 1036. Contre cette théorie"arbitraire de Locke, ton le « priori, on peut d’abord invoquer, entre autres faits, ces certitudes intimement reconnues comme absolument sûres, et dont on serait l>ien embarrassé de fournir des preuves proportionnées. Ainsi en est-il de ce travail latent de l’esprit, que Newman décrit si bien sous le nom à’implicit thought, Grammar of casent, c. viii et ix. cette longue accumulation de petits faits en grande partie oubliés, qui m’ont amené par exemple à connaître par induction le caractère d’un ami : j’ai de ce caractère une certitude très sûre, mais qui dépasse de beaucoup les preuves dont mon esprit a une conscience distincte, el qu’il peut exprimer. Et puis la volonté n’a-t-elle pas le droit, comme nous l’avons vii, de détourner l’intelligence des arguments sophistiques, de la faire passer d’un doute imprudent à la pleine assurance ? Voilà, en dehors des preuves qui apparaissent à l’esprit, un autre facteur pour produire légitimement la certitude ; voilà un principe actif, à la place d’un appareil passif et purement enregistreur. Enfin la volonté, orientée qu’elle est vers le bien plutôt que vers le vrai, suivra honnêtement sa propre loi, lorsque entre deux vérités certaines elle s’appliquera à fortifier la certitude morale de celle qui est la plus importante pour la fin de l’homme, et à la préserver des doutes que peuvent ramener les passions et l’infirmité humaine. « C’est ainsi qu’à une vérité d’une certitude seulement morale, mais d’une grande importance pour le gouvernement de la vie, nous pouvons donner une plus ferme adhésion qu’à une vérité métaphysiquement certaine, mais inutile. » T. Pesch, lnstituliones logicales, part. I, p. 570. En faveur de cette vérité plus importante, la volonté libre aura donc le droit d’employer les moyens qui peuvent donner plus d’intensité à la certitude acquise : fréquente répétition des actes pour produire une habitude de croire, appel à l’action qui fait vivre cette vérité, à l’imagination qui la colore, au sentiment qui nous y tient affectionnés. Pourvu que la volonté respecte d’ailleurs les exigences essentielles de l’intelligence, elle a le droit de la diriger vers la fin de tout l’homme, fin dont cette faculté partielle ne peut rester complètement isolée.

Si la volonté libre accomplit avec droiture et persévérance son devoir d’exercer l’esprit aux vraies méthodes, et d’empêcher par l’hygiène morale l’intluence perturbatrice des passions ; si dans les moments de faiblesse ou de crise intellectuelle elle résiste aux doutes déraisonnables ; si d’avance elle prend soin d’attacher toute l’àme, y compris l’imagination et les affections, à la vérité reconnue, de créer de bonnes habitudes, d’amasser ainsi des forces auxiliaires contre les difficultés de l’avenir, et de prévenir les défaillances humaines, qu’il serait orgueilleux de ne craindre jamais, il arrivera, avec l’aide de la grâce (dont il faut se souvenir quand la foi religieuse est enjeu), il arrivera que la certitude laborieusement obtenue ne sera plus guère troublée, que la santé de l’esprit prévaudra sur des germes morbides définitivement éliminés, et que, la lutte finie, l’intelligence ira tranquillement et comme spontanément à la lumière. Faudra-t-il encore appeler « croyance » cette certitude lumineuse et paisible, où la volonté n’a plus guère d’action spéciale ? Oui, car l’action passée subsiste dans ses résultats. La certitude de la croyance n’est pas dite volontaire en ce sens qu’elle réside dans la volonté, à la différence des autres certitudes, mais seulement en ce sens que sa genèse ne s’explique pas sans une inlluence spéciale de la volonté : or, cette influence reste aussi efficace, soit qu’elle précède de près ou de loin l’adhésion intellectuelle de la certitude, et dans les deux cas on aura le droit d’attribuer l’effet à la cause, la conquête au conquérant, la

croyance à la volonté. Exiger comme élément essentiel de la » croyance » l’expulsion actuelle d’un doute imprudent réduirait arbitrairement le domaine de la croyance ou bien supposerait ces doutes beaucoup plus fréquents qu’ils ne sont. C’est l’erreur où sont ton quelques théologiens, Lugo par exemple, en voulant plus fortement affirmer l’obscurité et la liberté de la foi divine. Voir Foi. Cf. Christian Pesch, Prselecliones dogmaticæ, t. viii, prop.’20 ;.1. Bainvel, La foi, p. < » i. Xe nions pas la faiblesse de l’esprit humain, ses diverses infirmités possibles, ses crises, et l’état morbide où il tombe souvent, n’étant pas plus privilégié que le corps, son compagnon de route ; mais ne nions pas non plus la force et la santé qu’il peut et qu’il doit acquérir, l’état de perfection relative et de paix conquise, où des combats d’autrefois il ne reste que l’heureux effet, l’émouvant souvenir, et la facilité de marcher en pleine lumière à des combats d’un autre ordre.

A la fin de cette étude sur la difficile question des croyances légitimes, on peut plus facilement s’expliquer pourquoi nous les avons divisées en deux groupes, suivant que leur motif intellectuel a une suffisance relative ou absolue. Si l’on ne fait pas cette distinction, on tombe fatalement dans quelque grave inconvénient. Si l’on nie sommairement la légitimité du premier groupe, celui auquel appartient par exemple la presque totalité des croyances enfantines, on est injuste envers un vaste ensemble de convictions très fermes qui, somme t< malgré des erreurs accidentelles, sont bienfaisantes. indispensables à la condition humaine et à l’éducation, et formées avec une suffisante prudence. Si au contraire on revendique pour ce premier groupe, dont la certitude n’est que relative, la même espèce de légitimité que pour ! a certitude du second, on tend à infirmer la valeur objective de la vraie certitude, en y introduisant des produits de qualité inférieure, indignes d’être élevés au même rang ; on nie le développement possible de l’intelligence adulte, on canonise tous les pr< d’enfance, on confond dans une commune apothéose toutes les croyances et toutes les religions, on s’enlève tout moyen de distinguer sûrement la véritable, tout critérium infaillible et toute apologétique plus dé< is à laquelle les simples eux-mêmes puissent renvoyer leurs contradicteurs. Et le résultat sera à peu près le même si l’on ramène toute son étude au premier groupe, en passant sous silence le second : défaut que n’ont pas évité plusieurs des défenseurs les plus éminents de la croyance ; par exemple Newman, surtout avant sa conversion. Il nesemblepas voir de via média entre une évidence absolue, qu’à bon droit il rejette de la foi chrétienne, et cette croyance des simples, nécessaire et suffisante à tant d’âmes comme préambule de la foi divine, mais dont les motifs, pour un esprit développé qui les mesure du dehors, ne sont que des « présomptions » et des « probabilités » . Par le fait qu’il insiste uniquement sur cette sorte de croyance, et n’en présente jamais d’autre avec une distinction nette. Newman semble la proposer comme l’idéal, comme l’unique ressource de tous les esprits en matière religieuse. D’où cette impression, qu’il n’admet rien entre le rationalisme incrédule et le fidéisme. i 11 ne paraît pas voir de milieu entre l’attitude rationaliste qui exigerait, avant de croire aux dogmes de foi, une évidencede leurvérité intrinsèque ; et l’attitude fidéiste qui, poussée par le besoin de croire, donnerait, sur de simples présomptions, une adhésion sans réserve à des doctrines répondant aux appels secrets^ de notre vie morale. » L. de Grandmaison, dans les Eludes, janvier 1907, p. 52. « Il est bon, sans doute, de glorifier la foi des simples, mais chez les simples. Il est mauvais d’en faire un idéal pour tous. » E. Baudin, La philosophie de la foi che : Newman, dans la Revue de philosophie, i er septembre 1906, p. 2l>l.