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CROYANCE

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Eli bien ! dites au sceptique d’entreprendre de nouvelles analyses, au scrupuleux de se plonger dans de nouvelles études morales : cette voie, loin de les sortir de leurs doutes, les y embourbera davantage. Pourquoi ? Parce que ces doutes viennent de ce qu’ils exigent à tort une clarté impossible, qu’ils n’auront jamais. Et alors même que les doutes imprudents seraient susceptibles d’une solution intellectuelle et directe, combien de temps serait nécessaire à un esprit plus ou inoins malade ? Doit-on, en attendant, le laisser languir dans une région inhabitable, dans un état malsain ?

Le coup (le force de la volonté ne sera donc pas inutil. '. Sera-t-il suffisamment justifié? Oui, puisque le doute dont il s’agit est sans valeur, et que le malade lui-même le reconnaît dans ses instants lucides, quand, pai exemple, il est rappelé au bon sens par le contact des réalités de la vie. « Je mange, je joue au trictrac, disait ie sceptique Hume, je parle avec mes amis, je suis heureux de leur compagnie, et quand après deux OU trois heures de récréation, je reviens à mes spéculations elles me paraissent si froides, si en dehors de la nature, si ridicules, que je n’ai pas le courage de continuer. Je me vois absolument et nécessairement forcé de vivre, de parler, de travailler comme les autres hommes dans le train commun de la vie. » Eort bien : mais il retournera bientôt à ses « spéculations » et à son doute. Seule, la volonté' est capable de lui donner, non pas la lumière trop passagère qui déjà s’impose à lui par intervalles, mais l'état subjectif de certitude, qui comporte un certain repos de l’esprit, une certaine fixité dans la vérité. Seule aussi, elle est capable de mettre fin à ces oscillations maladives entre « douter o el i ne pas douter » , par lesquelles saint Ignace définit ^i bien l'étal du scrupuleux. Sentio in hoc turbalionem, tcilicet, in quantum dubilo, et in quantum non dubito .' istud est proprie scrupulus. Exercitia S. Tgnatii de Loyola, trad, Roothaan sur l’autographe espagnol, Paris. 1865, p. 195. Invoquera-t-on contre cette analyse le principe de contradiction ? Un même espril peut-il en même temps douter et ne pas douter ? Il le peut an moins dans une succession rapide, où il passe continuellement de l’un à l’autre par une sorte d’oscillation. D’ailleurs, les senti nts ne craignant pas la contradiction autant que les idées, quand deux états d’esprit contradictoires sonl d origine affective, ou du moins l’un d’entre eux. une coexistence est possible, a Fré qæn ni. la contradiction existe chez un homme

entre une affirmation raisonnée et une affirmation affec-II a peu de gens, même 1res rationalistes, qui n’aient quelque superstition éphémère qu’ils tiennent d’ailleurs poui absurde, On a connu des esprits forts qui jugent impossible l’apparition d’un fantôme ou d’un revenant et qui poui lanl i a onl penr dans l’obscurité. Th. Hili.it. /." logique det nts, p. 55.

Réfléchissant donc à ces perpétuelli etdoulour i alternatives, a l'étal anormal où elle est plongée, aux .lu bon Bens i ontre ces doutes,

l intelligence elle-même les condamne el -i.Ile ne trouve p..-.1' nou elles solutions spéculatives, découvre du ii..mla lumière d’un principe réflexe.i pratique : in pareil cas, la volonté a le droit d’intervenir, d Suie li m i de. pi m. ipe, elle i n déri'

jugement pratique.le « crédibilité. également évident,

qu’en ce moment il est bon, il.-i | lent pour la

volonté d’entrei en iction. Voir Crédibilité. C’est le malade qu ité d.- l’intervention mé dicale.

M comment opérera la volonté? Reconnaissons-fe i.1. elle peut recoui n.. une toi te <l hygiène intellectuelle el morale, combattre patiemmentees défauts « le i esprit i dont nom avons donné plus

liant di leroph s, i qui son) la cause profonds de la maladie du dont.', combattre au -m cette passion actuelle

ment régnante, qui met sur pied les sophismes de l’intelligence pour défendre son propre terrain. Car souvent, comme dit Pascal, « tout notre raisonnement se réduit à céder au sentiment… La raison est ployable à tout sens… » Pensées, t. ii, p. 199. Il y a des raisons qu’on trouve après, et que la passion seule fait trouver, p. 200. Si la passion tombait, ces raisons ou objections tomberaient avec elle. « .l’aurais bientôt quitté les plaisirs, disent-ils, si j’avais la foi. Et moi je vous dis : Vous auriez bientôt la foi, si vous aviez quitté les plaisirs, o p. 159. A l’athée, il dit : « Travaillez donc, non pas à vous convaincre par l’augmentation des preuves de Dieu, mais par la diminution de vos passions, » p. 153. Seulement, cette voie d’un traitement moral est plutôt à longue échéance ; on se demande s’il n’y aurait pas une voie plus courte et plus rapide pour la volonté'. L’hygiène, l’adoption d’un régime sévère, est de rigueur : mais elle ne remplace pas l’opération chirurgicale parfois nécessaire, et n’a pas un si prompt résultat.

Que fera donc la volonté? Chaque fois que les sophismes ramèneront le doute dans l’esprit, elle appliquer. ! l’intelligence à les mépriser, c’est-à-dire à réitérer la condamnation sommaire qu’elle en a prononcée : sur quoi, la volonté usera du pouvoir qu’elle a d’approcher ou d'éloigner l’intelligence d’un objet, de produire l’attention ou l’inattention ; elle la rendra inattentive à ces difficultés méprisées, qui disparaissant du champ de la pensée, ne pourront comme auparavant y faire germer le doute. Ainsi le voyageur qui chemine la nuit, saisi de terreur à l’idée d’un péril fantastique, n’a qu'à mépriser ces vaines imaginations et à les chasser de sa pensée en s’occupant d’autre chose, pour faire cesser la crainte dans son âme. En même temps qu’elle enlève l’obstacle, la volonté' applique de nouveau l’intelligence aux raisons po « r, aux motifs déjà vus, excellents par eux-mêmes qui, l’obstacle disparu, produiront naturellement la certitude, et l’expliqueront intellectuellement. Cette certitude pourra d’autre pari être appelée volontaire, < raison d’une influence toute spéciale de la volonté, et par opposition à la certitude arrachée par une évidence mathématique, où toute difficulté est scientifiquement résolue, où aucune n’est écartée de force, par voie de condamnation sommaire.1 de mépris. C’est à peu près ainsi qu’un vieux docteur de Sorbonne, Ysambert, expliquait l’influence de la volonté' libre dans le cas de la foi divine : Licet ex parle objecti divines fldei occurrant aliqum suffiàentes rationes (voilà les motifs intellectuels de croire suffisants en eux-mêmes), nli.r tamen eliam occvrrvnl in conlrarium ex i<arie sensuum, quse générant difficultatem credendi (voilà les difficultés qui motivent le doute imprudent)… Hinc /il ut noster intelleclus < « i sese delerminandum indigeat pia eaque libéra motione voluntatis, qua applicet intellectum ul considère ! el expendal tenacius et fortiu » iilns rationes quse sunt pro dando assensu (voilà l’esprit appliqué' aux raisons de croire), " talque quam fréquenter rationes Mes in humano sensu fundatm deprehendantur fallaces, nisi corrigantur aliquosx udicio (voilà une condamnation sommait i

dl - motifs contraires, qu’il appelle plus loin roi

apparentes et tecundum tensum plausibiles). Il dit . ncore Determinatio illa [intellectus per volunta

ttit m iin applicandjo intelleclu objectis sibi ad

credendum proposais ut fortius et majori considéra intendat divinse revelationi, quant humanit

nibus pro contraria parti - De fide,

disp. ill a. ' el 5. Cette explication convient à la

neial. el n 1 i un qui la clu sivement à la foi divine. Quant i i lit ci, nous ne pn tendons pas avoir donné- une explication complète du rôle qu’j joue la volonté, el qui paraît plus complexe.

Voir I 01

i oscillation maladive entre la croyance et le doute.