cause, avec.laines Mil] et les autres qui ont tenté une explication complète de la croyance (et même de toute connaissance humaine) par l’association des idées. L’enfant a vu la couleur de l’orange, il en a palpé le relief et la forme, il en a senii la molle résistance, le parfum. La répétition de ces expériences simultanées a produit entre leurs données diverses une association qui n’est qu’une variété de l’habitude : qu’une de ces données se présente maintenant à lui, par exemple la couleur de l’orange vue à distance, toutes les autres s’éveilleront par un mécanisme automatique. Et voilà, d’après eux, toute la croyance, même la croyance aux vérités morales. L’éducation a par exemple associé chez, l’enfant l’idée du vol et l’idée du mal, de sorte que la première amènera infailliblement la seconde ; de valeur objective, il y en aura bien peu comme on voit, la croyance provenant uniquement de coïncidences factices. — Mais cette psychologie est superficielle, comme le remarque le P. Maher, Psychologij, p. 312. On confond ici l’assentiment de l’esprit, en quoi consiste la croyance, avec un mécanisme aveugle, qui n’est pas cet assentiment, et qui ne peut suffire à le produire. Cf. Ribot, Logique des sentiments, p. 1. Ce mécanisme peut même persister lorsque la croyance ne subsiste plus. Ainsi, les apparences nous ont fait associer avec l’idée de la terre l’idée d’immobilité : plus tard la croyance à l’immobilité de la terre disparaît, mais l’association reste, l’idée d’immobilité est irrésistiblement suggérée, et nous ne pouvons nous défaire de l’impression de la fixité de la terre, bien que nous opposions à cette aveugle impression une croyance nouvelle, un jugement plus éclairé. Enfin, dans ce système, toute croyance ne devrait se produire qu’à la longue, par l’effet de la répétition des actes, ce qui est contraire aux faits : on voit l’enfant croire dès qu’on lui présente pour la première fois des objets de croyance ; il faut donc admettre, antérieurement à l’habitude, un penchant inné, d’autant plus fort dans l’enfant qu’il n’a pas encore été contrecarré par l’expérience des erreurs reconnues après coup, et des certitudes démolies ; penchant qui est une cause première et plus fondamentale de la croyance.
2° Le penchant naturel à la certitude, que nous venons d’être amenés à considérer. Voir Certitude, t. il, col. 2155-2150. — Celte impulsion naturelle à croire fermement se constate non seulement chez les enfants et les ignorants, mais encore chez les gens instruits. « Quelle peine n’avons-nous pas, la plupart du temps, à ne point généraliser hâtivement ! Et quelle contrainte que de suspendre son affirmation jusqu’après une enquête complète ! Cette impulsivité à croire prend les noms de précipitation et de prévention, et Descaries y voyait avec raison la cause essentielle de nos erreurs. » Pavot, De la croyance, p. 113. Abus d’une tendance bonne en elle-même, la tendance de notre intelligence vers la vérité, et vers la certitude qui s’y repose.
3° Les motifs intellectuels.
Sont-ils toujours nécessaires
à la croyance ? On dirait que non, à lire dans des auteurs modernes « l’identité fondamentale de la croyance et de la volonté. » Payot, p. 139. L’expression doit trahir leur pensée : la volonté est une des causes de la croyance, mais ne peut s’identifier avec elle, soit parce que croire, c’est reconnaître quelque chose comme vrai, ce qui appartient directement au connaître et non au vouloir, soit parce que la volonté ne peut être cause unique de cette connaissance, mais requiert un motif intellectuel pour la baser. Quand M. Payot dit, p. 187 : « Très souvent la croyance n’a pas de raisons intellectuelles, » on voit qu’il entend parler de raisons bien conscientes et bien explicites. Le docteur Bain avait d’abord défini assez obscurément la croyance « un développement de la volonté à la poursuite de fins immédiates. » Mental Science, 1. IV,
c. viii, de la 1™ édition. Arrivé après mûre réflexion à une conception plus irraie et plue intellectualiste de la
croyance, il la définit « un accident d< notre nature intellectuelle, quoique dépendant ; quant à sa force, de
nos tendances actives et émotionnelles. » Loc. cit., 3 « |édit. Cf. Emotions and will, ’.V édit., p. 536. Pascal lui-même admet que la volonté « ne forme pas la créance » , mais seulement fait regarder ce qu’elle aime, et « détourne l’esprit de considérer » ce qu’elle n’aime pas. Pensées, I. ii, p. 25.
Déjà du temps des scolastiques. Cajetan avait imaginé, contre le sentiment commun, que la volonté pouvait forcer l’intelligence à tenir une proposition « neutre » , c’est-à-dire qui n’a pour elle ni contre elle aucun motif intellectuel, comme serait celle-ci : « Les astres sont en nombre pair. » lu l* n II*, q. lxv, a. 4, p. 321. Mais l’expérience nous montre assez que faute d’une ombre de raison pour affirmer le pair plutôt que l’impair, l’affirmation, malgré tous les efforts de la volonté, reste pour nous, je ne dis pas seulement imprudente, illégitime, mais matériellement impossible. Les mots peuvent être prononcés, l’intelligence n’affirme pas. Cf. Baiiez, In 77 am 77*, q. I, a. 4, p. 24. Aristote l’avait déjà remarque : « L’imagination ne dépend que de nous et de notre volonté, et l’on peut s’en mettre l’objet devant les yeux… Mais avoir une opinion » (à plus forte raison une crovance) o ne dépend pas de nous. » Traité de l’âme, 1. III, c m. traduction de Barthélémy Saint-Hilaire, p. 279. Il veut dire qu’il y a dans l’imagination créatrice une liberté qui n’est pas ailleurs : elle n’a besoin d’aucun motif objectif, d’aucune raison intellectuelle pour appuyer ses constructions capricieuses et ses rêves, précisément parce que ce ne sont que des rêves. L’opinion et la croyance, qui prétendent atteindre la réalité, ont besoin d’une raison au moins apparente, que nous ne pouvons pas trouver à volonté, au moins du premier coup. C’est cette pensée d’Aristote que Pic de la Mirandole avait appliquée à la foi théologique, et reproduite dans ses 900 thèses De omni re scibili. La thèse, peut-être à cause de son ambiguïté, fut censurée avec quelques autres par les consulteurs dont Innocent VIII avait demandé l’avis, et le recueil entier fut mis à l’Index. Observons toutefois que la note erronea et hseresim sapiens, attribut cette proposition par Denzinger, Encliiridion, n. C20, n’a d’autre autorité que celle de ces consulteurs. et n’est pas un jugement de l’Église ; que Pic obtint ensuite du saint-siège des documents plus favorables ; et que dans son Apologia qusestionum, livre qui ne fut point prohibé comme l’autre, il donne une explication très ample et très satisfaisante d’une thèse que sa brièveté avait rendue obscure, et pour la défendre invoque, avec l’expérience et le raisonnement, l’autorité de l’université de Paris et celle de tous les docteurs.
Une conséquence, c’est que le pouvoir de douter s’étend beaucoup plus loin que celui d’affirmer avec certitude, ou aussi de nier avec certitude. L’homme arrive malheureusement à douter de l’existence de Dieu et de la vie future : mais d’après Kant lui-même, il ne peut arriver à les nier absolument, faute de motif intellectuel pour celle croyance négative ; il ne peut se donner à lui-même « la certitude qu’il n’y a pas de Dieu et pas de vie future » ; et la probabilité suffisant pour la crainte, il ne peut, s’il y réfléchit, s’empêcher de craindre un Être divin et un avenir. » Critique de la raison pure. trad. franc., p. 610.
4° L’ignorance des difficultés.
Si la raison humaine
élait un instrument aussi parfait que se le sont figuré les rationalistes, elle ne jugerait jamais qu’en pleine connaissance de cause, et l’état de certitude se rencontrerait rarement chez les ignorants. Mais on a souvent observé le contraire. « Chez les ignorants… les croyances sont provoquées par une vue incomplète des choses, et