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CONSTANTINOPLE (ÉGLISE DE)

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Le successeur de Xiphilin, Cosmas I" (1075-1081), fut élu directement par l’empereur. Fidèle à la maison des Ducas, il dut démissionner pour des motifs politiques, mais après avoir inlligé au nouvel empereur, Alexis I" Comnène, et à toute sa famille un jeûne de quarante jours, pour avoir laissé ses soldats piller et profaner les églises de la capitale. Le candidat d’Alexis I er était tout prêt ; ce fut l’eunuque Eustratios Garidas (1081-108’» -), moine assez borné, qui avait déjà comploté contre le précédent titulaire. On l’impliqua ensuite dans le procès religieux d’Italos, philosophe en renom à 13yzan.ee, qui fut accusé dès le mois de janvier 1082. Italos parut devant le concile et, comme le patriarche le favorisait secrètement, on dut remettre l’affaire à la décision de l’empereur. Profond théologien et dialecticien subtil, celui-ci n’eut pas de peine à démêler ses erreurs et, d’accord avec une délégation du patriarcat et du sénat, à porter une condamnation contre lui. Après quoi, le malheureux philosophe comparut encore devant un concile et fut excommunié, alors que tous ses disciples voyaient prononcer leur acquittement. Il aurait fallu remonter trop haut, si l’on avait voulu rechercher toutes les responsabilités. F. Chalandon, Essai sur le règne d’Alexis i er Comnbne, Paris, 1900, p. 310-316. Garidas une fois démissionnaire, ce fut le tour de Nicolas III dit Grammatikos (1084-1111). Ce long patriarcat de vingt-sept ans fut également témoin de vives controverses religieuses. Un jour qu’Alexis I er se trouvait aux prises avec de graves difficultés financières, il songea à saisir les biens des églises, à dépouiller les statues et les images des lames d’or et d’argent qui les enveloppaient, mais il se heurta contre une opposition des plus caractérisées et que dirigeait Léon, métropolite de Chalcédoine. On le destitua et on l’exila à Sozopolis de Thrace, janvier 1086, après l’avoir, dans un grand concile, accusé de rendre aux images un culte de latrie, ce qui le rendait passible des peines portées contre les idolâtres. F. Chalandon, op. cit., p. 110-112 ; décret d’Alexis I er ordonnant la déposition de Léon dans le Bulletin de correspondance hellénique, 1878, t. ii, p. 102-128 ; Montfaucon, Bibliotheca coisliniana, Paris, 1715, p. 102-110. Après le procès de Léon, on eut celui de Nilos, un moine qui aurait exprimé des idées hétérodoxes sur le mystère de la sainte Trinité et sur la divinité du Christ. Avec lui, tombèrent sous l’anathème les Arméniens, surtout ceux de la région de Philippopolis, dont la conversion préoccupait vivement l’empereur.

Revenons quelque peu en arrière pour étudier maintenant les rapports des deux Églises. Dès l’avènement au trône de Michel VII Parapinace, 1072, le pape Alexandre II lui députait une ambassade solennelle pour lui transmettre ses meilleures félicitations, mais l’opposition irréductible de Psellos et du patriarche Xiphilin empêchèrent d’aboutir le projet de réconciliation. En 1073, les rôles étaient intervertis ; c’était l’empereurqui se tournait vers le pape Grégoire VII, lui promettant d’opérer l’union des deux Églises, si l’Occident lui prêtait le secours de ses armes contre les Turcs. Jall’é, Bibl. rer. Germ., p. 31 sq., 145. L’offre ne pouvait arriver plus à souhait, car le pape se proposait au même moment de conduire lui-même une armée de 50000 hommes au secours de l’Orient menacé. Toutefois, les exigences dogmatiques du pape qui réclamait, non seulement la reconnaissance de la primauté pontificale, mais encore l’acceptation de la doctrine romaine sur tous les points controversés, Jaffé, op. cit., p. 115, 150, empêchèrent les négociations ; et d’autres obstacles allaient surgir qui retarderaient la réalisation de ce généreux projet. Tout d’abord, l’empereur d’Allemagne, Henri IV, auquel Grégoire VII pensait confier la garde de l’Occident pendant son absence, engagea avec lui cette fameuse lutte qui devait empoisonner ses derniers

jours ; puis ce fut son protégé, le basilèus Michel VII, que Nicéphore Lotaniate détrôna à son profit, 1078. Dès lors, le pape ne songea plus qu’à pousser à la guerre contre l’usurpateur, le chef normand Robert Guiscard, ami du prince dépossédé. En 1081, Lotaniate était renversé par Alexis Comnène, lequel se réconciliait avec la famille des Ducas ; tout motif d’intervention se trouvait donc écarté pour Grégoire Vil. Mais comme Robert (luiscard était alors engagé dans une guerre avec le basilèus Alexis et que les armes du prince normand étaient nécessaires à la curie romaine, pour parer aux empiétements continuels de l’empereur d’Allemagne, rien ne fut modifié dans la politique de Rome, qui resta comme auparavantantibyzantine. De là les chaleureuses félicitations que Grégoire VII envoyait à Guiscard, à chaque victoire que ses troupes remportaient dans la péninsule balkanique. Chaque pas en avant du souverain normand marquait une prise de possession faite par la curie romaine. Déjà, toute l’Italie méridionale s’inclinait sous la juridiction du pape ; une grande partie des provinces illyriennes venait de lui être restituée, et cela de par la volonté d’Alexis I er. Rodota, Dell’origine. .. del rito greco in Italia, Rome, 1758, t. II, p. 452454. Plus tard, lorsque Guiscard se fut encore éloigné de son centre d’opérations, le pape ne trouva plus son compte à ces entreprises hasardeuses, qui permettaient à Henri IV d’éviter son écrasement, et il aurait désiré la cessation des hostilités contre Ryzance ; mais il était trop tard. Les deux empereurs, grec et germanique, avaient contracté une étroite alliance. En vain, Grégoire VII, vaincu par Henri IV, suppliait-il Guiscard d’accourir à son secours, les troupes du prince normand venaient d’être réduites à néant par les victoires répétées d’Alexis Comnène. Le pape Urbain II revint aux moyens pacifiques, qu’avait uniquement employés son prédécesseur dans les premières années de son pontificat. En 1089, il exhortait Alexis à tolérer que les latins se servissent de pain azyme à Constantinople pour le saint sacrifice, et à cette demande si modérée le basilèus répondait en invitant le pape à une conférence religieuse ou concile, qui se tiendrait à Constantinople dans un délai de dix-huit mois. A la suite de ces négociations, Urbain II le releva de l’excommunication. Une détente sensible se produisit alors ; nous en trouvons la preuve dans un curieux ouvrage de Théophylacte de Rulgarie, écrit vers 1091-1092, intitulé : Discours sur les erreurs des Latins et qui témoigne d’une grande bienveillance à leur égard. F. Chalandon, op. cit., p. 129-131. En 1095, une ambassade d’Alexis I er venait trouver le pape au concile de Plaisance, non pour discuter religion, mais pour implorer son appui, et le souverain pontife s’y prêta d’assez bonne grâce, dit le chroniqueur Rernold : multos invitavit, ut etiamjurejurando promiltercnl, se… eidem imperatori contra paganos pro posse suo fidelissimum adjutoriuni cnllaturos. Et dans son vibrant appel de Clermont-Ferrand, qui détermina la première croisade, Urbain II ne pensa qu’à exhorter les chrétiens d’Occident à sauver leurs frères d’Orient, plutôt même que de songer à la délivrance de Jérusalem et du Saint-Sépulcre. Historiens occidentaux des croisades, t. iii, p. 323 sq.

Les croisades furent la première occasion offerte aux princes occidentaux de donner une solution sérieuse à la question orientale, mais une solution violente qui allait à rencontre des premiers désirs du pape. Roémond, fils cadet de ftobepl Guiscard, voulut, avec ou sans le consentement d’Alexis Comnène, se tailler une principauté en Orient ; il dut toutefois obéir au pape et prêter le serment que le basilèus exigeait de tous les chefs croisés, en s’engageant à remettre entre ses mains les villes et les places fortes qu’ils auraient conquises au cours de l’expédition. La promesse ne fut pas tenue et Roémond garda Antioche, une ville qui était encore