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CRÉMATION

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corps devait être enterré le jour même do l’exécution, pour ne pas souiller la terre par l’infection, qu’aurait vite répandue le cadavre exposé au grand air. Deut., xxi, 22, 23.

L’histoire du peuple juif, consignée dans les Livres saints, ne fait mention d’aucun cas d’incinération des corps, sinon pour des circonstances exceptionnelles occasionnées par la guerre ou la peste. C’est ainsi qu’il est raconté, I Rcg., xxxi, 12, 13, que les habitants de Jabès de Galaad brûlèrent les corps de Saùl et de ses lils ; et le prophète Amos, vi, 9, 10, annonce à Jérusalem une grande peste dont les victimes seront brûlées par leurs proches parents. Si, dans certains textes de la Bible, il est fait allusion à des bûchers funéraires qui paraissaient être en usage chez les Hébreux, même en dehors des causes extraordinaires que nous avons signalées, rien ne prouve qu’on doive voir dans les faits mentionnés des exemples de crémation proprement dite ; mais il faut plutôt les regarder comme des témoignages de la coutume, longtemps en honneur chez les Juifs, de brûler des parfums sur le corps des rois. C’est d’ailleurs la seule interprétation conforme au texte hébreu, comme on peut s’en convaincre pour la prophétie de Jérémie à Sédécias. Jer., xxxiv, 4, 5. Après avoir annoncé au roi de Juda qu’il tomberait dans les mains de Nabuchodonosor, roi de Babylone, le prophète ajoute : « Cependant, écoute la parole du Seigneur, Sédécias, roi de Juda. Voici ce que te dit le Seigneur : Tu ne mourras point par le glaive, mais tu mourras en paix ; et comme on a brûlé des parfums pour les anciens rois, tes prédécesseurs, ainsi, on en brûlera pour toi. » L’hébreu porte : Comburant libi, isrcfou lach. D’après la Mischna, Talmud de Jérusalem, traité Sanhédrin, VI, 9, trad. Schwab, Paris, 1888, t. x, p. 283, les condamnés à être brûlés devaient eux-mêmes être enterrés dans un cimetière particulier, ne recevant que les corps des lapidés et des brûlés.

Chez les Chananéens, les Phéniciens et les Carthaginois, la crémation n’existait que pour les victimes humaines, surtout les enfants, que leurs parents faisaient brûler vifs, soit pour les réunir à la divinité, soit pour apaiser la colère des dieux. Lenormant-Babelon, Histoire ancienne de l’Orient jusqu’aux guerres mèdiques, 9e édit., Paris, 1888, t. VI, p. 577, 657-658. L’impie Acbaz, roi de Juda, avait fait passer par le feu en l’honneur de Moloch son propre fils. IV Reg., xvi, 3 ; II Par., xxviii, 3. L’Ecriture appelle ce rite barbare « l’abomination des Ammonites » . 1Il Beg., xi, 5. Pour les Phéniciens, le tombeau était le lieu de repos que nul ne devait troubler afin de ne pas interrompre le sommeil des ombres. Chantepie de la Saussaye, Manuel de l’histoire des religiotis, trad. franc., Paris, 1904, p. 185. Cf. H. Vincent, op. cit., p. 213.

Les égyptiens et les Chaldéens.

On ne peut

plus dire, avec MM. Perrot et Chipiez, Histoire de l’art dans l’antiquité, Paris, 1898, t. VII. p. 39, qu’il n’existe pas de trace de la crémation en Egypte, ni en Pbénicie, ni chez les peuples de l’Asie-Mineure, tels que Cariens, Lydiens, et Phrygiens. Les Égyptiens enterraient leurs morts. La vallée du Nil est pleine de tombeaux. On a retrouvé les cadavres embaumés des anciens Égyptiens, leurs hypogées richement décorés de peintures et de bas-reliefs. G. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient classique, Paris, 1897, t. ii, p. 309 312, 506-508. Cependant, dans l’Egypte archaïque, le roi était brûlé dans l’incendie de sa tombe monumentale. Mais le monarque avait d’abord été inhumé, et le feu qui consumait le cadavre, les offrandes et l’ameublement du tombeau, devait rendre subtil tout cet ensemble, pour que le roi dieu pût faire plus aisément sa route vers le ciel, où il devait se réunir à ceux de sa race. On a pensé que cet usage supposait des conceptions différentes de celles qui prédomi nèrent ensuite en Egypte, et que le roi était ainsi volatilisé, lui et ses biens, parce que le mort ne pouvait inaugurer sa nouvelle existence avant d’avoir perdu jusqu’au simulacre de son corp-.

Au rapport d’Hérodote, les Babyloniens embaumaient leurs morts dans du miel. Cependant les ruines d’Assyrie ne gardent aucune trace de cimetières, et les sculpteurs’de Ninive et de Babylone n’ont reproduit aucune cérémonie funèbre, au point que les explorateur^ se sont demandé ce que les Assyriens faisaient de leurs morts. La basse Chaldée, en revanche, est couverte de nécropoles ; chaque monticule de cette contrée est un cimetière, où les cadavres ont été. pendant des siècles, ensevelis et amoncelés. On en a conclu que les Assyriens y amenaient leurs défunts afin de les réunir. après leur mort, à leurs ancêtres. Lenormant-Babelon, Histoire ancienne de l’Orient jusqu’aux guerre » mèdiques, 9e édit., Paris, 1887, t. v, p. 277-278.

Les Chaldéens inhumaient généralement leurs morts ; mais n’ayant pas sur l’autre vie des idées aussi claires que les Égyptiens, ils n’entouraient d’autant de soins ni les cadavres, ni les tombeaux. Toutefois, « beaucoup préféraient le bûcher à la simple mise au caveau. On brûlait les morts à quelque distance de la ville, sur un terrain réservé au milieu des marais. On entortillait le corps dans une natte grossière, on le déposait sur un amas de roseaux et de joncs arrosés largement de bitume, puis on élevait tout autour un écran de briques qui circonscrivait l’action de la flamme, et on l’enduisait d’argile humide ; les prières récitées, on empilait sur lui, pêle-mêle, avec le viatique ordinaire et les pièces du mobilier funèbre, des relais nouveaux de matières combustibles. Quand on jugeait que le feu avait à peu près terminé son œuvre, on éteignait le foyer et on constatait quel (’tait l’état des résidus. Le plus souvent, la combustion n’avait entamé que la portion des chairs la plus facile à détruire : le reste était carbonisé à peine, et le cadavre semblait une masse noircie et défigurée. La couche terreuse, dont on avait pris soin de le charger au commencement, lui formait alors une gaine de poterie, qui masquait le résultat de l’opération et qu’on se gardait de briser, pour ne point étaler aux yeux de la famille et des assistants l’horreur navrante du spectacle. Parfois, cependant, la fournaise avait dévoré tout, et l’on n’apercevait plus qu’un peu de cendre grasse et des éclats d’ossements calcinés. Souvent on n’éloignait pas ces débris d’humanité de la place où ils gisaient, et leur bûcher devenait leur tombeau. Souvent aussi on les recueillait soigneusement, et l’on disposait d’eux, selon le degré de destruction qu’ils manifestaient. On enfermait les corps consumés insuffisamment dans des fosses ou dans des chapelles communes ; on versait les cendres dans des urnes oblongues avec les fragments d’os et ce qui avait échappé des offrandes. « G. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient classique, Paris, 1895, t. i, p. 687-688. Cependant quelques assyriologues n’admettent pas que les deux nécropoles de la Chaldée méridionale, découvertes en 1886-1887, soient de l’ancienne époque de Babylone, puisque les anciens, estiment-ils, préféraient l’enterrement. Mais des découvertes plus récentes ne permettent guère de nier l’ancienneté de la crémation chez les Chaldéens et montrent que le rite d’ensevelir les morts fut introduit en cette contrée par les Sémites, lorsqu’ils y pénétrèrent. Les anciens habitants gardèrent leur tradition d’incinération, tandis que les nouveaux venus ensevelissaient leurs moris. I, a substitution, faite par un peuple nouveau, ne fut ni absolue ni universelle dès le premier jour de la conquête. Cꝟ. 11. Vincent, Canaan d’après l’exploration récente, Paris, 1907, p. 263-267. D’ailleurs, comme on déposait en terre ce qui restait du cadavre incinéré, l’incinération n’était qu’un intermède. Sur les raisons de l’im-