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peuvent être, comme tels, objets de preuve rationnelle. On les croit par la pieuse affection du cu’ur, à cause du magistère immédiat de Dieu. Saint Thomas, perfectionnant l’idée (inisc, lu IV Sent., dist. XXIV, q. i, a. 3, quær. ii, ad 1 mi ", et la synthèse du Dr veritate, q. xiv, a. 10, donne un peu plus loin, II » II’, q. ii, a. 3, une synthèse définitive de cette genèse divine et morale de la foi en nous. La foi y apparaît comme une éducation graduelle de l’intelligence de l’homme faite pour obéir à la première intelligence (puissance obédientielle). La foi in speciali aux objets révélés résulte de cette éducation dont Dieu est l’auteur immédiat. La dogmatique spéciale, la raison illustrant les objets de foi par des arguments de convenance et en tirant les conséquences, qu’Abélard disait précéder la foi, ce qui lui faisait regarder celle-ci comme une exislimalio, est désormais reléguée après l’acquisition de la foi, et cela en connaissance de cause.

Le second membre de la même distinction dégage définitivement de l’objet de foi, la propriété naturelle de crédibilité générale, credibilitas in communi, et son caractère d’évidence, et sic sunt visa ab eo qui crédit.

On s’est demandé si cette vue de la crédibilité était pour saint Thomas un acte de raison ou un acte de foi. Il n’est pas douteux que la crédibilité ne soit pour lui un objet purement rationnel. La preuve par les miracles est du ressort de la raison naturelle. Or, aussitôt après avoir avancé l’idée de la crédibilité générale et évidente, l’auteur ajoute : Non enim crederel nisi videret ea esse credenda, val propler evidentiam signorum vel propter aliquid hujusmodi. Mais d’autre part dans l’ad 3°"’qui suit l’ad 2° m qui contient ce texte, on trouve ceci : Lumen /idei facit videre ea quse creduntur, et dans la réponse ad l" nl de l’art. 5, qui suit le présent article : Fidèles habent eorum notitiam, non quasi démonstrative, sed in quantum per lumen (idei videntur esse credenda, ut die t uni est. Ce dernier mot nous renvoie à l’art, i.

Nous estimons que, conformément au texte déjà cité du commentaire In IV Sent., 1. III, dist. XXIII, a. 3, q. il, sol., il y a place chez saint Thomas pour les deux interprétations : la crédibilité est, en soi, évidente pour la raison, mais rien n’empêche que cette évidence ne soit renforcée, ou même suppléée, dans des cas plus rares, par la lumière de la foi.

Que selon saint Thomas la crédibilité soit, en soi, accessible à la pure raison, c’est ce que manifeste abondamment le texte suivant après tant d’autres : Si aliquis propheta prænunliaret in sermone Domini aliquid futurum et adhiberet signum, mortuum suscitando, ex hoc signo convinceretur intelleclus videntis, ut cognosceret manifeste hoc dici a Deo qui non mentitur ; licet illud futurum quod priedicitur in se evidens non esset : unde per hoc ratio fidei non tôlier etur. Sum. theol., IIa-IIæ , q. v, a. 2. L’évidence est telle que les démons, malgré leur répugnance à croire, ne peuvent s’empêcher d’y souscrire : Dsemonum fides est quodammoilo coacta ex signorum evidentia, ibid., ad 1 UI " ; et cela, ex perspicacitale naturali intelleclus. Ibid., ad 2° m. Il s’agit donc d’une évidence naturelle et parfaite engendrant une foi scientifique, établie à l’aide d’une démonstration rigoureuse du genre des démonstrations par l’impossibilité du contraire, ainsi que le manifeste ce texte de saint Thomas qui est, comme rédaction, contemporain de la Somme : Hoc contingere non potes l quod aliquis faisant doctrinam annunlians vera miracula facial, quse nisi virtute divina fieri non possunt ; sic enim Deus esset falsilalis testis, quod est impossibilc. Quodlibel, II, a. 6, ad i 1 "", p. 177. Mais cette foi scientifique ne porte pas sur le contenu de l’assertion. D’où la place laissée à l’initiative de la volonté libre se soumettant au magistère divin et à la lu mière de la foi qui est la réponse divine. Merilum fidei est ex I""’quod homo ex mandato lia crédit quod non vide t. Unde illa sola ratio merilum excludit quse facit videri per scii’utiani id quod credendum / nitur et talis est ratio démons Irativa. Sum. theol., III a, q. i.v, a. 5, ad 2°". Telle n’est pas, on a vu pourquoi, la preuve tirée du miracle, d’où : VicU nlium enim unum et idem miraculum et audienlium eamdem prœdicationem, quidam credunt et quidam non credunt ; et ideo oportet ponere aliam causant interiorem quse movet hominem interius ad assentiendum lus quse sunt fidei. Sum. theol., II a II 1, q. VI, a. 1. Cette cause, c’est la grâce de la foi : fides quoe est donum gratise inclinât hominem ad credendum, secun aliquem ajfectum boni, eliam si sit informis. Ibid., q. v, a. 2, ad 2°" 1. Il est donc bien certain que saint Thomas a regardé l’évidence de la crédibilité comme une évidence avant tout rationnelle.

Seulement, dans la Somme théologique, il tend à restreindre aux infidèles l’usage pratique de celle évidence. Sans doute, il l’admet en principe chez le croyant : Fides habet inquisitionem quamdam eoruni per quse inducitur homo ail credendum, pu la quia sunt dicta a Deo et miraculis con/irmata. Ibid., q. n., i. I, ad l lim. Mais si cette évidence précède la foi et est regardée tant soit peu comme une condition de l’adhésion, diminution du mérite de la foi ; si au contraire l’étude de la crédibilité rationnelle est un effet de la foi. est signum majoris merili. Ibid., q. il, a. 10. La recherche de l’évidence de la crédibilité antécédente à l’acte de foi n’est permise qu’aux infidèles ; melius est eis, ut vel per miracida converlantur ad fidem, quam quod omnino in infidelitate permaneant ; dicitur enim I ad Cor., iv, quod signa data sunt infidelibus, utscilicet converlantur ad fidem. Ibid., III » , q. xliii, a. 1. ad 3° m. Vis à-vis d’eux cette confirmation même est nécessaire pour que le témoignage soit croyable : Necesse est quod’sermo prolatus confirmetur ad hoc quod credibilis fiât. Hoc autem fit per operalionem miraculorum, secundum illud Marci ult. : Et sermonem confirmante sequentibus signis. Et hoc ralionabililer. Xalurale enim est homini ut verilatem intelligibilem per sensibiles effeclus deprehendal. Unde sicut duclu naturalis ratiottis homo pervenire potest ad aliquam Dei notitiam per effectus naturales, ita per aliquos supernaturales e/Jecttis qui miracula dicuntur in aliquam supernaturalem cognitionem credendorum homo inducitur. Ibid., ll a II*, q. clxxviii, a. 1.

Le caractère naturel et rationnel de l’évidence de la crédibilité étant mis hors de toute atteinte, nous pouvons passer au cas où la lumière de la foi fait voir la crédibilité. Cette vue de la crédibilité est revendiquée pour les seuls fidèles : infidèles, eorum quse sunt fidei ignorantiam liaient : quia nec vident nec sciunt ea in seipsis, ut cognoscant esse credibilia. Sed per hune modum fidèles habent eorum notitiam non quasi démonstrative, sed in quantum per lumen fidei videntur esse credenda. ut dictum est. Ibid., Il* ÏI", q. i. a. 5, adl 1 "". Mais, qu’on le remarque bien, selon saint Thomas, la crédibilité n’est pas visée directement par la foi. Elle n’apparait à la connaissance de la foi que comme une condition impliquée par l’objet propre de cette connaissance. Sicut enim per alios luibitus i-irtutem homo videt illud quod est sibi conveniens secundum habitum illum, ita eliam per habilum fidei inclinatur mens hominis ad assentiendum his quse conveniunt reclm fidei et non aliis. Ibid., IIa-IIæ. q. i, a. i, ad’&" » . Même doclrine q. H, a. 3. ad 2um : His quse conveniunt fidei et non aliis, his autem fidei non autan contraria, ce sont là des expressions qui désignent le credibile in speciali, non la crédibilité générale. Mais, du fait que l’habitus de foi incline infailliblement à croire chacun de ses objets spéciaux, il résulte qu’il juge à sa manière