Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 3.2.djvu/486

Cette page n’a pas encore été corrigée

2239

CRÉDIBILITÉ

2240

A noter, xiii, 12. ce tour de phrase : Tune proconsul, cum vidissel factum, credidit, admirait* super doctrina Domini. — Dans la I rc Épitre aux Corinthiens, xv, . la vérité de la prédication de saint Paul est rendue par lui solidaire de la résurrection du Christ : Quodsi Chris tus non resurrexit, vana est fides vestra, etc., 17. L’apôtre s’est d’ailleurs attaché, 4-9, à donner les arguments scripturaires et les preuves de visa qui rendent caduque son hypothèse de la non-résurrection. Dans l’Épitre aux Hébreux se trouve un texte souvent cité par les Pères et les théologiens comme étant, avec le dernier verset de saint Marc, la meilleure formule scripturaire de la crédibilité : Quæ cum initium accepisset enarrari per Dominum, ab his qusc audierunl, in nos confirmata est, contestante Deo signis et portentis, et variis virtutibus, et Spiritus Sancli dutrïbutionibus, il, 4. Dans I Pet., ni, 15, le texte souvent cité lui aussi : Parali seniper ail salisfactionem omni poscenli vos rationem de ea, quse in vobis est, spe, contient une notion très exacte de la crédibilité rationnelle, souvent utilisée. A noter dans II Pet., i, 16-19, le passage qui commence par ces mots : Non enim ductas fabulas seculi… et où, à l’appui de la prédication apostolique, sont invoqués le témoignage céleste miraculeusement entendu lors de la transfiguration, et, plus loin, le témoignage des prophètes : Habemus firmiorem propheticum sermonem, texte cité par la constitution Dei Fitius, c. III. Par contre, nous devons noter deux textes employés abusivement à propos de la crédibilité : a) Rationabile obsequiuni vestrum, que l’on traduit : Que votre foi soit raisonnable. L’idée est juste en soi et la glose s’inspire sans doute de l’expression : obsequium fidei vestrse, Phil., H, 17, du même apôtre. Mais le contexte manifeste que c’est là un sens accornmodatice, et qui ne peut être adapté à la foi que par analogie comme l’a fait, après Innocent III, Serm., il, in conc. Laler. IV, Mansi, t. xxii, col. 974, Pie IX, encyclique du 9 novembre 1846, Denzinger, Enchiridion, n. 1498. b) Linguæ in signum sunt non fidelibus sed infidelibus, prophétise autem non infidelibus sed fidelibus, I Cor., xiv, 22, a été employé pour signifier que les miracles sont destinés exclusivement aux infidèles et l’argument par les prophéties aux fidèles. C’est une interprétation indue, car il s’agit ici du don de prophétie et non de la prophétie des faits futurs. Elle renferme d’ailleurs cette idée juste que les fidèles n’ont pas besoin, comme tels, de miracles pour croire, et que les prophéties, si on les considère, non dans leur réalisation miraculeuse, mais comme des affirmations divines sur l’objet de foi, à l’instar de plusieurs Pères grecs, exigent la foi antécédente : Si crederitis Moysi, crederetis forsitan et mihi. De me enim Me scripsit. Joa., V, 46.

XI. La crédibilité chez les saints Pères. — Les saints Pères, sauf de rares exceptions, n’ont pas traité, ex professo et d’une manière abstraite, de la crédibilité rationnelle. C’est principalement de leurs apologétiques, de leurs sermons, de leurs commentaires sur l’Écriture sainte que l’on peut en extraire la notion. On ne la trouve guère développée qu’en fonction des motifs de crédibilité, spécialement des miracles et des prophéties. L’histoire de la nolion.est donc inséparable de l’histoire des motifs de crédibilité. — Quant aux miracles, les idées régnantes sur la magie ont invité les Pères, non pas toujours, cf. Saltet, Bulletin de littérature ecclésiastique de Toulouse, décembre 1905, p. 326 ; Lagnier, Méthode apologétique des Pères du iiie siècle, Paris. 1906, mais souvent, « à se priver d’une preuve dont la valeur pourtant ne faisait pas de doute à leurs yeux. » Tunnel, Histoire de la théologie positive, 2° édit., t. i, c. i, p. 10. Un autre motif de cette réserve, à partir du ine siècle surtout, est l’éloignement des miracles du Nouveau Testament et la difficulté de leur vérification, que l’on tourne cependant, en les appuyant aux pro phéties ou au témoignage île I Église, ou encore en concluant leur existence de la constatation d’effets persistants qui n’auraient pu, estirne-t-on. arriver sans eux, comme la conversion du monde. Cf. Turmel, op. cit., p. 12. Rarement, pour les établir, on fera appel à l’histoire proprement dite. En ce qui concerne les prophéties, signalons les trois sortes d’argumentation auxquelles elles donnent lieu. Tantôt on les regarde comme des oracles d’hommes inspirés, et, dela loi qu’on leur suppose accordée, par les Juifs par exemple, on conclut que le Christ, décrit dans ces oracles, mérite la foi que l’on accorde aux oracles eux-inèrnes. Tantôt, on suppose que les écrivains de l’Ancien Testament sont des sages, et de la supériorité morale et religieuse de leur doctrine sur la doctrine des philosophes, que l’on accuse d’avoir pillé les auteurs sacrés, on conclut la ^rité de la foi judéo-chrétienne. Tantôt enfin, on prend pour point de départ l’antériorité de fait des prophéties sur leur réalisation, et de cette réalisation on conclut que Dieu est l’auteur des prophéties et que ce qui est prédit, étant voulu par lui, est marqué d’un caractère divin. C’est l’argument devenu classique.

La tradition grecque et la tradition latine concernant notre sujet ont, chacune, leur développement à part et ne se compénètrent que rarement. Nous les interi rons séparément.

Les Pères grecs.

La plupart, surtout parmi les

apologistes, tiennent du néoplatonisme l’idée d’une manifestation de la raison divine dans la philosophie ancienne et établissent une sorte de continuité entre cette révélation naturelle et la révélation chrétienne. La foi est avant tout l’adhésion à ce témoignage intérieur. De là. souvent, une certaine indécision sur le point précis qui sépare la connaissance naturelle de la foi surnaturelle, un rôle plus accentué accordé à la raison dans ce qu’on appelle couramment la démonstration de la vérité chrétienne ; de là aussi, le passage fréquent de l’usage des motifs extrinsèques qui prouvent l’autorité du témoignage à l’usage des raisons intrinsèques qui tendent à légitimer directement les mystères. Ce n’est pas la foi chrétienne qui est absorbée dans la raison, mais plutôt la raison qui est conçue comme un premier témoignage de Dieu dont les assertions viennent se mêler à celles de la révélation surnaturelle en les corroborant. La ligne de démarcation que constituera plus tard la notion de crédibilité extrinsèque ou rationnelle affleure souvent, mais n’est pas encore fixée.

Nous donnons maintenant la parole aux textes, ne citant que les plus importants et les plus décisifs. De brèves remarques, quand il en sera besoin, les situeront dans leur milieu ou souligneront leur signification.

Saint Quadrat († 125) d’après Eusèbe. — De son Apologie pour la religion chrétienne il nous reste un fragment, conservé par Eusèbe, où le caractère visible, public, des miracles du Sauveur est vigoureusement mis en relief. Il y est dit que quelques-uns de ceux qui furent l’objet de ces miracles vivaient encore du temps de Quadrat. Évidemment, l’apologiste voit là un témoignage en faveur de la vérité île la religion chrétienne, analogue sans doute à celui que voyait saint Paul, I Cor., xv, 6. dans la survivance îles témoins de la résurrection, bien que la brièveté du texte ne permette qu’une conjecture. P. G., t. v, col. 1259.

Saint Justin († 163). — Pour lui, 1res spécialement, la révélation chic tienne n’est que l’achèvement de la révélation que Dieu opère par la raison. Apol., il, n. 8, P. G., t. vi, col. 457. Il insiste donc sur ce que la foi chrétienne est en harmonie avec la raison, et pour ainsi dire se démontre, Ayol., I, n. 10. au rebours de celle des païens, ibid., n. 54, tout en se rendant compte de ee que ses dogmes ont d’incroyable pour la raison, Apol., i. n. 19, P. G., t. vi, col. 356, ce qui écarte toute idée de démonstration intrinsèque. Les motifs princi-