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CREDIBILITE


illuminatrice de la foi, el leur valeur ue peut plus être mesurée au seul contenu objectif qu’ils développent devant l’intelligence spéculative. Un argument probable possède ainsi, en droit, une valeur de conviction absolue, non par -.1 teneur d’argument, mais par la vertu De la lumière supérieure qui l’emploie. Cette adoption de la raison parla foi, si légitime dans le cas où il s’agil de communiquer à des arguments rationnels une force suffisante pour prouver avec une certitude sans réplique la crédibilité, et pour justifier la foi d’un individu, ne pourrait-elle pas être généralisée, en sorte que tous les arguments probables fussent conçus comme étant au service de certitudes antérieures, d’origine surnaturelle, qui en légitimeraient, en tout et pour tout, l’emploi ?

C’est notre manière de voir. La certitude que la grâce de Dieu communique à des arguments probables pour produire la connaissance certaine du fait de la révélation et l'évidence de la crédibilité dans les consciences individuelles, convient au corps même de ses arguments, organisé en topique apologétique, si on considère celle-ci sous la dépendance de la théologie, car la tbéologie puise une certitude absolue, qu’elle est apte à communiquer à ses organes, dans les vérités de foi qui sont ses principes et par lesquelles elle communique directement avec la science de Dieu.

Or, précisément, la science théologique n’argumente pas seulement dans le but d'éditier le système lié des vérités de foi et des vérités de raison et d'étendre ainsi son domaine par voie de développement intrinsèque, mais, dit saint Thomas, étant dans son ordre une métaphysique, c’est-à-dire cette science première, suprême, a laquelle incombe le soin de défendre ses propres principes, les vérités de foi, elle argumente contre ceux qui les nient soit en prenant pour point de départ les vérités admises en commun, soit même, lorsque rien n’est admis communément de part et d’autre, en résolvant les objections. Or, ce qui fait la force a priori de cette discussion, c’est, dit le saint docteur, que la théologie étant fondée sur la vérité infaillible, et d’ailleurs, comme il y a impossibilité à démontrer le contraire du vrai, il est manifeste d’avance que les objections, alléguées contre la foi, ne sont que des arguments caducs. Sum. theol., I a, q. 1, a. 8. Cf. bulle Apost. regiminis de Léon X, n. 119, § 2, n. 120, g 3, Bull, rom., édit. de Turin, t. v, p. 601.

Appliquons ce principe à la preuve de la crédibilité par les arguments probables, et considérons la topique apologétique comme un organe, une fonction, un service de la théologie, et nous comprendrons la possibilité, pour un corps d’arguments probables, de posséder un droit a priori à produire la certitude, qui le constitue, sinon à l'état de science, du moins à l'état d’instrument normal de conviction parfaite vis-à-vis de la crédibilité, et qui manifeste la légitimité de « l’ambition qu’elle a de produire dans les âmes la certitude » .

Bien entendu, cette adoption de la topique apologétique ne garantit pas la valeur intrinsèque des arguments employés ; elle la suppose, et donc, si la probabilité d’un argument n’est qu’apparente, il ne saurait engendrer la conviction, sauf dans le cas d’une suppléance surnaturelle totale, où l’argument n’est pour rien dans l’effet produit ; mais, étant donnée sa sérieuse probabilité, la communication que lui fait la théologie de sa propre certitude lui donne le droit d’opérer ce qu’il est par lui-même insuffisant à produire. Capreolus dit justement : Médium probabile, quando concurrii cum medio neeessario, ad causandum assensum respecta ejusdem conclusionis, non causal assensum opinativum inaclu ; quia médium necessarium lollil ralionem objeeti ojnnionis scilicet formidincm et in/irmans adhœsionem… El ideo in tait casa causatur solum assensus scienlificus. In IV Sent., 1. III, dist, XXV. q. 1. a. 3, § 2, ad l um, édit. Paban-Pègues, col. 332. Le

cas individuel de i, , production légitime de la certitude par des arguments probables pris connue instrumenta des grâces d’illumination de la foi, se trouve ainsi transposé dans l’ordre de la doctrine objective qui aspire universellement par des moyens probables à produire les certitudes nécessaires et l'évidence de la dibilité. Et ce résultat est obtenu, dans un cas comme dans l’autre, en considérant le probable comme instrument du certain antérieur, ici de l’illumination divine personnelle, là des lumières divines authentiques qui éclairent la théologie.

Ainsi entendue, la topique apologétique rentre dans la théologie argumentalrice, Sum. theol., I » , q, 1. a. 8, avec cette modalité spéciale que, en elle, la théologie n’argumente pas pour bâtir la systématisation du dogme, ce qui est la théologie proprement dite, ni pour dirimer les débals qui s'élèvent à propos des différentes manières d’entendre la systématisation rationnelle du dogme, ce qui est la polémique, ni pour défendre un dogme spécial contre ses adversaires incrédules, ce qui est la controverse, mais pour défendre contre toute attaque et pour prouver à toute intelligence le fait du témoignage divin à l’appui des vérités révélées et l'évidence de la crédibilité des vérités révélées, ce qui est proprement l’objet de {'apologétique qui est spéciliquement, comme nous l’avons dit, une doctrine de la crédibilité.

Nous revenons ainsi à la conception traditionnelle de la théologie scolastique, qui considérait l’apologétique moins comme une suite de thèses organisées en vue d’aboutir à la crédibilité, ce qui est la conception moderne de la science apologétique, que comme une défense autonome des principes de la foi par la théologie contre les négateurs de ces principes, voir APOLOGÉTIQUE, t. 1, col. 1514, et rattachait cette défense, comme à son fondement infaillible et à son principe directeur, à la théologie elle-même, ibid., conçue comme une émanalion directe de la science de Dieu. Idée, dont témoignent toutes les œuvres des théologiens de la grande époque, qui intercalaient dans le traité de la foi, à propos de son objet, des traités défensifs contre les païens, musulmans, juifs, protestants. Idée dont on ne peut contester le profond à-propos théologique, si tant est que la crédibilité rationnelle soit une propriété spécilique de l’objet de foi et qu’il soit naturel d’en traiter la justification en traitant de l’objet de foi.

IX. Décisions canoniques.

La notion de crédibilité rationnelle n’a donné lieu que fort tard à des controverses. Il faut remonter jusqu’au XVIIe siècle pour rencontrer les premières décisions canoniques qui la concernent directement. Voir cependant la proposition 96e de Raymond Lulle et le corollaire de la proposition '18e de Pic de la Mirandole qui s’y rapportent indirectement. Denzinger, Enchiridion, n. 171. 619.

La première série de décisions a pour occasion le mouvement probabiliste des xvr et xviie siècles. Le principe général du probabilisme, à savoir que l’on agit prudemment en suivant une opinion probable, fut appliqué au jugement de crédibilité qui est destiné à justifier prudentiellement la foi divine, et cette application donna lieu à la condamnation des propositions suivantes par Innocent XI le 2 mars 1679. Cf. Denzinger, n. 1021, 1036-1038. 1040.

Trop. 4.W< infidelitate excusabitur iufulelis non cralens ductus opinione minus probabili.

Cette proposition de Jean Sanchez fut portée explicitement sur le terrain de la crédibilité par Thomas Sanchez, s..1. Viva, Damnais ? thèses, prop. 4 e. condamnée par Innocent XI ; cf. Thomas Sanchez, (>jms morale, 1. II. c. 1. n. (i. Lyon, 1661, p. 86. Le jésuite Viva qui avait cru retrouver chez saint Thomas, Sum. theol., II » IIe, q. 1. a. i, ad 2um, un appui pour cette