Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 3.2.djvu/48

Cette page n’a pas encore été corrigée
1363
1361
CONSTANTINOPLE (ÉGLISE DE)


thone. Mais c’est surtout la Calabre qui est le refuge naturel des chrétiens cliassés de Sicile… et de cette migration nous trouverons la trace dans toutes les vies de saints calabrais du ixe siècle et du commencement du X’. » P. Batiffol, L’abbaye de Rossano, Paris, 1891, p. vin sq. Toutefois, si Syracuse est désormais absente des notices épiscopales byzantines, il n’en est pas de même de Calane qui occupe habituellement le 44e rang. Catane figure encore dans la liste d’Andronic II, en 1298, tandis qu’elle manque à celle d’Andronic III, 13281341, où elle est remplacée par Lacédémone. Il est vrai que, depuis longtemps déjà, son métropolitain n’occupait qu’un siège in partibus.

En Calabre, la transformation s’opère plus tardivement qu’en Sicile, mais aussi plus rapidement. A la fin du VIe siècle encore, cette province est purement latine et se nomme le Druttium ; c’est la péninsule sud-orientale ou terre d’Olrante, qui est désignée par le nom de Calabre. Il en est ainsi jusqu’au milieu du VIIe siècle ; à ce moment, l’ancien nom de Bruttium commence à tomber en désuétude pour céder la place à celui de Calabre. Cette mesure administrative doit sans doute le jour à Constant II, qui séjourna longtemps en Italie et institua un duché de Calabre plus étendu, afin de mieux garantir l’autorité byzantine contre les Lombards. Un peu plus tard, vers 680 et dans les années suivantes, la Calabre proprement dite échappe au basileus. Pour dissimuler les pertes qu’ils ont subies, les Byzantins conservent toujours le nom officiel de Calabre, mais ils l’appliquent uniquement à la région dont ils sont restés les maîtres, c’est-à-dire à l’ancien Bruttium. En même temps, un travail d’hellénisation s’opère très promptement. De la sorte, le clergé calabrais, qui est soumis à la juridiction romaine et attiré vers les papes par l’ensemble de sa doctrine, se voit comme malgré lui entraîné vers Byzance par sa langue et par sa liturgie, Si naturelle que puisse nous paraître aujourd’hui la situation mixte du clergé calabrais, grec et latin, elle ne pouvait durer que par l’accord permanent des cours de Rome et de Constantinople. Dès que la rupture définitive fut proclamée sous les empereurs iconoclastes, la différence de langue et de rite devenait nécessairement un principe d’opposition, et Constantin V, pas plus que Léon III, ne devait souffrir que des Eglises grecques reconnussent la juridiction d’un pape brouillé avec le pouvoir impérial. A vrai dire, cette soumission de la Calabre, comme de la Sicile, au patriarche de Constantinople ne semble pas avoir été dès l’abord imposée par un décret formel ; elle suivit plutôt la force naturelle des choses. En confisquant violemment les revenus des patrimoines de Saint-Pierre dans la Sicile et dans la Calabre, Léon III l’Isaurien enlevait au pape toute son influence sur le clergé de ces provinces, il ne tolérait plus la présence des inspecteurs pontificaux, chargés de veiller sur les biens et sur les personnes ecclésiastiques et, par suite, il brisait les derniers liens qui rattachaient à Rome le clergé de l’Italie méridionale et de la Sicile. Dès lors, rien de plus aisé que d’interdire aux évêques le voyage ad Umina, de prohiber la reconnaissance de la juridiction papale ; rien de plus aisé aussi que de faire exercer par le patriarche byzantin les droits autrefois dévolus au souverain pontife, à mesure que se produiraient les vacances de sièges. Fatalement, par la simple force de l’habitude, les Eglises de Calabre devaient accepter peu à peu la juridiction nouvelle. Pourtant, il pourrait bien y avoir eu un décret positif de Constantin V, qui consacrait le nouvel ordre de choses, lorsque le pape chercha des alliés éventuels dans les rois francs et se mit à poser les bases des États pontificaux (754). Du moins, c’est ce que semblent laisser entendre les paroles du clerc arménien Basile, dans la première moitié du ixe siècle : « Ont été arrachés au diocèse de Rome et sont soumis actuellement

au trône de Constantinople les métropolitains suivants avec leurs évêchés : Thessalonique, Syracuse, Corinthe, Reggio, Nicopolis, Athènes, Patras, parce que le pape de l’ancienne Rome est entre les rnains des barbares. » H. Gelzer, Georgii Cyprii descriplio orbis romani, p. 27. Dans cette liste de métropoles incorporées au patriarcat byzantin, Reggio représente l’Église calabraise. La Notitia VIII de Parthey, op. cit., p. 166, qui est un peu antérieure à celle du clerc Basile, ne mentionne Reggio que parmi les archevêchés autocépbales, et encore au dernier rang.

Contre ces violences de l’autorité impériale, il n’y a pas trace de résistance de la part des papes, qui paraissent s’être résignés d’assez bonne heure à la perte de leur juridiction. Ainsi Adrien I er (772-795) ne revendique qu’à deux reprises les anciennes prérogatives du patriarcat romain, Jaffé-Lôwenfeld, Regesta, n. 21’t8, 2449, 2483, et encore se préoccupe-t-il moins de son pouvoir spirituel que de ses anciens domaines. Après lui, pendant plus d’un demi-siècle, on ne perçoit aucune protestation nouvelle ; il faut descendre jusqu’à Nicolas [ «  (856-867), pour saisir, dans les lettres des papes, une allusion à leurs droits perdus sur la Sicile et sur la Calabre. Du reste, ces protestations furent toutes platoniques ; aucun pape n’osa agir directement sur le clergé sicilien ou calabrais pour le détacher du patriarcat de Constantinople, et les évêques de ces deux provinces conlinuèrent à se mouvoir dans l’orbite des patriarches byzantins.

Lorsque Basile I er eut repris sur les Sarrasins et les Lombards la Calabre et l’Apulie, tombées momentanément en leur pouvoir, il s’occupa avant tout d’y restaurer la hiérarchie ecclésiastique. Pour opérer ce changement, il fallait, du moins en Apulie, substituer le clergé grec à l’ancien clergé latin, mais cette substitution ne présentait pas de difficulté ; il suffisait d’offrir un asile aux innombrables émigrants chrétiens, laïcs, prêtres ou moines, que les progrès de la domination sarrasine en Sicile forçaient à s’expatrier. Ce qui nous donne une idée précise de l’intensité de vie hellénique en cette province, ce sont les notices épiscopales. Tandis que du temps du clerc arménien Basile, vers 840, le duché de Calabre et la terre d’Otrante ne possédaient encore qu’une seule métropole byzantine, Reggio, à l’époque de l’empereur Léon VI, entre les années 901 et 907, on mentionne dans la Calabre deux métropoles : Reggio et Santa Severina, dont l’une occupe le 31e rang et l’autre le 48 « sur la liste des 51 métropoles byzantines. A ce moment déjà, Beggio comptait douze évêchés suffragants et Santa Severina quatre. De plus, l’ancienne Calabre ou Terre d’Otrante avait un archevêché autocéphale, Otrante, qui dépendait directement de Constantinople. H. Gelzer, Vngedruckte… Texte der Notitia : episcopatuum, p. 559 sq. ; J. Gay, L’Italie méridionale et l’empire byzantin depuis l’avènement de Rasile 1° jusqu’à la prise de Bari par les Normands, 867-iOli, Paris, 1904, p. 185-191. Toutefois, la grande majorité des évêchés de l’ancienne Calabre reste soumise au pape de Rome, bien que ce pays fasse partie, au point de vue politique, de l’empire grec ; c’est du saint-siège que dépendent alors les évêques de Tarente et d’Oria, comme ceux de l’Apulie centrale et septentrionale, où la conquête byzantine n’a eu d’autre effet que de favoriser la restauration des anciennes Églises latines. , 1. Gay, op. cit., p. 191-200. M. Gay a prouvé, Les diocèses de Calabre a l’époque byzantine, dans la Revue d’Instoire et de littérature religieuses, 1900, t. v, p. 251, 252, que les douze sull’ragants de Reggio se composaient des huit anciennes Églises latines : Vibona, Tauriana, Locres ou Saint-Cyriaque, Squillace, Cotrone, Nicotera, Tropea et Cosenza, connues déjà de saint Grégoire le Grand, et de quatre Églises nouvelles : Bisignano, Rossano, Amantea et Xicastro, érigées en évêchés par les