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di grandeurs assignées par la pensée et l’Infini, il reste une infinité d’autres quantités possibles. Aussi les scolastiques sont-ils tous d’accord sur ce point : « à parler proprement, il n’est chose que Dieu fasse, qu’il ne puisse en faire une meilleure. » S. Thomas, Sum. theol., 1°, q. xxv, a. 6, ail l" 1 ". Le monde le plus parfait doit donc être considéré, comme le nombre infini en mathématiques, non pas comme une’réalité possihle, mais comme une limite vers laquelle on peut tendre sans l’atteindre jamais. S. Bonaventure, In / 1’Sent., 1. I, dist. XLIV, a. 1, q. i-iii, Quaracchi, t. 1, p. 781-787. Cette limite, c’est le monde infini, l’infini créé, mais il est impossihle, parce que la souveraine excellence de l’Infini exclut la multiplicité, ou, ce qui revient au même, parce que la créature ne peut recevoir, tirée qu’elle est du néant, la communication adéquate de l’Infini : c’est là son vice essentiel, cette imperfection idéale dont parle Leibniz. Théodicée, i, § 20 ; iii, § 380, édit. Dutens, t. i, p. 136, 387.

On voit par là comment il faut comprendre la toute-puissance de Dieu : ad intra un acte infini et éternel, la génération du Fils ; ad extra possibilité de créer, en nombre indéfini, des êtres indéfiniment plus parfaits, infinitum in potentia, mais impossibilité de produire un être infini, infinitum in actu. Hugues de Saint-Victor, De sacram., 1. I, part. II, c. XXII, P. L., t. clxxvi, col. 216 ; S. Bonaventure, loc. cit.-, dist. XL1II, a. 1, q. ii, Quaracchi, t. i, p. 772. Il n’y a donc pas lieu de renoncer à parler de la foîUe-puissance divine, puisque Dieu peut tout ce qui n’est pas contradictoire. Impuissance relative, cf. Maillet, La création et la providence, p. 117, est une expression choquante, parce qu’elle semble indiquer une imperfection en Dieu ; or, bien que cette puissance ad extra soit en fait limitée, la cause en est dans l’imperfection essentielle de la créature et non dans la nature du créateur.

Aussi des penseurs comme Malebranche et Leibniz ont-ils eu garde de présenter ainsi la thèse de l’optimisme. L’un et l’autre pour trouver un motif digne de Dieu ont cherché à mettre quelque infinité dans le dessein du monde. Malebranche a recours au plan de l’incarnation : mais trouver la justification de l’ordre naturel dans l’ordre surnaturel est, on le voit, une solution inadmissible. Voir la solide réfutation de Malebranche par Fénelon et Bossuet, Œuvres de Fénelon, édit. Didot, in-4°, Paris, 1838, t. ii, Réfutât, du P. Malebranche, c. xxi sq., p. 267 sq. Leibniz distinguant en Dieu une volonté antécédente par laquelle il veut le bien, et une volonté conséquente par laquelle, vu l’impossibilité métaphysique de réaliser le parfait, Dieu se résout au meilleur, professe que ce monde est bien le meilleur possible, parce qu’il est infini, non pas à un moment quelconque de sa durée, mais dans l’ensemble de ses révolutions, qui doivent s’étendre pendant toute l’éternité. Bouillier, Histoire de la philosophie cartésienne, 3e édit., t. ii, c. xxiv, p. 459 sq. Cette solution même ne saurait être admise, pas plus que la thèse de l’infini créé, soutenue en dépendance manifeste des principes de Descartes et du P. Malebranche dans l’opuscule intitulé : Traité de Vin fini créé, in-12, Amsterdam, 1769, attribué au célèbre oratorien probablement par l’abbé ïerrasson. Bouillier, op. cit., t. ii, c. xxxi, p. 610 sq. L’infinité du monde en nombre, en grandeur, en durée, fût-elle possible, ou supprimerait la liberté, si l’on veut y trouver la raison du choix divin, ou plus exactement n’expliquerai ) rien. En effet, a) Dieu n’est pas libre, s’il ne peul produire qu’un infini de cette nature ; b) un infini pareil n’a rien encore pour déterminer les préférences de Dieu : de toute manière, en effet, ce monde extérieur ne peut rien ajouter de bien-être, de perfection, de quoi que ce soit à l’infinité que Dieu trouve en luimème ; il lui est donc, même infini, aussi indifférent

que la créature isolée la plus infime : ni l’un ni l’autre ne passeront donc à l’existence que sur un mouvement pleinement gracieux et libre du créateur ; c) un infini pareil n’excuse pas Dieu de n’avoir pas produit plus parfait. En effet, de même que, si l’on admet une infinie de générations animales, on n’empêchera jamais que le nombre total des pattes de quadrupèdes ne soit quadruple de celui des têtes, de même on n’empêchera pas qu’un infini composé de combinaisons finies ne soit plus ou moins parfait qu’un autre, puisque de toute façon il reste à chaque instant, dans la série des révolutions, indéfiniment de manières indéfiniment plus parfaites d’occuper autrement l’infinité de la durée.

La réfutation foncière de l’optimisme se tire donc tout entière du caractère de la créature forcément limitée, quoi qu’on fasse, et par là même pleinement indifférente, par elle-même, à l’Infini. Elle ne lui importe que s’il s’y intéresse. Au surplus, s’il lui plaît de mettre quelque rellet d’infinité dans son œuvre, l’élévation à l’ordre surnaturel du plus infime des mondes, si l’on admet cette thèse que la grâce est au-dessus, même de toute nature créable, lui permet de tirer de cette création une gloire spécifiquement divine que ne pourrait lui donner l’ordre naturel le plus parfait.

Le meilleur des mondes est donc impossible en soi et inutile. Urraburu, Onlologia, p. 585, n. 205. Telle est la conclusion de toute l’École, sauf peut-être de Scot, In IV Sent.. 1. III, dist. XIII. q. i, et de Durand. In IV Sent., 1. I, dist. XLIII. q. i ; dist. XLIV, q. II.

b. Ce monde est pourtant le meilleur d’une perfet tion relative. — S’il n’est pas, en effet, le plus parlait en soi, il est le plus parfait qui puisse être relativement à son auteur, en raison de la dignité suréminente de l’ouvrier, ratione causse ef/icientis, en raison de la pensée divine qui l’a conçue, ratione causse e.cemplaris, de la fin qui lui est assignée, car c’est en somme Dieu même, ratione causai finalis, de la concordance parfaite entre le plan conçu et l’œuvre exécutée, ratione exseculionis, de son mode d’exécution sans ell’ort et par une seule parole, ratione modi quo /il. Mais il esta remarquer que toutes ces qualités se rencontrent dans n’importe quelle création divine : ainsi de toutes les œuvres d’un artiste accompli, qui toujours parfaites sous le rapport de l’art différeraient seulement par la masse ou par le sujet traité. Disciple de Hugues de Saint-Victor, Sunima, tr. I, c. xiv. P. L., t. ci.xxvi. col. 70 ; Pierre Lombard, Sent., 1. I, dist. XLIV, n. 23. P. L., t. cxcii, col. 640 ; Bandin. ibid., col. 1023 ; Alexandre de Halès, Summa, part. I. q. xxi. m. iii, a. 2 ; S. Thomas, S. Bonaventure. Inc. cit. L’absence de cette perfection arguerait une imperfection de l’ouvrier.

c. bieu seul juge de la perfection qui convient à son œuvre. — M. Guau écrit avec son âpreté ordinaire : « S’il y a un créateur, il est responsable. Son action est susceptible au même titre que toute autre d’être appréciée au point de vue moral ; elle permet de j son auteur ; le monde devient pour nous le jugement de Dieu. » Cité par Maillet, La création et la providence, p. 119. Orgueil, ce semble, et inconséquence. Juger, estimer, suppose une règle. Quelle sera-t-elle’.' La comparaison a vec l’Infini ? Mais ces censeurs oublient que tout fini, parée que fini, est défectueux. Telle oh telle vue personnelle sur la fin et le plan du monde ? Mais si Dieu a voulu autre chose que ce qu’ils pensent, tout leur jugement est faux, comme leur règle. Si le Créateur, par exemple, s’est proposé de faire du monde un lieu d’épreuve momentané, le jugement à porter sur son œuvre est tout autre que s’il a voulu en l’aire une

demeure permani nte el un paradis de délices. Le fidèle sait à quoi s’en tenir sur ce point ; à tout homme de bon sens on peut demander au moins, sans lui