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CONSTANTINOPLE (ÉGLISE DE)

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dance pour les évêques et les prêtres qui avaient failli, alors que d’autres étaient portés, au contraire, à lui trouver trop de sévérité. A la mort de Méthode, 14 juin 847, on lui donna pour successeur le moine Ignace (847-858), lils de l’empereur Michel Rhangabé. Pieux, austère, d’une intelligence assez faible, mais doué d’une ténacité surprenante, le nouvel élu ne se heurta pas tout d’abord contre une trop vive opposition ; il n’en fut plus ainsi du jour où l’autorité impériale passa des mains de la régente ïhéodora à celles de son frère Bardas. Celui-ci s’appliqua sans scrupule à dégrader l’esprit et le cœur de son jeune neveu, l’empereur Michel III l’Ivrogne. Les scènes les plus répugnantes se jouaient journellement à la cour, les parodies les plus sacrilèges des mystères religieux, conduites par l’empereur et ses bouffons, se déroulaient dans les salles du palais impérial ou dans les grandes rues de la capitale. Sans s’abaisser jusqu’à ces représentations indignes, Bardas les favorisait et, pour son compte, il entretenait publiquement des relations coupables avec sa belle-fille. Contre ces désordres venus de si haut, Ignace finit par élever la voix ; bientôt, il refusa la communion au principal coupable, au césar Bardas. A Byzance moins qu’ailleurs, les princes et les souverains étaient disposés à subir devant leurs sujets de pareilles humiliations et, peu de temps après, 23 novembre 858, 1e patriarche était relégué dans l’ile de Térébinthos. Ignace avait fait son devoir, mais son zèle apostolique et son caractère entier lui avaient attiré de nombreux ennemis, surtout dans les rangs du haut clergé ; il se trouva comme à point nommé, pour occuper la place du prélat dépossédé, un hommejeune encore, instruit, d’une érudition remarquable et dont la réputation scientifique et littéraire éclipsait celle de tous les Byzantins : c’était Photius. Son élévation, voulue et presque imposée par la cour, n’était pas de ce chef plus irrégulière que celle de ses d(vanciers. L’illégalité, qui provenait de ce qu’il était laïque, ne paraissait pas non plus un obstacle insurmontable ; saint Taraise et saint Nicéphore en fournissaient des exemples tout récents et bien significatifs. La consécration, que lui avait donnée un évêque excommunié, son ami Asbestas, n’était pas sans analogue et souffrait aussi des arrangements ; mais Photius était monté sur un siège qui n’était pas vacant et dont le juste possesseur ne cessait de protester contre sa déposition ; à ce titre, sa promotion au patriarcat était bien entachée de nullité.

A vrai dire, ce n’était pas la première fois que, pour des motifs plus ou moins légitimes, on déposait à Byzance un patriarche orthodoxe et qu’un autre s’offrait immédiatement à le remplacer. Macédonios II avait ainsi succédé à Euphémios, en 496, Jean III Scholasticos à Eutychios, en 565, Cyrus à Callinique, en 706, Jean VI à Cyrus, en 712, etc., et tous sans soulever trop de protestations. Ce n’aurait pas été non plus la première fois qu’un patriarche byzantin eût consenti à sa déposition, même si la personne qu’on désignait pour lui succéder en était plus ou moins digne. Ignace aurait donc pu, sans créer de précédent fâcheux, laisser les événements suivre leur cours et attendre dans la retraite que le vent de la fortune soufllât plus favorablement ; il se refusa à cet accommodement et, s’il manqua sur ce point de quelque souplesse, il faut avouer que son droit était incontestable. Malheureusement, son adversaire était aussi conscient de ses mérites personnels que lui l’était de la justice de sa cause ; il jouissait d’un crédit illimité tant à la cour qu’auprès du haut clergé et de la jeunesse des écoles et, s’il ne péchait pas par excès de franchise et d’humilité, par ailleurs il était irréprochable. Ne pouvant obtenir des papes la reconnaissance qu’il leur demandait très simplement, Photius résolut de s’en passer, mais se doutant bien qu’une rupture avec Rome ne serait pas acceptée sur ce terrain, il eut

l’habileté de la transporter sur un autre. Il prit une à une toutes les causes de séparation, qui llotlaient depuis des siècles dans l’esprit des controversistes ou dans l’imagination populaire, les réunit, en constitua un corps de doctrine et, fort de son ascendant, se décida à l’attaque. Ce fut son mérite de soupçonner en Occident des alliés dans tout fils insoumis de l’Église et de convaincre les Orientaux qu’il leur était en droit permis de repousser l’autorité papale, à laquelle ils avaient déjà pris l’habitude de se soustraire.

Je n’ai pas à raconter ici ce conflit douloureux, dont les conséquences furent à jamais funestes. Personnellement, Photius en souffrit plus que les papes. Il fut humilié dans un concile général et, par deux fois, en 867 et en 886, contraint de renoncer, pour des raisons politiques, à une charge qui était son unique ambition. Cependant ses défaites personnelles servirent peut-être plus qu’un triomphe continu la cause du schisme à laquelle il s’était voué, car elles nimbèrent le front de son premier auteur, sinon de l’auréole du martyre, du moins de celle de la souffrance et de la persécution. Du reste, on s’illusionnerait étrangement en pensant qu’à Byzance les deux camps étaient parfaitement tranchés et l’aversion irréductible de part et d’autre. En effet, lorsque Ignace mourut le 23 octobre 877. brouillé avec Borne et presque excommunié, Photius lui succéda du consentement même du défunt. Bien plus, sa nomination fut agréée du pape Jean VIII, qui entretint avec lui des rapports assez cordiaux et si, dans la suite, d’autres papes adoptèrent à son égard une ligne de conduite tout opposée, il n’est pas prouvé que tous les torts fussent de son côté.

Le 7 décembre 886, Photius était définitivement congédié par Léon VI le Sage et remplacé par le frère même de l’empereur, Etienne, un jeune homme maladif, âgé de aeize ans. Ce patriarcat (886-893), comme celui d’Antoine Cauléas (893-901), fut occupé par les négociations et les ambassades, qui s’échangèrent sans intermittence entre Borne et Constantinople. Il s’agissait de régler la situation religieuse, troublée par les patriarcats précédents, et de renouer entre les deux Églises les relations amicales que le schisme photien avait gravement altérées. C’est le pape Jean IX, qui réussit enfin à pacifier les deux partis. D’accord avec l’empereur et le patriarche Antoine Cauléas, il mit un terme aux luttes violentes entre les partisans d’Ignace et de Photius, couvrant par une amnistie générale les conflits du passé et ne désavouant aucun de ses prédécesseurs, pas plus le conciliant Jean VIII, qui avait reconnu Photius, qu’Etienne V et Formose, qui avaient renouvelé contre lui les anciens anathèmes. Mansi, t. XVIII, col. 201. C’est sans doute à ce moment que se place l’ambassade à Constantinople de l’évêque Nicolas et du cardinal Jean, mentionnés dans un écrit contemporain, le Clerotoîogion de Philothée, daté de 900. De cerimoniis, II, 52 ; J. Gay, L’Italie méridionale et l’empire byzantin, 801-iOli, Paris, 1904, p. 189. De 901 à 925, nous avons les deux patriarcats de Nicolas I er le Mvstikos (901-907 ; 912-925), coupés par celui d’Euthyme (907-912), et agités par la grave affaire de la tétragamie. Le père de Léon le Sage, Basile I er, avait publié une loi qui frappait les quatrièmes noces de nullité ; Léon VI étendit cette défense aux troisièmes noces pour ce motif que, « les brutes elles-mêmes, un grand nombre du moins, quand elles ont perdu leur femelle, se résignent au veuvage, » Novelle XC, et il ordonna qu’on appliquerait à ces esclaves de la chair les peines portées par les canons ecclésiastiques. Or, l’austère législateur, qui ne fut sage que dans ses lois, « convola en secondes noces et épousa Zoé, fille de Stylien, avec laquelle, d’ailleurs, il vivait depuis longlemps en état de concubinat. Bien plus, Zoé morte, il passa à de troisièmes noces et épousa Eudokia. Enfin, poussant l’incontinence à un degré qu’il n’avait