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CRÉATION

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masel les scolastiques, à_ la suite du Stagyrlte, appuient parfois cette argumentation sur des exemples déconcertant. -. Ainsi, disent-ils, toute chaleur dérive-t-elle de la source la plus chaude, sictit videmus quod ignis, quod est in fine caliditatis, est coloris prlncipium in omnibus calidis. S. Thomas, De potentia, q. iii, a. 5. Ces erreurs d’application, causées par des théories physiques erronées, n’infirment pas la valeur formelle de l’argument. Le principe, malgré les critiques de Cajetan, Indiv. Thom., part. I, q. ii, a. 3, et de Suarez, Disp. met., disp. XXIX. sect. iii, vaut pour toute classe de perfections. On remarquera qu’il n’est pas nécessaire que la perfection possédée à l’étal pur dans l’être qui la possède par soi, soit exactement pareille à celle que les autres êtres possèdent grâce à lui à Y état de participation limitée : ainsi l’intelligence peut-elle être discursive dans la créature, intuitive dans l’incréé ; il suffit que l’être premier possède éminemment toute qualité. Cf. Kleutgen, Philosophie scolastique, trad. Sierp, Paris, 1868, t. iv, p. 444-476 ; Mu’d’Hulst, Mélanges philosophiques, p. 280.

Observations sur les trois arguments précédents. — a) On objectera que ces trois preuves n’établissent pas la production ex nihilo, mais seulement l’existence d’un être nécessaire, et sa distinction absolue de tout.être ou muable, ou faisant partie d’un genre à espèces multiples, ou participant d’une qualité à degrés variables. Il est vrai ; mais par le fait même la création s’ensuit nécessairement. S’il est prouvé qu’il existe un être nécessaire et quelque chose d’autre, et que ces deux termes sont irréductibles l’un à l’autre, on peut conclure : n’étant, ne pouvant pas être l’un en l’autre, ni l’un et l’autre au même titre, il ne reste plus qu’une solution : qu’ils soient l’un de l’autre, non comme le mode ou l’émanation de l’un d’eux, car ils resteraient tous deux de même espèce ayant même principe dernier, mais comme la cause transcendante et son effet. La création ex nihilo, quel que soit son mode caché, se conclut comme un fait au terme de ces raisonnements.

b) Il est à noter que ces arguments sont indépendants de toute théorie physique. Il y a grosse erreur à représenter la thèse de l’acte pur et du premier moteur comme liée nécessairement à la physique aristotélicienne. Historiquement ces idées platoniciennes et aristotéliciennes sont nées de la réaction de la pensée philosophique contre l’explication des choses par les seuls constituants physiques immédiats et spécialement par le seul mouvement. Elles procèdent de ces vues introduites par l’école d’Élée, mais développées par les deux grands philosophes Platon et Aristote, que l’Être qui n’est qu’être est immuable et que le parfait est la raison d’être de l’imparfait, non vice versa.

c) Le principe formel de ces raisonnements, nous l’avons déjà dit, n’est nullement le principe de causalité. C’est celui de raison suffisante ; on pourrait dire celui d’identité ou de contradiction articulé par l’école platonicienne plus fortement que partout ailleurs : le même ne peut être principe de diversité dans l’être, comme dans Papparaitre ; le même, dit Platon, ne peut être principe de l’autre. On sait la place que ces idées tiennent dans le limée.

Ces considérations doivent s’entendre non pas du principe efficient — qui peut le plus peut le moins, et le moins c’est déjà de l’autre ; mais du principe formel, c’est-à-dire des constituants intrinsèques. — Si un être apparaît à un instant donné différent de lui-même, c’est qu’il y a quelque chose de modifié, quelque chose d’autre, dans les éléments qui le constituent : ici la métaphysique très abstraite rejoint le bon sens du vulgaire. Platon. Aristote. et ceux qui ont repris leur pensée en concluent : l’être à qui appartient en propre la perfection d’être — et il en faut au moins un sans quoi

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parce qu’il est sous tous les aspects et suivant te les perfections de l’être. <m n’est pas ce qu’on n’est pas encore, dom [’être qui est suivant toute la pureté de ce concept, est tout ce qui peut être. Restait à déterminer les relations de l’être fini avec l’Être pur. Effrayés l’un et l’autre par ce mystère d’une production ex nihilo, ils ont proposé des solutions plus ou moins flottantes et plus ou inoins cohérentes. Utrum… de nihilo… hoc nescio ; credo… quod non pervenit [Aristoteles ] a<t hoc… L’bi autem déficit philosophorum peritia, subvenil nobis sacrosancta Scriptura. S. Donaventure, In IV Sent., 1. II, dist. I, p. I, a. 1, q. i, Quaracchi, t. ii, p. 17. Appuyée sur la révélation, la philosophie chrétienne n’a fait que pousser leurs principes.

2. Voie indirecte.

Elle consiste, après énumération de toutes les solutions possibles, à conclure àla création par élimination des solutions inadmissibles. C’est de beaucoup, sernble-t-il, la voie la plus commode. D’une part, les obscurités de la création laissent toujours place à des objections et la réponse laisse encore l’esprit à la gêne, même quand il en voit le bien fondé ; d’autre part, les contradictions de tous les autres systèmes rendent leur solution inacceptable. A la raison de choisir.

Trois solutions, en fin de compte, sont possibles : ou le dualisme, ou le panthéisme, ou le créatianisme.

a) La première se heurte à toutes les difficultés du panthéisme et du créatianisme, avec, EX plis, la difficulté toute spéciale de la multiplicité. Il lui faut, en effet, expliquer, en plus de tout le reste, comment la même perfection d’être nécessaire est conciliable avec la diversité numérique et spécifique des principes premiers. Le même, dans le dualisme, c’est-à-dire la qualité d’être nécessaire, est principe non seulement du divers, mais du multiple. S. Bonaventure, In IV Sent., 1. II, dist. I, p. I, a. 2, q. i, Quaracchi, t. u. p. 26 ; vix credam homiuem qui aliquid de philosophia scivit /tune errorem aut posuisse. aut défendisse : Albert le Grand, Sum. theol., part. II, tr. I, q. IV, m. n. a. 2. Lyon, 1651, p. 49 ; S. Thomas, De potentia, q. in. a. 6.

b) La seconde se heurte à toutes les difficultés du créatianisme, avec, . ex plus, une évidente contradiction. En effet, le créatianisme, pour expliquer l’être imparfait, admet en dehors de lui un être parfait ; le panthéisme, pour l’expliquer, identifie le parfait et l’imparfait : tout est un ; l’être nécessaire, c’est l’être qui change, l’absolu, c’est le relatif que nous saisissons, le souverain bien, c’est, du moins dans sa racine, le mal que nous constatons..Multiplicité des êtres, imperfection, désordre sont évidemment un problème à résoudre, « mais il est en quelque sorte plus inaccessible aux panthéistes qu’à tous les autres… Comment les panthéistes viennent-ils alléguer que vouloir l’imparfait, le souhaiter, le penser est une dégradation, et que le contenir n’en est pas une ? N’est-ce pas se jouer’.' » J. Simon. La religion naturelle, 1873. part. 1. c. m. p. 105. « Si le mal est pour nous un embarras, il est pour vous une impossibilité. » lbid.. p. 109. Ce qui est contradiction logique, quand nous le considérons en abstrait, est un démenti donné à la conscience, quand nous nous interrogeons nous-mêmes : mon acte libre est une nécessité de l’Un, ma souffrance physique, ma faute morale une perfection de l’Un, mon individualité distincte un élément del’Unité. i On peut écrire ces choses à la condition de tromper les autres, on ne peut les penser qu’en se dupant soi-même. » Mn r d’Hulst, Mélangea philosophiques, 1892, p. 263.

Que le fini soit un mode de l’infini, comme dans Parménide et Spinoza, ou une émanation de l’Un comme chez Plot in il bs alexandrins, ou un moment de la Pensée, comme chez Hegel, ou la face réelle de