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CRÉATION


Vers le débul du vi 1 siècle, Bar Sudaïli, moine d'Édesse, réfuté par Philoxène, cf. Frothingham, Stephen Bar Sudaili, the si/rian myslic, Leyde. I880, emprunte le langage d’Origène pour professer une sorte de panthéisme émanatif. Prat, Origène, $. lx ; Études, loc.cit., p. 25. En 543, Justinien lance ses anathémathismes contre l’origénisme ; le 8e atteint cette opinion déjà signalée qui limite la puissance créatrice. Mansi, ConcU., t. ix ; P. G., t. i.xxxvi, col. 981, 989. En 553, une nouvelle lettre de l’empereur, ibid., t. lxxxvi, col. 1035-1041, signale les mêmes erreurs aux censures du concile iicuménique. On y reconnaît un mélange de panthéisme et de manichéisme : tout part de l’hénade primitive et tout y retourne. Un tel système n’a guère plus rien de commun avec l’origénisme. L’abandon de toutes ces spéculations marque la première victoire décisive de la tradition. Harnack, Lehrbuch der Dogmengeschichle, 3^ édit., t. il, p. 63.

En somme, si les problèmes connexes à la création ont reçu, à l’encontre de toutes ces hérésies, des solutions dogmatiques plus nettes et dont l’accord avec l'Écriture est facile à montrer, la synthèse philosophique n’en est pas encore achevée. Elle n’a pas du moins chez les auteurs précédents l’ampleur et la profondeur que nous allons lui trouver parmi les Latins chez saint Augustin, parmi les Syriens chez le pseudo-Denys.

3° Les Pères latins jusqu’au IXe siècle. — Nous avons exposé précédemment les positions prises par les écoles chrétiennes de Rome et Cartilage à l’encontre des erreurs gnostiques. Au ive siècle, ces erreurs persistent encore ; de plus les Pères ont à défendre le dogme de la création contre les théories cosmologiques platoniciennes, aristotéliciennes, stoïciennes, épicuriennes, toujours en faveur dans les écoles ; ils trouvent encore devant eux le manichéisme qui fait de rapides progrès dans l’empire romain ; le priscillianisme, qui sévit en Espagne, leur oppose un mélange de spéculations gnostiques et dualistes assez voisines des doctrines de JVIanès ; enfin, les controverses de l’arianisme et de l’origénisme, sans être aussi aiguës dans le monde latin que dans le monde grec, ont leur écho en Occident.

Contre la philosophie profane se distinguent spécialement Arnobe et Lactance. Les écrits du premier témoignent plus d’habileté dans la réfutation du polythéisme, que de profondeur et de cohérence dans l'établissement des dogmes chrétiens ; ceux du second ont une portée tout autre. Un monde composé de parties mortelles, observe-t-il, ne saurait être éternel, nec enim potest id lolum esse immortale quod mortalibus constat. Divin, instit., 1. II, c. ii, P. L., t. VI, col. 315. Quant à la matière, que nul ne cherche, dit-il, de quels éléments Dieu a formé ces œuvres merveilleuses, omnia enim fecit ex nihilo. Ibid., 1. II, c. ix, col. 297. Il réfute la solution panthéiste, 1. VII, c. iii, col. 741 sq., et la solution dualiste : Dieu n’a pas besoin de matière, comme l’ouvrier humain, facit sibi ipse materiam quia potest. Posse enim Dei est : nam si non potest, Deus non est, 1. II, c. ix, col. 300. Il prévient l’objection de la génération spontanée, ibid., col. 301, et note avec raison que l’impossibilité de comprendre le comment de la création ne saurait être un motif raisonnable de nier le fait : que de choses pour ce motif on devrait nier ! Ibid., col. 305, 306.

L’argumentation de Lactance est reprise par saint Zenon, soins Deus est itaque principium, qui ex se ipso dédit sibi esse prineipium, !. ii, tr. II, P. L., t.xi, col.391, Saint llilaire de Poitiers écrit : Marient ex nihilo substituta et gratiam ex eo quod sunt creatori suo debent. In Ps. CXIVUI, P. L., t. ix, col. S80, 881 ; hi Ps. i, col. 251 ; In Ps. lxyii, cul. 158. Saint Philastiius reproduit contre la gnose l’argumentation de saint Ilippolyte. Hæres., lv, P. L., t. xii, col. 1169.

Contre les trois principes de Platon, contre les déni principes d’Aristote, contre les atomes d Épicure, saint Amliroise argumente du texte de la Genèse. En prévision de toutes ces erreurs Moïse a enseigné dans (bu., i, I. trois choses : initium rerum, auclorem mundi, creationemmateriæ comprehendens, In liaient., 1. I, c. il, n. 5, P. L., t. xiv, col. 124, n. 9, 15, col. 126, 129 ; liane lanlam pulchritudinem mundi ex nihilo fecit esse quse non erat et non de exstantibus aut rébus aut causis, n. 16, col. 130 ; la matière elle-même i été créée, c. vii, n. 25, 27, col. 136, 137. Très dépendant de Philon et d’Origène, le saint docteur a cependant filtré toutes leurs théories pour n’en garder que la partie saine. La remarque est de saint Jérôme. Il a, dit-il, compilé l’Hexæmeron d’Origène de telle sorte qu’il suit plutôt les doctrines d’Hippolyte et de Basile. » Epiât., xi.viii, n. 7, P. L., t. xxii, col. 749. Ses ouvrages contre les ariens donnent lieu à la même observation. Le Verbe y est toujours le démiurge, De /id. ad Grat., 1. I, c. xiv, n. 88, P. L., t. xvi. col. 549 ; 1. III. c. iv. n. 43, col. 625, mais sa consuhstantialité avec le Père y est, suivant la foi de Xicée. expressément affirmée, ibid., 1. III, c. xv, n. 123 sq., col. 613 ; De incarn. sacram., c. vi, n. 52, col. 831, et toutes les œuvres ad extra sont présentées comme l’action commune des trois personnes. De fide ad Grat., 1. IV. c. v sq., xi, col. 628 sq., 645. Cette dernière idée est de celles que saint Augustin inculquera plus fréquemment ; une influence particulière de son maitre Ambroise n’est pas improbable.

Le saint évêque d’Hippone offre un intérêt spécial par la crise psychologique qu’il traversa, par les inlluences qu’il subit, par son rang de docteur universellement consulté sur les hérésies du temps.

Manichéen lui-même, il a senti le problème d’une angoisse plus profonde ; il l’a scruté plus que tous en philosophe. La question de l’origine du mal, mal physique de la passibilité des êtres et du désordre cosmique apparent, mal moral des âmes, l’avait jeté dans la solution dualiste ; presque converti, ce problème le tourmente encore. Confess., 1. VII. c. v-vn, P. L.. t. IXXII, col. 736 sq. Ce sont les ouvrages néoplatoniciens qui lui apportent la solution : tout est bon en tant qu'être, quæcumque sunt bona sunt. Seules, deux choses sont incapables de mal, le souverain bien et le néant, car le mal suppose le bien n'étant dans l'être qu’une privation du mieux et du parfait, si autem nulla bona essent, quod in eis corrumperetur non esset. Ibid., c. xviii. col. 743. Dieu est tout bien et seul il est, et inspexi cætera infra te et vidi nec omnino esse, nec omnino non esse. Ibid., c. xi, col. 742. Cette réponse et ce qu’il trouve dans le néoplatonisme l’enivre au premier instant jusqu'à l’orgueil. Ibid., c. IX, xx, col. 740, 746. On voit, en effet, comment cette explication du mal par la limite, qui rend l'être de nécessité métaphysique imparfait et passible, est capitale dans le néoplatonisme : inutile dès lors d’en appeler à la matière comme au principe du mal ; le dualisme n’a plus de raison d'être. Reste à expliquer l’origine de cette limite dans l'être Uni. C’est pour le faire que Plolin introduit ses émanations successives et ses intermédiaires depuis le Logos jusqu'à la matière comme terme infinie. Saint Augustin rejette cette explication pour cette raison que toute substance tirée de Dieu serait égale à Dieu, non de te, nom esset sequale Unigenito tuo or per lue et tibi, Confess., 1. XII, c. viii, col. 829 : non autem de illo tanqvam pais ejus. Retract., I. I, c. xv. n. 1, ibid., col. 608 ; 1. I, c. xi, n. 4, col. 602. Il cherche la raison de la limite dans ce fait que l'être Uni est tiré du néant : n'étant plus de Dieu, il n’est pa^ Dieu ; il est des lors nécessairement imparfait : nec intelligis, cum dicitur Drus de nihilo [crisse quod fecit, non dici aliud nisi quia de se ipso non fecit, (>pus imperf.