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COUTUME

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sur la voie du schisme. De même en serait-il de Pu de refuser aux légats ou autres envoyés du souverain

pontife l’entrée d’une province, ou le droit d’exercer leur mission. Une excommunication de la bulle Apostolicæ sedis, part. 1, n. 5 et 8, spécialement réservée, atteint quelques-uns des attentats commis contre les délégués du saint-siège.

C’est à celui qui veut tirer parti de la coutume à en démontrer l’existence. L’enseignement des auteurs et les décisions des Congélations romaines sont d’accord sur ce point. Ubi agitur de consuetudine contra jus in concernenlibus decisoria et rei substanliam, non statur assertionibus doctorum. Luca, xxxiii, De fendis. Rien de plus difficile que de prouver qu’une coutume réunit toutes les conditions requises pour établir, modifier ou abroger une loi. Dans le doute, l’enseignement général déclare qu’il faut s’en rapporter à la décision de l’autorité.

2° Conditions requises de la part de la communauté.

— 1. Les individus et les sociétés imparfaites, comme la famille, ne sont pas aptes à créer la coutume juridique ; ils ne sont susceptibles que du précepte. Pour constituer l’obligation légale, le jus populi moribus inlroduclum, il faut les actes d’une société parfaite. Dès lors que la loi doit atteindre une agglomération complète, seule l’autorité qui la gouverne, ou les mœurs de cette communauté peuvent lui imposer un statut. C’est là un principe commun à toutes les législations. Aussi le droit coutumier établi dans une région, dans un diocèse, dans un monastère, dans les maisons d’une province ecclésiastique, fait loi. S’il n’est pas nécessaire que toute la communauté, prise dans un sens absolu, ait adopté la coutume, il est nécessaire que du moins la majorité dans la population l’ait acceptée. Il répugne, en effet, que la minorité fasse la loi à la majorité. Dans cette majorité ne sont pas compris les enfants, les femmes qui ne sauraient légiférer, les déments.

Il résulte de là que s’il était question de la modification ou de l’abrogation d’une loi générale, par la coutume, celle-ci doit être aussi universelle. Toutefois, rien n’empêche qu’une loi générale tombe en désuétude successivement et région par région. De nombreuses décisions des souverains pontifes admettent cette procédure. Ainsi, c’est en vertu du droit particulier local, non en vertu du droit commun antérieur, qu’une loi générale, abrogée partout ailleurs par l’usage, survivrait dans une province.

2. Les actes de la communauté, introductifs de l’usage, doivent aussi revêtir certains caractères que nous signalerons en indiquant les divergences qui se manifestent parmi les auteurs, au sujet de leur appréciation. En principe, la fréquence des actes contraires à la loi est requise. Par conséquent, on n’admet pas l’opinion de quelques rares canonistes, enseignant qu’un seul acte suffit pour introduire la coutume. La même solution s’impose lorsqu’il n’y a que deux ou trois actes. Bien qu’il soit impossible de définir théoriquement le nombre d’actes nécessaires pour prescrire ainsi contre la loi, on admet qu’il doit en exister suffisamment pour que la volonté de la communauté se manifeste clairement. Au besoin il faudrait recourir à l’autorité. Ce qui démontre qu’une série de faits doit servir de base au nouveau droit, c’est que l’enseignement général exige que ces actes de la communauté soient successifs et non interrompus. Ainsi un seul acte caractéristique de la communauté en sens opposé constituerait une interruption : une décision contraire du juge, une sanction que le législateur appliquerait aux partisans de l’usage, annulerait la valeur juridique des faits antérieurs.

Ces actes doivent être : a) publics ; sans cette notoriété, le supérieur dont le consentement est requis ne pourrait les connaître ; de plus, on ne saurait jamais leur

attribuer le privilège de constituer une manifestation de la volonté populaire ; b) uniformes ; pour le même motif, la tendance générale ne peut se démontrer que par des faits multiples ayant un rnêrne et constant caractère : vocatur consuetudo quia in communi est usa. Décret., disl. I, c. v.

L’usage doit être adopté en parfaite connaissance de cause et non imposé par la violence, par crainte ou erreur. Ce qui fait loi dans cette circonstance, c’est la volonté du peuple, interprète du bien public. Par conséquent, si la communauté était induite, par exemple, à célébrer quelque fête, ou à observer un jeûne, parce qu’elle a cru à tort qu’une loi existait en ce sens, l’obligation ne pourrait s’établir sur ces faits. Ils ne témoignent de la part du peuple aucune volonté, mais proviennent d’une erreur commune, ce qui ne suffit pas pour établir le droit coutumier. Il en serait de même s’il s’agissait de l’abrogation de quelque loi. Les violations d’une prescription générale, faites dans ces conditions, n’auraient aucune conséquence juridique. Quelques auteurs contestent cette conclusion. Ils affirment que la bonne foi étant nécessaire pour prescrire contre la loi, l’usage ne peut prévaloir contre elle, si elle est connue. Sans cela, disent-ils, les sujets seraient incités à violer les lois, avec la certitude de les abroger. Enfin certains canonistes proclament la légitimité de la coutume, qu’elle soit établie de bonne ou de mauvaise foi. Ils disent que, à raison du bien public, le législateur consent à l’introduction des coutumes établies et maintenues par les mœurs. Puis, lorsque certaine période de temps s’est écoulée, les sujets, qui, au début, étaient de mauvaise foi, finissent par se faire une conscience. Enfin les nombreux exemples du passé témoignent de la légitimité de ce procédé. Ainsi, au commencement, la loi du jeûne ne comportait qu’une seule réfection ; l’usage de la collation du soir l’atténua. Plus tard un nouvel adoucissement s’introiluisit. par l’habitude de la légère potion de chocolat, de café ou de thé. Ces coutumes se maintiennent et se développent sans que la majeure partie des fidèles songe à l’existence de la loi rigoureuse primordiale.

Les actes accomplis sous la pression de la crainte, ou sous le coup de la violence, ne peuvent non plus servir de fondement au droit coutumier. La volonté, lorsqu’elle est ainsi gravement outragée, ne prend pas une part suffisante à l’acte humain pour qu’on la considère comme engagée à fond.

Les actes tendant à fonder la loi d’usage doivent non seulement être accomplis avec l’intention de modifier ou d’abolir la loi positive qu’ils visent ; mais encore il est nécessaire qu’ils aient pour but d’établirau moins implicitement une nouvelle et différente obligation. Nombre d’actes étant indifférents de leur nature, l’intention de l’agent doit leur donner leur caractère formel ; actibus meræ et libéras facullatis non inducitur consuetudo. Sanfelice, De consuetudine. Lorsqu’il s’agit de l’abrogation d’une loi existante, il n’est pas difficile de constater cette intention révocatoire ; la permanence des actes publics contra jus la démontre. Mais il n’en est pas ainsi, quand il s’agit d’établir une obligation præterjus. Comment établir que la communauté agit avec tendance à créer une nouvelle obligation pratique ? Un examen attentif des circonstances, une enquête approfondie des intentions générales doivent servir de critérium. A défaut d’autre élément d’appréciation, une décision de l’autorité peut mettre les choses au point. Ainsi, quelques informations prises parmi les fidèles suffisent à prouver que l’habitude d’assister au saint sacrifice de la messe en quelques jours de férié ou de vigile, de réciter l’Angelus au son des cloches, de recevoir les cendres le premier mercredi de carême, n’est nulle part considérée comme obligatoire. Dans toutes les lois, la question d’obligation