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COUTUME


cernant les laïques et leurs intérêts temporels appartiennent au droit couturnier civil.

2° Au point de vue des conséquences, la coutume est positive, Lorsqu’elle a pour résultat d’autoriser les membres de la communauté à pratiquer certains actes, à exercer certains droits. Elle est négative, quand elle tend à exonérer les sujets de certaines obligations, par exemple de l’audition de la sainte messe certains jours fériés.

3° Eu égard à sa moralité, elle est bonne ou raisonnable, mauvaise ou déraisonnable. Elle est bonne, quand elle n’est pas contraire au bien public, au droit naturel et au droit divin. Elle peut être mauvaise à un double point de vue : a) intrinsèquement, lorsqu’elle est opposée au droit naturel et divin, de façon que rien ne saurait la justifier ; dans ce cas, elle est toujours qualifiée d’abus intolérable, corruptela ; b) extrinsèquement, lorsqu’elle est mauvaise non par elle-même, mais parce que le législateur l’a interdite pour un motif particulier. La circonstance qui l’a fait proscrire disparaissant, pareil usage peut être canonisé. Le droit ecclésiastique nous fournit un exemple de ce genre. Cum dilectus, c. vin. De droit commun, l’abbé ou le prieur d’un monastère doit appartenir à la communauté ; c’est qu’en effet, un pareil élu a meilleure connaissance du monastère qu’un étranger. Toutefois, le pape Innocent III reconnut la légitimité de l’usage contraire, en faveur de certains couvents, pour des raisons particulières.

4° On appelle aussi coutume la tradition judiciaire, lorsqu’elle forme jurisprudence, c’est-à-dire lorsque des décisions uniformes ont été itérativement énoncées sur un point de droit. Dans le cas où deux jugements conformes auraient été portés dans une période décennale sur une matière, la question passe à l’état de chose jugée, et forme la consueludo judicialis. Si des jugements contradictoires ou même divers ont été prononcés, ou bien si l’on se trouve en face du seul usage de la communauté, c’est la coutunle ou la tradition extrajudiciaire.

5° Au point de vue légal, la coutume peut revêtir plusieurs caractères qu’il est nécessaire de bien définir, à raison des clauses qui reviennent fréquemment dans les documents émanés du saint-siège. Il y a des usages que le législateur ne réprouve pas, consuetudine non repuisa. Il y en a d’autres qu’il déclare abrogés, proscrits et réprouvés, consuetudine cjuacumque abrogata, prohibila et reprobata. Ces clauses ont leur signification précise.

1. La première ne présente pas de difficulté ; le législateur admet l’existence des moyens légitimes, consuetudine non repuisa.

2. Abrogata ; par ce terme, ce sont les usages déjà antérieurement admis qui sont éliminés ; mais rien n’est décidé pour les coutumes futures qui pourront s’établir contrairement à la loi positive : car, par cette formule, il n’est point déclaré que la coutume abrogée a été ainsi abolie, parce qu’elle était intrinsèquement mauvaise. La clause abrogatoire ordinaire des actes pontificaux est celle-ci, non obstante quacumque consuetudine. Voir col. 33-34.

3. Prohibila. Cette formule interdit, non seulement les usages antérieurs contraires à la loi que l’on promulgue, mais toutes celles qui pourraient surgir ultérieurement. Toutefois, ici non plus, la formule n’indique pas que toutes les coutumes proliibées sont mauvaises foncièrement. Le législateur peut les interdire jomme moins bonnes, moins utiles que la loi. Aussi, les circonstances changeant, la coutume contraire pourra avoir sa raison de naître et de se développer. Les clauses ordinaires sont de ce genre : Nolumus (nuira kanclegem aliquam. consuetudinem valere.

4. Lorsque les clauses réprouvent toute coutume contraire à la loi, non seulement elles abrogent les usages

antérieurs, mais elles déclarent abusifs et déraisonnables, tous ceux que l’on pourrait introduire à l’avenir. C’est ce qui a lieu lorsque les constitutions pontificales s’expriment dans les termes suivants : Consuetudinem illam penilus improbamus. Cum hæc non lam consueludo quam corruptela merilo sit censenda. 6 » Eu égard au temps requis pour la légitimer, la coutume est régulièrement prescrite ou non prescrite. Dans le premier cas, elle s’impose non seulement par les conditions de fréquence des actes de la communauté et du consentement du législateur, mais encore par le laps de temps requis. C’est le contraire lorsque le temps exigé ne se réalise pas ; elle n’est pas prescrite. Elle est encore appelée longue, lorsqu’on peut fixer une date à son origine, cinquantenaire, centenaire. Elle est immémoriale, lorsque les plus anciens ne peuvent en déterminer l’origine : cujus exordii nulla exstat memoria.

7° Quant à son étendue, la coutume peut être : 1. tri-s générale ou universelle ; par exemple celles qui sont communes dans toute l’Eglise catholique, comme le signe de la croix, la récitation de l’Angelus au son des cloches, la réception des cendres le mercredi, jour de l’ouverture du carême ; 2. générale, lorsqu’elle est en vigueur dans une nation, dans l’Église de France, d’Espagne, d’Italie ; 3. spéciale, celle qui existe dans une province, dans un diocèse, comme l’habitude de payer la dîme, ou de fournir des redevances en nature pour l’entretien des ministres sacrés, ou le service du culte ; 4. très spéciale, celle qui peut exister dans une famille, ou une minime partie de la communauté ; elle ne peut servir de fondement au droit.

8° La division la plus importante de la coutume estcelle qui considère cette dernière sous le rapport de la cotiformilé ou de l’opposition avec le droit. A ce point de vue, la coutume peut être conforme au droit, en dehors du droit et opposée au droit, secundum jus, prseler jus et contra jus. — 1. La coutume conforme au droit est celle qui a étéappelée oplima legutninterpres. En exécutant uniformément les prescriptions législatives, on les explique et on les renforce : ainsi l’usage du frustulum et de la polio chocolalica confirme la loi du jeune et l’éclairé. — 2. La coutume en dehors de la loi, prseler jus, est celle qui s’établit en l’absence de toute prescription. Quelque étendue que soit une législation, il est impossible qu’elle embrasse tous les détails : elle laisse le règlement de nombre de points disciplinaires à la pratique des divers monastères ou des différents diocèses ; de là les consuetudines prseler legem. Elles comblent les lacunes inévitables de la loi générale. Elles constituent le droit et obligent les parties intéressées à se soumettre à ce qu’elles ordonnent ou à ce qu’elles interdisent. — 3. L’usage contraire à la loi, contra legem, est celui qui tend à abroger les prescriptions légales, en tout ou en partie. Les commentateurs font observer que la coutume peut s’opposer même à la mise à exécution de la loi. Ainsi les prescriptions antiques de ne baptiser qu’aux solennités de Pâques et de la Pentecôte, hors le cas d’urgence ; les défenses de prier à genoux le dimanche, de manger du sang des animaux suffoqués, n’ont jamais été retirées par des constitutions apostoliques. C’est la coutume qui les a fait disparaître de l’économie générale de la vie chrétienne.

III. Conditions de légitimité.— En principe. l’Église accepte les coutumes raisonnables consacrées par le temps. A raison de son universalité même qui la met en contact avec tant de nationalités diverses.il lui est impossible de n’avoir pas égard à leur tempérament, à leur histoire, à leurs préjugés. Toutefois, l’enseignement commun indique les conditions normales requises pour que la coutume soit apte à être légitimée. Les unes concernent le caractère de l’usage lui-même, les