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CONSTANTINOPLE (EGLISE DE)


devant les assistants afin d’empêcher toute falsification, on les déposa dans lu palais impérial. Cependant, les monothélites n’avaient pas entièrement disparu du milieu des Grecs et l’on s’en aperçut hien quand l’un d’entre eux, Philippique Bardane, monta sur le trône impérial (711-713). Ce basileus abolit dés son avènement les décisions du VIe concile œcuménique, en brûla les actes conservés au palais et rétablit la doctrine monotbélite. Ce brusque changement fut opéré dans un conciliabule tenu à Constantinople, et où tout ce que l’Orient comptait de prélats savants ou ignares, vertueux ou peu zélés pour le bien, adopta sans protestation aucune l’hérésie patronnée par la cour. Parmi les évêques qui commirent la lâcheté d’accéder aux désirs de Philippique, l’histoire a conservé les noms du futur patriarche saint Germain et de saint André, archevêque de Crète. Ce n’était pas, du reste, la première fois que les ordres de l’empereur passaient en Orient pour la suprême manifestation de la volonté divine. La victoire du monothélisme dura peu ; il ne survécut à la chute de Philippique (713), que pour se conserver chez les Maronites et les populations chrétiennes du mont Liban.

Sur la recrudescence du monothélisme pendant le règne de Philippique, voir mon article : Saint André de Ci-i’te, dans les Échos d’Orient, t. v (1902), p. 382-384. Les données de cet article, basées sur le témoignage du chroniqueur Théophane, sont cependant à corriger par un écrit de saint Germain, un témoin oculaire, P. G., t. xcviii, col. 76, n. 38.

Le mouvement iconoclaste, que tentèrent les empereurs de Byzance pendant plus d’un siècle (725-843), ne paraît pas avoir été spontané. Il y avait eu déjà, çà et là, sur plusieurs points de l’empire, comme en dehors de ses frontières, chez les chrétiens d’Orient ou d’Occident aussi bien que chez les Juifs et les Arabes, des tentatives plus ou moins couronnées de succès contre tout ce qui touchait à l’art religieux, « afin que, dit le concile d’Elvire, l’objet du culte et de l’adoration ne fût pas exposé sur les murs. » Toutefois, avant l’avènement au trône de Léon III (717-740), ces protestations étaient encore restées isolées. C’est vers la fin de l’année 725 que cet empereur, on ne sait trop sous quelle influence, se décida à sévir contre « l’idolâtrie » et à lancer un édit qui proscrivait le culte des images. La décision fut loin d’être ratifiée par l’opinion publique, et le rapprochement avec ses sujets que le basileus semble surtout avoir eu en vue se trouva plus que compromis. L’indignation populaire se fit jour un peu partout, un compétiteur à la couronne surgit même dans les Cyclades et, sans l’ascendant moral du pape Grégoire II, l’Italie tout entière eût certainement fait défection. Tout cela aurait dû éclairer l’empereur sur les vrais sentiments religieux de son peuple ; il n’en fut rien. Comme il avait la force et l’énergie à son service, il s’obstina dans son dessein, remplaça le patriarche saint Germain, mijanvier 729, par le complaisant Anastase et machina même plusieurs complots inutiles contre la vie du pape. Il mourut, juin 740, après avoir confisqué les biens du saint-siège dans la Calabre et la Sicile et assisté, impuissant, à la destruction de sa Hotte qu’il envoyait contre l’Italie révoltée.

Son fils, Constantin V, surnommé Copronyme, fut l’héritier de son trône et le continuateur de sa politique. Brave général et sage administrateur comme son père, il avait été élevé par lui dans ses principes religieux ou plutôt irréligieux et î ^ontra encore plus de fanatisme. Son tempérament fougueux et militaire s’accommodait mal, du reste, des demi-mesures. Non seulement il maintint les édits de Léon III contre les images et veilla à leur stricte observation, mais il s’en prit, en outre, au culte de la sainte Vierge, à l’intercession des saints, à la conservation des reliques ; son prosélytisme à rebours ne respectait rien, ni les églises et les couvents qu’il détruisait ou convertissait en salles de ca sernes ou en écuries, ni les moines qu’il anéantissait ou qu’il unissait de force, aux jeux du cirque, à de jeunes religieuses. Un concile général, rassemblé par lui au palais de Hiéria, dans la banlieue de Chalcédoine. se tint du 10 février au 8 août 753, et mit entre les mains de l’autorité impériale l’instrument canonique qu’elle recherchait depuis longtemps. A ce prétendu VIP concile œcuménique, 388 évêques — presque tout l’épiscopat de l’empire — approuvèrent les prescriptions iconoclastes de Constantin V et y souscrivirent, tout en émettant de timides réserves sur ses sentiments plus ou moins nestoriens et sur l’anthipatie scandaleuse qu’il professait envers la sainte Vierge. Le tyran en usait, du reste, à l’égard de ses créatures, comme envers ses ennemis politiques ou religieux. Deux patriarches, Anastase et Constantin II, qui lui devaient leur élévation au trône œcuménique, eurent la maladresse d’encourir sa disgrâce ; ils furent déshonorés publiquement et traités comme des valets de cirque. La plume se refuse à retracer les traitements ignominieux qu’il leur fit subir sous les yeux de la populace, bien que rien en même temps n’indique mieux que ces deux faits le profond degré d’avilissement dans lequel était descendue l’Église byzantine. Le règne de Léon IV Chazar (775780) fit renaître un moment d’accalmie, qui se continua sous la régence réparatrice de sa femme Irène. Cette princesse, d’une énergie toute virile et d’une piété remarquable, renoua avec Borne les relations rompues depuis un demi-siècle et, après des négociations que l’amitié du pape Adrien I er pour les Francs rendit assez laborieuses, la paix fut rétablie entre les deux Églises au IIe concile œcuménique de Nicée (787). Quelques années auparavant (781), le patriarche iconoclaste Paul IV avait abdiqué, et c’était un laïque zélé et instruit, saint Taraise (784-806), qui avait hérité de sa charge. La foi avait remporté avec le concile une de ses plus belles victoires ; la vie religieuse refleurissait partout et la première période iconoclaste était terminée.

Le calme, au moins sur ce sujet, dura jusqu’en 814. Au mois de décembre de cette année, l’empereur Léon V l’Arménien réunit dans une conférence le patriarche saint Nicéphore, plusieurs évêques et higoumènes, leur exposa ses idées sur le culte des images et se déclara prêt à renouveler la politique de Léon l’Isaurien et de Constantin Copronyme. Ce qui le poussait à prendre cette résolution, c’est la conduite différente que la providence avait observée envers les princes, ses prédécesseurs, selon qu’ils s’étaient prononcés pour ou contre les images. Soldat de fortune mais prince valeureux, Léon l’Arménien succédait à des empereurs honnêtes, iconophiles et fort religieux, mais dépourvus de talents militaires et toujours malheureux sur les champs de bataille. Les revers que ces derniers avaient subis ne manquèrent donc pas de le surprendre, tandis que les sourires dont la fortune avait favorisé la dynastie isaurienne l’attiraient irrésistiblement de leur côté. A la suite de la détermination prise par l’empereur, la guerre ouverte reprit comme aux plus beaux jours de l’iconoclasme. Le patriarche Nicéphore en fut la première victime ; il fut saisi de nuit, arraché à sa résidence et exilé, le 13 ou le 20 mars 815. Quelques jours plus tard, le 25 mars, dimanche des Rameaux, saint Théodore Studite répondait à cette mesure arbitraire en organisant dans les vignes qui avoisinaient son monastère une manifestation grandiose en faveur des images saintes. Le dimanche suivant, 1 er avril 815, fête de Pâques, Théodote Cassitéras usurpait le siège patriarcal de Constantinople. Durant cette même semaine de Pâques, saint Théodore se concertait avec les higoumènes réunis autour de lui sur le plan de résistance qu’il fallait adopter. Dès lors, la lutte « ’tait engagée, les caractères aigris de part et d’autre ; pour l’empereur, il ne fut plus désormais question que de bannir, de