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CONSTANTINOPLE (ÉGLISE DE


confié à cetto ville la juridiction sur le diocèse de Thrace, il n’en est pas moins vrai que, en fait, elle l’a exercée à partir de ce moinenl-là, et non seulement sur la Thrace, mais encore sur les diocèses du Pont et d’Asie, ïliéodoret a donc bien raison, lui qui attribue à saint Jean Chrysostome l’administration supérieure des six provinces de Tlirace, des onze provinces d’Asie et des onze provinces du Pont. II. E., 1. V, c. xxviii, P. G., t. lxxxii, col. 1257. Laissant de côté le diocèse de Thrace, dont Constantinople était devenu le chef-lieu au point de vue civil, ce qui pourrait justifier jusqu’à un certain point ses empiétements, occupons-nous des diocèses du Pont et d’Asie. Dès l’année 383, saint Grégoire de Nazianze, qui n’éprouvait pas pour son successeur une sympathie exagérée, trouvait bon que Nectaire jugeât l’alfaire d’un évêque de Cappadoce, alors qu’il s’élevait en même temps contre la justice civile, qui en voulait prendre connaissance. Tillemont, op. cit., t. xv, p. 703. C’est également à Nectaire que recourait saint Ambroise, pour obtenir la déposition de Géronce, un clerc milanais, qui avait abandonné son église et s’était fait sacrer métropolitain de Nicomédie. Les efforts de Nectaire n’eurent d’ailleurs aucun succès, et il était réservé à saint Jean Chrysostome de terminer cette alfaire, qui ne le regardait pas et qui lui attira bien des désagréments. Sozomène, II. E., 1. VIII, c. vi, P. G., t. Lxvii, col. 1529. Le même Chrysostome avait ordonné Alexandre, évêque de Basilinopolis en Bithynie, et ebargé l’évêque de Nicée d’opérer diverses réformes dans cette église, Synesius, Epis t., lxvi, ad Theoplntum, P. G., t. lxvi, col. 1408, Mansi, t. vii, col. 305, deux choses réservées au métropolitain de Nicomédie. 11 avait également déposé plusieurs évéques de Bithynie et de Phrygie, provinces du Pont, durant le voyage triomphal qu’il fit en Asie, en 401. Tillemont, op. cit., t. xi, p. 164-170. Dans l’affaire de Théodose et d’Agapit de Synnades, Atlicus agit moins en conseiller qu’en supérieur et en maître. Socrate, H. E., 1. VII, c. iii, P. G., t. lxvii, col. 744. Saint Proclus fut consulté pour la nomination et l’ordination de l’évêque de Césarée et il choisit à cet effet Tbalassius, le préfet d’Illyrie. Socrate, H. E., 1. VII, c. xlviii, P. G., t. lxvii, col.810. Au concile de Chalcédoine, bon nombre d’évêques avouèrent qu’eux et leurs prédécesseurs avaient reçu l’ordination des mains de l’évêque byzantin ; il y avait parmi eux les représentants des Églises d’Ancyre, d’Amasée, de Gangres en Paphlagonie, de Synnades en Phrygie, etc., tous métropolitains. Mansi, t. vii, col. 448452 ; voir aussi col. 313.

Si du Pont nous passons à l’Asie, nous y rencontrons, de la part de Constantinople, les mêmes usurpations de pouvoir, motivées ou non, peu importe, car nous ne discutons pas ici la moralité de l’acte. Ainsi, Chrysostome délégua plusieurs évêques à Éphèse, afin d’examiner si l’évêque de cette ville, Antonin, s’était oui ou non rendu coupable de simonie, comme on l’en accusait. Et comme le prélat incriminé eut la maladresse de mourir pendant l’instruction du procès, Chrysostome accourut aussitôt sur les lieux, réunit un grand concile qui ne comptait pas moins de 70 évéques, venus d’Asie, de Lydie, de Carie et de Phrygie, et réussit à faire accepter comme successeur d’Anlonin, son diacre favori, Héraclide, de préférence aux deux candidats des Éphésiens. Tillemont, op. cit., t. xi, p. 158-167. Ensuite, il déposa six évêques d’Asie comme simoniaques, avec quelques-uns de leurs confrères de Bithynie, de Lycie et de Phrygie, si bien que le nombre total des prélats déposés se serait élevé au chiffre treize, d’après Sozomène. H. E., 1. VIII, c. vi, P. G., t. lxvii, col. 1529. D’autres évéques encore adressèrent des requêtes au conciliabule du Chêne et se plaignirent d’avoir été injustement déposés par lui. Tillemont, op. cit., t. xi, p. 167-170. Une voie si bien ouverte par un si grand

saint devait être suiwe par ses successeurs. Atticus, qui avait nommé Sylvain à l’évêché de Philippopolis en

Thrace, le transférait ensuite à Troas dans l’Hellespont. Socrate, II. E., 1. VII, C. XXXVII, P. G., t. LXVII, col. 821. Sisinnius, son successeur, choisissait Proclus comme métropolitain de Cyzique, mais les habitants ne voulurent pas l’accepter et désignèrent eux-mêmes leur premier pasteur. Socrate, H.E., 1. VII, c. xxviii, ibid., col. 801. En agissant ainsi, Sisinnius s’autorisait, parait-il, d’un décret de Théodose II, qui défendait de sacrer un seul évêque sans le consentement du titulaire de Constantinople..Mais, soit que ce privilège, accordé à Atticus, lui fût personnel, soit qu’il ne comportât pas toute l’extension qu’on voulait bien lui accorder, il y eut toujours des protestations plus ou moins vives contre son exécution. Socrate, îoc. cit. Ce même Proclus, monté ensuite sur le siège de Constantinople, ordonnait Basile, l’évêque d’Éphèse, Mansi, t. vii, col. 293, comme il approuva et appuya son successeur Bassien, une sorte d’intrus, Mansi, t. vii, col. 288, et comme on avait approuvé et consacré avant lui Memnon, un autre titulaire d’Éphèse. Mansi. t. vu. col. 293. Au concile de Chalcédoine, plusieurs évéques d’Aphrodisias en Carie, Bomain de Myre en Lycie, sont cités comme ayant reçu l’ordination de Constantinople. Mansi, t. vii, col. 448, 449. La mainmise de Constantinople sur le diocèse d’Asie est donc visible. Assurément, cela n’alla pas sans quelque secousse et sans quelque protestation, et l’on peut croire avec M. Gelzer, Pergamon unter Byzantiniern und Osmanen, in-4°, Berlin, 1903, p. 8-16, que si, au concile d’Éphèse (431), Memnon se rangea avec saint Cyrille parmi les défenseurs de la foi contre l’évêque hérétique de Byzance, tandis qu’au brigandage d’Éphèse (449), tout l’épiscopat d’Asie suivait le pape hétérodoxe d’Alexandrie dans sa lutte contre l’évêque catholique de Byzance, la question d’autonomie, de juridiction et de préséance y avait une aussi grande part que l’intégrité du dogme.

Non contente d’absorber à son profit l’autorité dévolue aux trois exarques d’Héraclée, d’Éphèse et de Césarée, Byzance tenta, vers la même époque, une incursion sur le territoire du pontife de Rome. Le 14 juillet 421 paraissait une loi de Théodose II, qui rattachait les provinces de l’Illyricum, jusque-là soumises au pape, à la juridiction de l’évêque de Constantinople. Cod. jutt., I, 2, 6 ; cod. Theod., xvi, 2, 45. Le pape saint Boniface ne consentit pas à ce dépouillement qu’on voulait lui imposer, et ses protestations furent si énergiques que la loi théodosienne ne reçut pas d’application. Du moins, il n’y en a pas trace durable dans l’histoire, ainsi que l’a fort bien montré M. Duchesne, Autonomie » ecclésiastiques, Églises séparées, in-12. Paris, 1896, p. 229-279. Voir Bulgarie, t. ii, col. 1176. La partie, d’ailleurs, n’était que remise.

Ainsi donc, sans grands efforts, Byzance était parvenue, en moins d’un siècle, à s’annexer trois immenses diocèses, qui comprenaient plus de la moitié de l’empire oriental ; elle avait essayé ses forces contre Rome, mais s’était repliée vivement pour ne pas avouer sa défaite. En même temps qu’elle s’élevait à la hauteur d’un immense patriarcat par l’absorption des trois exarchats voisins, elle s’ingéniait à ruiner ou à affaiblir par tous les moyens l’autorité de ses deux rivales en Orient, les Églises d’Alexandrie et d’Antioche. « Entre les deux primats de Constantinople et d’Alexandrie, il s’agissait de savoir lequel des deux commanderait au nouveau corps ecclésiastique de l’empire oriental. Entre ces deux puissances, le conllit était inévitable. A chaque vacance du siège de Constantinople, le patriarche égyptien avait son candidat. Si Grégoire de Nazianze avait été installé sur ce trône, si Nectaire le fut après lui. ce fut malgré le patriarche alexandrin Timothée, qui avait un autie candidat et le voulait im-