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CORAN (SA COMPOSITION)


sourate xxx parle d’une défaite des Grecs, vraiseml blement survenue dans une guerre entre Bjzance et la Perse, l’an 7 ou.S tir la mission de.Mahomet.

On a cherché à décomposer en plusieurs périodes tout ce laps de temps qui s’écoule entre le début de la prédication mahométane et l’hégire. Muir a cru pouvoir distinguer cinq périodes ; M. Nœldeke et M. H. Derenbourg en comptent irois. Dans la seconde période Allah (Dieu) est souvent appelé le Rahmân, titre d’une divinité antérieure du paganisme ; dans la troisième apparaît fréquemment l’apostrophe : « vous hommes ! » Le style va se refroidissant d’une période à la suivante. Les sourates de la troisième période mecquoise sont parfois mêlées de fragments appartenant à la période médinoise. La petite sourate, appelée la Fdtihah (l’ouvrante), qui a été placée en tête du Coran et qui est souvent récitée dans la prière musulmane, marque, croit-on, la transition entre la première et la seconde période. La sourate xix est celle qui a été lue par vii groupe de musulmans au Negus chrétien d’Abyssinie, en présence d’envoyés koréichites, encore païens.

L’époque médinoise est celle où le prophète combat ses ennemis par les armes et organise l’islam. Les sourates de cette période renferment des préceptes législatifs et de nombreuses allusions relatives à des événements dont le détail nous est fourni par les historiens. Le prophète y attaque ses ennemis divers, « hypocrites » ou mauvais croyants, juifs, chrétiens, païens de La Mecque et d’ailleurs. L’importante sourate il, la plus longue du Coran, qui renferme des morceaux d’un grand intérêt au point de vue de la législation, est, en majeure partie, de l’époque qui a suivi immédiatement l’hégire. La sourate xvi est médinoise, parce qu’il y est clairement parlé des émigrés (mohàdjir) au verset 111 ; la sourate xxix l’est de même, parce que le prophète y donne le conseil de ne conlroverser avec les juifs et les chrétiens que « de la plus belle manière » , c’est-à-dire par la force, ce qu’il n’aurait pu dire avant l’hégire. Au verset 14 de la sourate xlvii, on voit Mahomet émigré regrettant sa patrie. La sourate lix contient des allusions à la lutte contre les juifs de Nadhir ; la sourate XXXIII, de même ; la sourate lxiii se place après l’expédition contre les Banou Mostalik ; la sourate xlviii probablement après la paix de I.Iodeïbiyah. Au verset 37 de la sourate xxxiii, un homme est nommé, Zéïd, le seul contemporain de Mahomet expressément nommé dans le Coran avec Abou Lahab ; Zéïd était lils adoptif de Mahomet qui, par ce verset, se donne l’autorisation d’épouser sa femme répudiée, Zéïnab. Le verset 29 de la sourate vii, faisant allusion à une modification dans les coutumes du pèlerinage, nous reporte au temps où les musulmans étaient devenus maîtres de La Mecque ; enfin la sourate ix (versets 1 à 12 et 28) contient les versets que le prophète fit lire par Ali aux musulmans réunis pour le pèlerinage en l’an 9 de l’hégire ; celle sourate est une des plus significatives au point de vue historique.

IV. Variantes.

Il semblerait qu’il ne dût point exister de variantes du Coran, la recension d’Otmàn étant censée unique. Et de fait il n’existe pas de variantes importantes ; mais on trouve nombre de petites différences de lecture, tenant soit à quelque incertitude touchant les signes de vocalisation, qui sont surajoutés à l’écriture arabe, soit au maintien de certaines traditions divergentes, par la mémoire ou autrement. En effet, la destruction des textes coraniques ordonnée par Otm ; n ne put porter sur les leçons qui étaient conservées dans la mémoire des croyants, et d’autre part cette destruction ne fut pas tout à fait complète : on sait qu’il subsista plusieurs exemplaires du livre sacré, dont les plus célèbres sont celui d’Obay, fils de Ka’b, et celui d’Ibn .Mas’oud ; ces recensions ne paraissent pas avoir présenté de variantes très importantes par rapport à la version

nienne. On peut se rendre compte, en étudiant un commentateur bon philologue, tel que Zamakhchari, de la nature et du peu d’étendue des variantes du Coran.

Par exemple, au verset 2 de la sourate vii, où il est dit : s Suivez la loi qui vous est venue de votre seigneur, et ne suivez pas (là taltabïou) d’autres patrons que lui, » Zamakhchari rapporte la variante là. tabtag’ouqui donnerait le sens : « Et ne désirez pas d’autres patrons que lui. » Au verset 8 de la sourate xxx vi, le texte porte : « Nous avons placé devant leurs mains (min beîn aïdihini ) un obstacle ; » une variante d’Ibn’Abbâs donne fi aïdlhim ; une autre d’Ibn Mas’oud fi aimânihim, qui sont des expressions synonymes.

D’après la tradition, le Coran aurait été révélé en sept dialectes (ahrof), ce que l’on peut entendre en supposant que les divers morceaux en auraient été promulgués en divers dialectes, ou que l’ensemble du texte avait été recueilli en sept formes dialectales distinctes ; une tradition prétend que la première recension aurait réuni les variantes dialectales ; c’est peu probable. Cette question des dialectes est obscure, et l’on peut sans doute interpréter la tradition comme signifiant que la langue du Coran faisait la synthèse de la langue de plusieurs tribus.

Quelques parties du Coran, je veux dire de la prédication coranique censée révélée, ont été perdues. Cela se conçoit, étant donné le mode de conservation de la prédication mahométane ; en outre, cette vérité probable est admise dans l’islam ; on y admet qu’il a pu « tomber quelque chose du Coran » ; une tradition nous montre Omar cherchant an vain un verset dans son Coran, et quelqu’un lui faisant observer que ce verset était une partie de ce qui était tombé du Coran. On dit aussi que la sourate xcvm devait être plus longue à l’origine. On est certainement autorisé à croire que parmi les paroles attribuées à Mahomet, conservées par les luidit (les traditions), il y en a qui ont été prononcées dans les mêmes conditions que celles du Coran, et qui sont vraiment des fragments du livre, oubliés dans la collection.

Les Chiites, schismatiques musulmans partisans d’Ali, se sont servis de cette possibilité générale de variantes et de lacunes dans le Coran, pour prétendre soit qu’on avait altéré le livre saint, soit qu’on en avait retranché des passages favorables à Ali. D’après eux, cinq cents passages du Coran auraient été altérés. Ces prétentions des Chiites ne sont pas recevables. Une prétendue sourate où Ali est mis presque sur le même rang que le prophète, et qui a été éditée par Garcin de Tassy et par Eazem Beg, est sans conteste apocryphe.

En dehors de ce texte chiite, on connaît deux courtes sourates qui auraient fait partie du Coran d’Obay et qui sont des prières sans grand intérêt.

V. Influences païennes.

Nous avons assez indiqué comment l’étude du Coran se reliait à celle de la vie de Mahomet ; nous n’avons pas à faire ici l’histoire de cette vie, mais nous devons analyser les inlhiences sous lesquelles s’est formée la pensée mahométane. Ces inlluences sont celles du paganisme d’une part, d’autre part du judaïsme, du christianisme et des religions de la Perse. A l’égard du paganisme l’œuvre de Mahomet doit être considérée comme une réaction voulue et violente ; c’est-à-dire que l’islamisme n’est pas sorti, par une évolution spontanée, du paganisme ancien ; c’est ce qui a été bien mis en lumière, notamment par les travaux de M. Goldziher. L’islamisme s’est formé sous l’influence des autres religions que nous venons de citer, des deux premières surtout, le judaïsme et le christianisme ; cependant cette inlluence ne paraît pas s’être exercée sur Mahomet d’une manière directe, mais plutôt par l’intermédiaire de sectes judéo-chrétiennes, d’esprit syncrétique. Nous allons développer un peu ces points de vue.

Le paganisme à l’époque de Mahomet régnait dans