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CONSTANTINOPLE (ÉGLISE DE)


t. civ, col. 109 ; Nicétas Choniate, Panoplia dogmalica,

1. V, c. vi, /’. G., t. cxxxix. col. 1367 ; Cedrenus, /’. G-, t. cxxi, col. 545 ; Michel Glykas, Annalium pars IV, P. G., t. clviii, col. 505.

L’Église de ConsUintinople commençait, à rcllenrir avec le successeur de Méti’ophane, saint Alexandre, 31 î337, quand les controverses ariennes vinrent y jeter le trouble et la confusion. En 335, un synode y était tenu en faveur d’Arius, présage funeste de ceux qui devaient suivre. Le pieux évêque, d’une douceur et d’une longanimité à toute épreuve, se révolta pourtant, quand on lui enjoignit, sous les pires menaces, d’admettre l’hérésiarque à sa communion. On sait comment il recourut à la prière et comment la vengeance de Dieu s’exerçant sur Arius préserva l’Église de Constantinople de toute profanation (336). A la mort d’Alexandre, août 337, deux partis se trouvaient en présence pour lui donner un successeur, celui des ariens qui tenaient pour Macédonius, celui des catholiques qui présentaient le jeune Paul. Celui-ci l’emporta, mais ne tarda pas à être déporté à Singara, en Mésopotamie (339). Il fut remplacé par le fameux prélat, arien et courtisan, Eusèbe, qui échangeait ainsi pour Constantinople la métropole de Nicomédie, l’une des plus illustres de l’Orient. C’était la seconde fois qu’Eusèbe troquait son titre épiscopal contre la capitale de l’empire, et nous voyons ainsi comment le voisinage de la cour paraissait désirable à ces prélats ambitieux et intrigants qui, pour une vaine question d’amour-propre, laissaient pénétrer dans l’Église le despotisme de l’État. Sur Eusèbe voir la thèse d’A. Lichtenstein, Eusebius von Nikomedien, in-8°. Halle, 1903. Eusèbe ne jouit pas longtemps de cette dignité ; il mourut vers la fin de l’année 341, pendant que les catholiques rappelaient saint Paul et que le parti arien choisissait Macédonius. On en vint aux mains dans les rues de la capitale ; la guerre civile faillit même éclater et l’empereur Constance, alors à Antioche, manda au magister mililum de rétablir l’ordre en exilant le chef des catholiques. L’officier, qui s’appelait Hermogène, s’acquitta si mal de son mandat qu’il ameuta la foule contre lui et que celle-ci, révoltée, l’enferma dans son palais, le brûla et traîna ensuite ignominieusement son cadavre jusqu’à la mer. Cet acte d’insubordination réclamait vengeance ; elle fut terrible, et l’infortuné Paul reprit la route de l’exil, pendant que son rival, nommé d’abord sans l’agrément de Constance, obtenait peu à peu sa confirmation. En 346, grâce à la protection de Constant, qui posait en tuteur de l’orthodoxie, Paul remontait une troisième fois sur son trône, d’où les ariens l’obligaient à descendre en 351, lors de l’assassinat de son protecteur. Et comme les morts sont les seuls à ne plus revenir, on l’étrangla en Arménie durant son exil. Macédonius restait donc seul en possession de la chaire épiscopale, qu’il détint jusqu’au 27 janvier 360. Ce fut alors le règne de la délation et de la tyrannie ; le faux pasteur rendit les persécutions si cruelles qu’elles indisposèrent même contre lui son impérial complice. Enfin, au mois de janvier 360, Macédonius était déposé, mais c’était pour céder la place à un autre arien, Éudoxius, « qui savait fort bien, remarque Tillemont, Mémoires pour servir à l’histoire ecclésiasliijiii’, Paris, 1711, t. xv, p. 701, juger des sièges les plus propres à satisfaire son ambition et qui préféra celui-ci (Constantinople) à Antioche mesme, où les empereurs résidaient fort souvent en ce temps-là. »

Je n’ai pas à examiner ici la personnalité fuyante et ambitieuse de ce prélat, pas plus que le rôle actif qu’il joua dans les querelles de l’arianisme. Attaché à son parti religieux, tant que son intérêt particulier l’y retenait, il n’éprouvait aucun scrupule à se séparer de ses coreligionnaires, dès que le vent de la fortune soufflait ailleurs. Celle souplesse de caractère, pour ne pas dire ce manque de conscience, lui valut de traverser sans

encombre les règnes les plus opposés : arien d’une certaine nuance sous l’empereur Constance, chrétien effacé sous Julien l’Apostat, catholique sous Jovien, et derechef arien fanatique sous Valens. En vain, tous les partis qu’il trahissait tour à tour lui opposèrent des compétiteurs, il réussit à se maintenir constamment en charge et à mourir sur son siège avec la réputation d’un homme heureux. A ce caméléon ecclésiastique succéda, ! J70, l’évêque arien de Berrhée en Thrace, Démophile. Celuici avait la main aussi rude que l’échiné d’Eudoxius. son prédécesseur, avait été souple ; les catholiques s’en aperçurent bientôt. Pour protester contre ses vexations de toutes sortes, ils eurent l’imprudence d’envoyer une ambassade de soixante-douze à quatre-vingts personnes, prêtres ou laïques, à l’empereur Valens qui résidait en ce moment à Nicomédie. Le prince accueillit fort mal les négociateurs. Des marins transformés en bourreaux les jetèrent sur un vieux navire qu’ils livrèrent lus flammes, et l’épave embrasée alla s’échouer sur la : ôte avec les restes calcinés des confesseurs de la foi. Cirbarie inutile, qui revint peut-être à la mémoire de Valens, lorsque les Goths le brûlèrent, à son tour, dans une pauvre chaumière de Thrace ! Ce trépas mérité délivrait l’empire d’un tyran imbécile et permettait aux catholiques de respirer. Ils surent profiter de cette accalmie et tournèrent les regards vers un évéque sans siège, un amant de la solitude et de la poésie, mais qui savait sacrifier son besoin de repos, dès que la cause du Christ ou de la foi était en jeu. Grégoire de Nazianze

— car c’était lui — se rendit aussitôt à l’appel des orthodoxes byzantins, 379, et, sur-le-champ, il se mit à panser les plaies et à relever les ruines. Pendant plus de quarante ans qu’avait duré la domination arienne, les catholiques avaient été chargés d’opprobres, accablés d’injures et de menaces, privés de leurs biens, envoyés en exil ; on avait souillé leurs églises du sang de leurs prêtres, violé leurs sépultures, et c’était un vrai miracle de la providence que l’orthodoxie groupât encore quelques représentants. Grégoire les réunit dans une petite maison, convertie en lieu de culte, sa chère Anastasis, qui allait voir renaître de ses cendres la foi de Nicée. Pauvre Église de la capitale, errante et vagabonde pendant quarante ans, comme autrefois l’arche d’alliance dans les déserts du Sinaï, elle allait s’abriter dans les murs de l’Anastasis, la nouvelle Silo ! La résurrection fut pénible et entravée de mille difficultés : luttes contre les ariens, les novatiens et les hérétiques de toutes les nuances, luttes contre les faux frères et les faux amis, rien ne fut épargné à l’âme aimante de Grégoire, qui donnait sa confiance sans marchander. A peine délivré de son rival arien, Démophile, 26 novembre 380, que l’empereur Théodose avait prié de renoncer à l’arianisme ou à son évêché, il trouva un compétiteur dans Maxime le Cynique, un Égyptien gorgé de ses faveurs et qui le payait de reconnaissance en se faisant introniser la nuit par la lie de la population. Pour le coup, l’administrateur de Constantinople voulut rejoindre ses livres et ses rêves poétiques en Cappadoce. On le retint une fois encore, on le lit asseoir de force sur le trône épiscopal. on lui prodigua les marques de déférence et, à la mort de saint Mélèce d’Antioche, on lui offrit la présidence du second concile œcuménique, après l’avoir nommé officiellement évéque de Constantinople. Grégoire céda à cette douce contrainte. mais voyant bientôt que, en dépit des promesses faites. le concile avait donné un successeur à Mélèce afin d’éterniser le schisme d’Antioche, se sentant l’objet de vives suspicions de la part des Egyptiens et du jeune épiscopal fin de siècle qui l’entourait, perdu au milieu des intrigues qui l’enlaçaient de toutes parts, il donna définitivement sa démission, juin 381, et l’ut remplacé par Nectaire, préteur de Conslantinople, catéchumène el i muet comme un poisson » .