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CONTROVERSE

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Pour la controverse avec les protestants, « on ne traita proprement dans eette assemblée que de (Jeux points de doctrine, dont l’un fut celui de l’Église, et l’autre fut celui de la cène. C’étoit là que l’on mettoit le nœud de l’affaire, parce que l’article de l’Église étoit regardé par les catholiques comme un principe général qui renversoit par le fondement toutes les Églises nouvelles ; et que parmi les articles particuliers dont on disputoit, aucun ne paroissoit plus essentiel que celui de la cène. » Bossuet, op. cit., I. IX, n. 92, p. 397.

Le cardinal de Lorraine commença par une admirable harangue, et accusa Bèze « d’avoir écrit, dans un de ses livres, que Jésus-Christ n’étoit pas plus dans la cène que dans la boue, non magis in cœna quant in cœno » . Bossuet, ibid. Alors, Bèze rejeta la proposition comme impie et détestée de tout le parti. Or, plus tard, au nom de tous les ministres et de toutes les Églises protestantes, il présenta publiquement au roi, devant l’assemblée, la commune confession de foi dressée sous Henri II, dans le premier synode tenu à Paris. En même temps, Bèze prit la défense de cette confession, dans un long discours, « où, malgré toute son adresse, il tomba dans un grand inconvénient… Car, étant tombé sur la cène, il dit, dans la chaleur du discours, qu’eu égard au lieu et à la présence de Jésus-Christ considéré selon sa nature humaine, son corps étoit autant éloigné de la cène que les plus hauts cieux le sont de la terre. A ces mots toute l’assemblée frémit. On se ressouvint de l’horreur avec laquelle il avoit parlé de la proposition qui excluoit Jésus-Christ de la cène, comme de la boue. Maintenant, il y retomboit, sans que personne l’en pressât. » Bossuet, op. cit., . IX, n. 93, p. 397-398.

Si le cardinal de Lorraine parla fort bien et avec éloquence, Laynez parla mieux encore, et avec une victorieuse franchise. Il « avait écouté les discussions sans y prendre part. Mais enfin l’audace des dévoyés de l’Église alla si loin qu’il ne put se contenir davantage. Pierre Martyr surtout, ancien chanoine régulier de Saint-Augustin, dont il avait renié la règle, s’était signalé oar ses blasphèmes. Il était Florentin, et la reine, sa compatriote, lui avait demandé de se servir de la langue italienne plutôt que de la latine. Cette coquetterie de femme, espérant ainsi captiver le calviniste, tira Laynez de son silence » . Crétineau-Joly, Histoire de la Compagnie de Jésus, c. viii, Tournai, 1846, t. I, p. 137. Le 26 septembre, s’adressant à la reine-mère, il lui proposa deux moyens pour se défendre elle et son royaume contre les séductions de l’hérésie. « Le premier moyen, dit-il, …c’est de bien comprendre qu’il n’appartient ni à Votre Majesté ni à aucun autre prince temporel de traiter de choses qui regardent la foi, parce qu’ils n’ont pas le pouvoir de décider ces sortes de questions et parce que d’ailleurs ils ne sont point exercés à approfondir ces matières subtiles et abstraites. Et s’il est juste, comme dit le proverbe, de laisser son art à l’artisan, il faut aussi laisser aux prêtres le droit de s’occuper des affaires de la religion ; il faut surtout laisser au souverain pontife et au concile général à prononcer sur les choses de la foi, causse majores, qui sont exclusivement de leur ressort. Maintenant donc qu’un concile général est ouvert, il ne me paraît ni légitime ni convenable de tenir des assemblées particulières. .. Voilà donc le premier moyen que j’ai à proposer à Votre Majesté, moyen de tous le meilleur et le plus concluant : ce serait d’envoyer à Trente les prélats, les théologiens et tous les religionnaires ici présents. Quant au second moyen, qui, sans être bon, n’est pas mauvais, le voici. Puisque Votre Majesté, par indulgence pour les modernes sectaires et pour essayer de les gagner, a bien voulu permettre des conférences, je demanderai qu’elles se tiennent seulement en présence de gens instruits, parce que, pour ces personnes, il n’y aurait point de danger de perversion et qu’elles

seraient même capables de convaincre et d’éclairer les esprits plutôt entraînés par l’erreur que par l’entêtement de l’orgueil. Il y aurait encore cet avantage, qu’on épargnerait à Votre Majesté et à ces très honorables Seigneurs l’ennui de discussions longues et embrouillées. » Crétineau-Joly, op. cit., p. 137-140. Lavnez avait parlé avec tant d’autorité de l’inutilité du colloque, des dangers qu’il offrait pour la foi. le cardinal de Tournon l’avait si bien secondé, que l’adhésion de la cour fut emportée. Ni la reine, ni le roi, ni les seigneurs n’assistèrent désormais aux séances. Elles se poursuivirent entre les seuls évêques et les théologiens, catholiques et protestants. La parole de Laynez avait mis un terme à ces harangues et à ces discussions solennelles, dans lesquelles les protestants, en face du roi mineur et de toute sa cour de prélats et de gentilshommes, prenaient à partie les dogmes de la religion catholique. Dans les réunions suivantes les débats continuèrent sur la cène. On y entendit, du côté catholique, l’évêque de Valence, Duval, évêque de Séez, le docteur de Paris Claude Despence. D’autre part, des dissensions ne tardèrent pas à se faire jour parmi les ministres ; des jalousies éclatèrent entre eux ; Bèze lui-même y montra d’incompréhensibles hésitations. Pierre Martyr « déclara souvent que pour lui il n’entendoit pas ce mot de substance, mais pour ne point choquer Calvin et les siens, il l’expliquoit le mieux qu’il pouvoit » . Bossuet, op. cit.. n. 96, p. 401. La conclusion des délibérations devait être un formulaire sur la sainte eucharistie. Les deux partis devaient l’adopter, mais les huguenots refusèrent de le signer. Il devint de la sorte évident pour tous que c’était la défaite complète de l’hérésie. Ce fut le résultat tout spéculatif du colloque. De pratique, il n’y en eut pas plus cette fois que les autres. « La réformation de la discipline ne réussit guère mieux. On fit de belles propositions et de beaux discours dont on ne vit que peu d’effet. L’évêque de Valence discourut admirablement à son ordinaire contre les abus et sur les obligations des évêques, principalement sur celle de la résidence qu’il gardoit moins que personne. En récompense, il ne dit mot de l’exacte observance du célibat. » Bossuet, op. cit., n. 99, p. 403. C’est dans ces conditions que l’assemblée fut dissoute le 14 octobre 1561, et le roi décida dès lors d’envoyer au concile de Trente les évêques du royaume. Quant aux calvinistes, ils regardèrent comme un triomphe qu’on les eut seulement admis à une telle conférence et qu’on leur eût permis d’y lire leur confession de foi. Aussi devinrent-ils plus insolents que jamais.

2. Conférence de Fontainebleau, 4 mai 1600, entre le cardinal Du Perron et du Plessy-Mornay. — En 1598, Philippe de Mornay, seigneur du Plessy-Marly, connu sous le nom de Duplessy-Mornay, publia son traité de l’Institution de l’eucharistie. Cet ouvrage dirigé contre le sacrifice de la messe, et plus généralement contre tout le culte catholique, contenait près de cinq mille passages tirés des Pères de l’Église ou de théologiens de marque. En réunissant et en publiant tous ces témoignages, Mornay n’avait pas pris soin d’en vérifier exactement la provenance et les textes, et il avait souvent cité à faux. Du Perron, évéque d’I.’vreux, enhardi par les succès déjà remportés dans plusieurs controverses, encouragé par les conversions éclatantes qu’il avait obtenues, et notamment celles de Palma-Cayet et de Sancy, colonel général des Suisses, osa s’attaquer à celui qu’on appelait le pape des huguenots. Il signala donc les inexactitudes de Mornay. 11 déclara même publiquement qu’il se faisait fort de montrer cinq cents falsifications dans le traité de 17nstitution de l’eucharistie. Mornay, piqué au vif, porta à Du Perron l’imprudent défi de soutenir publiquement son accusation dans une conférence, et devant des arbitres choisis dans les deux partis. L’evéque