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CONTROVERSE
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d’une manière générale, dit-on communément que les

Pères de l’Église, durant les six premiers siècles, furent tous des conlroversistes. Dans la suite des temps, la plupart des théologiens de marque ont dû aussi faire de la controverse et se montrer conlroversistes ; car, à toutes les époques, ils ont rencontré d< s erreurs ou des hérésies qu’il’eur a fallu combattre. A cet égard, Ra’ian Maur et Hincmar de Reims, dans leur lutte contre l’hérésie prédestinatienne de Gotescalc, au IXe siècle ; Lanfranc et Guillaume, dans leur résistance aux erreurs de Bérenger ; saint Bernard, dans sa réfutation d’Abélard, au xiie siècle ; Bossuet, au XVIIe siècle, dans son exposition de la foi et ses avertissements contre le protestantisme, ont été de grands et vaillants conlroversistes. — 5° Enfin, dans un sens nettement déterminé, la controverse signifie proprement une dispute réglée, ex professo, une discussion contradictoire et surtout orale entre catholique et hérétique. C’est le point de vue spécial qui nous intéresse principalement, dans cet article, au regard du droit, de la morale et de la théologie historique. Dans cette signification précise, controverse a pour équivalents français, colloque, conférence contradictoire, et pour équivalents latins, collalio, colloquium, disputatio. Ce dernier mot est celui que les canonistes et les théologiens ont le plus habituellement employé.

II. Principales controverses et principaux controversistes avant la Réforme. — Nous n’avons pas évidemment à faire ici l’histoire complète et détaillée des différentes controverses, mais nous devons donner de chacune une idée précise bien que générale, avec les indications nécessaires.

Controverses de saint Etienne.

Il semble bien

que le diacre saint Etienne, sinon par son fait, du moins à raison des attaques dont sa prédication se trouva l’objet, fut amené à des débats réellement contradictoires avec plusieurs membres des synagogues. Les Actes des apôtres en mentionnent toujours au moins une, peut-être deux, peut-être même cinq auxquelles auraient appartenu les divers contradicteurs d’Etienne. Ils parlent a. de la synagogue qui est appelée des Affranchis, et des Cyrénéens, et des Alexandrins, et de ceux qui étaient de Cilicie et d’Asie » . Il s’agit, sans doute, d’hellénistes qui avaient dans Jérusalem leurs synagogues particulières, où l’Écriture se lisait et s’expliquait en grec. Plusieurs d’entre eux faisaient opposition à la doctrine prêchée par le diacre si distingué par son zèle et par le don des miracles. Ils se levèrent donc et entrèrent en discussion avec lui. Surreocerunt autem quidam de synagoga quse appellatur Liberlinorum, et Cyrenensium, et Alexandrinorum, et eorum qui erant a Cilicia et Asia, disputantes cum Stephano. Sur ce terrain de la discussion, ils ne pouvaient l’emporter, car ils ne savaient opposer aucune solide raison au vigoureux champion, par la bouche duquel la sagesse même et l’Esprit-Saint semblaient parler. Et non poterant resistere sapienliee et spiritui qui loquebatur. Act., vi, 9-10.

Controverses de saint Paul.

Nous trouvons dans

les Actes plusieurs mentions qui rappellent certaines discussions publiques de saint Paul avec les adversaires de la doctrine chrétienne.

1. Après sa conversion, Paul ne tarda pas à prêcher , lésus dans les multiples synagogues de Damas, et il confondait les Juifs, en ne cessant d’affirmer que Jésus est le Christ et qu’il est le Fils de Dieu. De leur côté, ceux-ci ne paraissent pas avoir laissé la prédication du nouvel apôtre sans protestation ni sans réplique. Act., ix, 20-24. De Damas, Paul vint à Jérusalem, et là, comme les autres apôtres, il agit avec assurance au nom du Seigneur. Il parlait et disputait avec les hellénistes, c’est-à-dire avec des Juifs, dont la langue maternelle était le grec. Loquebatur… et disputabat cum

Grsecis. Act., ix, 29. C’étaient ces hellénistes qui avaient martyrisé saint Etienne sous la direction même de Saul. Act., VI, 9 sq. ; vii, 58 sq. Il était donc assez naturel que le nouvel apôtre se tournât d’abord vers eux pour les convertir. Il ne paraît cependant pas que ses eussions les aient convaincus : car ils cherchaient à le tuer : illi autem quserebant occidere eu.ni.

2. Une autre discussion, que sa conclusion à l’Aréopage a rendue plus célèbre, eut lien a Athènes. Saint Paul était arrivé dans la grande métropole païenne ; et, la voyant ainsi livrée à l’idolâtrie, il voulut lui annoncer la bonne nouvelle. Tout d’abord, il se mit à discuter avec les Juifs et les prosélytes, dans les synagogues, aux jours des assemblées religieuses. Puis, avec les gentils, c’est tous les jours qu’il discutait sur l’agora. Il y rencontrait constamment, soit des groupes d’habitants de la cité, soit des étrangers et des étudiants, alors très nombreux à Athènes. Disputabat igitur in synagoga cum Judseis et colenlibus, et in foro, per omnes dies, ad eos qui aderant. Act., XVII, 17. Il y avait là des philosophes épicuriens et des stoïciens. Les uns et les autres, vivement attaqués dans leurs principes mêmes, fournissaient à l’apôtre la réplique et argumentaient avec lui. Au fond, les auditeurs étaient très partagés d’opinion sur la doctrine de Paul. Les uns, les plus légers, n’y comprenant rien, se demandaient : Mais que veut donc dire ce semeur de paroles, ce bavard ? Les autres, l’entendant parler de Jésus et de résurrection, croyaient comprendre que l’apôtre voulait leur faire connaître des dieux étrangers. Quidam autem epicurei et stoici p/tilosophi bisserebant cum eo. Et quidam dicebant : Quid vult seminiverbius hic dicere" ? Alii vero : Novorum dxmoniorum videtur annuntiator esse, quia Jesum et resurrectionem annunliabat eis. Act., xvii, 18. En leur qualité d’Athéniens, ces gens étaient fort désireux d’entendre toutes les nouveautés. Aussi disaient-ils à Paul : Ne pouvons-nous savoir quelle est cette nouvelle doctrine que tu enseignes ? Car tu apportes à nos oreilles des choses vraiment nouvelles. Nous voulons donc savoir ce qu’elles signifient. Possumus scire quve est hœc nova, quæ a te dicitur, doctrinaf Xova euint quædam infers auribus noslris. Yolumus ergo scire quidnam velint hœc esse. Act., xvii, 19-20. C’est alors que pour satisfaire leur curiosité, ils le menèrent à l’Aréopage, sur le monticule qui se dressait au-dessus de l’agora et qui servait de local au tribunal suprême. Là, du moins, on pourrait entendre le discoureur plus à l’aise. L’apôtre saisit l’occasion de clore les discussions, qui se poursuivaient depuis plusieurs jours, par son magnifique discours sur Dieu, sur l’homme, sur Jésus-Christ et Jésus-Christ ressuscité. En entendant parler de résurrection des morts, plusieurs se moquaient, d’autres s’écriaient : Nous (’écouterons sur ce point une autre fois. Mais, en revanche, quelques conversions se produisirent : entre autres, celles de plusieurs hommes dont Denys l’Aréopagite. une femme nommée Damaris, et encore d’autres avec eux. C. Fouard, Saint Paul et ses fuissions, Paris, 1892, p. 172 sq. ; S.-E. Fretté, Saint Paul, Paris, 1898, p. 249 sq. ; Mo r Le Camus, L’œuvre des apôtres, Paris, 1905, t. ii, p. 265 sq.

3. D’Athènes Paul vint à Corinthe, et, chaque samedi, il se rendait à la synagogue : c’était l’un des moens accoutumés de son apostolat de se présenter ainsi aux assemblées religieuses des Juifs. Act., xiii. 5, li ; xiv. 1 ; xvi, 13 ; xvii, 1, 10, 17. Bientôt il pressait ses frères d’Israël, leur démontrant par les Écritures que Jésus était le Christ. Ses instances et ses succès irritèrent les chefs de la juiverie de Corinthe. Ils se mirent à proférer contre le Christ les blasphèmes en usage dans les synagogues. Puis, essayant d’argumenter, ils opposaient des textes de la Bible qui prouvaient, à les entendre,