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CONTRAT


d’un homme qui s’engage à rémunérer une femme pour la promesse que lui fait celle-ci Je nouer, ou de continuer avec lui des relations deshonnêtes.

Le contrat étant nul, si la convention n’a pas encore été mise à exécution la partie qui a reçu l’argent sera tenue à restitution. L’action illicite a-t-elle été commise, le débiteur, d’après l’opinion commune des moralistes, devra en conscience payer le prix convenu. Une fois l’acte coupable posé, ainsi raisonne-t-on, il se forme un nouveau contrat innommé do ut des, dans lequel une des parties doit fournir la contre-partie de la prestation effectuée par l’autre partie, pourvu, bien entendu, que cette contre-valeur n’ait rien d’illicite, ce qui a lieu dans le cas présent. De plus, l’action, objet du contrat, tout en étant mauvaise en soi, a procuré une utilité, un avantage susceptible de rémunération. C’est précisément cette utilité qui est la matière du contrat innommé et l’équivalent de la somme reçue. S. Alphonse, Tlieologia rtwralis, n. 712 ; Lacroix, Lugo, S. Thomas, Sum. theol., IIa-IIæ 1, q. xxxii, a. 7, et presque tous les auteurs modernes.

Cependant quelques théologiens soutiennent l’opinion contraire. Un contrat invalide avant son exécution, disent-ils, ne saurait être valide après la prestation. En pratique, après position de l’acte répréhensible, la partie qui a reçu le prix de la mauvaise action, pourra en conscience le garder ; d’autre part, suivant une opinion probable, la partie qui a promis de payer, n’est pas tenue en conscience à débourser la somme convenue. Marc, Institut, alphonsianse, n. 1036 ; jErtnys, Theol. moralis, n. 386 ; Génicot, Theol. moralis, n.584 ; Haine, De contract., q. vu ; Bulot, n. CS5. La Sacrée Pénitencerie a répondu dans ce sens le 22 avril 1822 : Mulier pœnilens non cogenda est, sed hortanda ut pretium nieretricii juæta prudenlis confessarii judiciitm eroget in usus pios. Toutefois si le tribunal, qui est très sévère en cette matière, annulait un contrat de ce genre, on devrait en conscience se soumettre à ce jugement. Génicot, loc. cit. ; Lehmkuhl, n. 1052-1053.

Il y a encore une cause illicite lorsqu’on stipule une somme d’argent pour l’accomplissement d’une obligation à laquelle on est déjà tenu par un autre titre de justice. C’est le cas du dépositaire se faisant promettre une somme d’argent pour restituer le dépôt qu’il a reçu ; du député, du juge recevant de l’argent pour prix de leur suffrage.

Si, au contraire, l’acte, objet de la convention, est illégitime à un autre titre que celui de justice, il peut être susceptible de rémunération, à condition toutefois qu’il ait une utilité appréciable. Pierre reçoit de son père une certaine somme d’argent pour aller à la messe le dimanche. L’église étant assez éloignée, c’est une rémunération pour la fatigue dépensée. Autre exemple : un passant me demande le chemin ; la charité m’ordonnant de le lui indiquer, je ne puis en justice exiger aucune rémunération, car je ne fournis aucun travail et ne m’impose aucun sacrifice. Mais la route est compliquée, je dois, pour le mettre sur la bonne voie, accompagner mon interlocuteur, dans ce cas je suis en droit de lui demander une gratification.

Celui qui a loué ses services à autrui peut-il en conscience engager pour une somme d’argent ces mêmes services à une tierce personne ? Oui, mais à une double condition : d’abord que la prestation accessoire soit utile, ensuite qu’il ne résulte aucun inconvénient pour le premier contractant. Les deux obligations de justice sont, en effet, indépendantes l’une de l’autre et par suite chacune d’elles donne naissance à un droit distinct. Par exemple, un domestique recevra, sans injustice, de l’argent comme rémunération pour des services rendus à d’autres personnes ; un facteur rural se chargera moyennant paiement de diverses commissions pour ses clients.

De la capacité des personnes contractantes.


D’après le droit naturel, est habile à contracter toute personne ayant l’usage de la raison ; et donc les enfants, les aliénés, les personnes en état d’ivresse complète sont inaptes à s’engager validement. Ces incapacités naturelles résultent évidemment du défaut de consentement.

Aux termes de l’art. 1123 du Code civil : « Toute personne peut contracter, si elle n’en est pas déclarée incapable par la loi. Les personnes juridiquement incapables de contracter sont : les mineurs, les interdits, les femmes mariées, dans les cas exprimés par la loi, et généralement tous ceux à qui la loi interdit certains contrats. » A. 1124. Il y a donc des personnes frappées d’une incapacité générale de contracter, et d’autres qui sont frappées d’une incapacité particu ?-Hère.

Aux personnes affligées d’une incapacité complète, on donne un tuteur qui les représente et qui agit en leur lieu et place dans les actes de la vie civile, où elles sont intéressées. Ces personnes sont mises en tutelle. Les actes, passés par le tuteur en leur nom et pour leur compte, produisent leur effet pour ou contre elles, comme si elles les avaient passés elles-mêmes. Quant à celles qui ne sont atteintes que d’une incapacité relative à certains actes, elles ne reçoivent qu’un curateur, ou conseil sans l’assistance duquel elles ne peuvent pas validement procéder à ces actes. On dit de ces personnes qu’elles sont en curatelle, ou qu’elles ont un conseil judiciaire. Étudions rapidement la condition juridique des divers incapables.

1. Les mineurs.

Les mineurs qu’on oppose aux majeurs sont les personnes qui n’ont pas encore vingt et un ans accomplis. L’incapacité de contracter qui atteint le mineur s’étend au mineur émancipé. Le législateur lui accorde, il est vrai, au chapitre de l’émancipation, une certaine capacité qui lui permet d’accomplir seul tous les actes relatits à l’administration de son patrimoine ; mais le mineur émancipé est incapable en dehors de cette sphère. L’incapacité est donc pour lui la règle, la capacité l’exception.

En réalité, le mineur est restituable pour cause de lésion contre les conventions qu’il a passées, plutôt que incapable de contracter ; car la loi lui permet d’attaquer ces conventions dans le seul cas où elles seraient pour lui la source d’une lésion : restiluitur minor, non tanquam minor, sed tanguant lœsus. Aussi bien, les contrats passés par un mineur, par un interdit ou par une femme mariée, ne sont pas nuls de nullité radicale, ils sont seulement annulables. — Toutefois le privilège de rescission accordé à l’incapable ne va pas jusqu’à lui permettre de s’enrichir aux dépens de la personne avec qui il a contracté. Le mineur (et aussi l’interdit ou la femme mariée), qui sur le fondement de son incapacité demande l’annulation d’un contrat, devra donc restituer ce qu’il a reçu en éxecution de ce c mtrat. Si, par exemple, il a fait annuler une vente, il devra rendre à l’acheteur le prix ou la partie du prix qu’il a touché.

Le mineur qui, de mauvaise foi, a fait tort à son cocontractant, est tenu en conscience à restituer. A-t-il agi de bonne foi, sans retirer un émolument du contrat, il peut profiter du bénéfice de la loi, alors même que la contre-partie eût éprouvée un dommage. Par conséquent, il ne sera pas obligé, après avoir atteint sa majorité, d’exécuter la convention. Bulot, n. 690 ; Nolclin. n. 519.

Le mineur est protégé par la loi dans l’intérêt du bien commun, pour éviter qu’on abuse de son inexpérience ou de sa faiblesse ; voilà pourquoi il ne peut pas renoncer au privilège de rescission dont il est légalement investi. Toutefois, si l’incapable usait de dol pour déterminer quelqu’un à contracter avec lui, par