Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 3.2.djvu/190

Cette page n’a pas encore été corrigée
1647
1
CONTINENCE

CÎ8

pas les tristes effets qu’on lui a parfois attribués, il est ïiors de doute qu’elle ue convient pas à certains individus, soit en raison de leur disposition physique, soit par suite d’habitudes malheureusement acquises et dont le mariage serait, dans l’espèce, le seul remède légitime. On conçoit que pour cette catégorie de personnes la vie de continence perpétuelle pourrait amener de fâcheuses conséquences ; encore, le plus souvent, ces suites seront dues non à la continence elle-même, mais au contraire à l’inconduite qui, dans ces circonstances, n’est que trop fréquente, liais il en va tout autrement pour les volontaires de la continence sacerdotale ou religieuse, vu la sélection dont ils sont l’objet au cours de la longue préparation qui leur est imposée, vu aussi les règles d’hygiène physique et morale, naturelle et religieuse, auxquelles ils s’astreignent et qui sont la sauvegarde de la chasteté. On conçoit que dans ces conditions, ils ne souffrent nullement d’une vie pour laquelle ils étaient faits et qu’ils protègent par tous les moyens voulus.

On dit souvent que le célibat porte les femmes à l’hystérie. Mais, dit le médecin viennois Kraft-Ebing, « si les vieilles filles vierges sont parfois hystériques, cela tient à des causes morales et non physiologiques. Les femmes non mariées qui remplacent le mariage par des occupations sérieuses auxquelles elles se donnent corps et àme, comme par exemple, les sœurs de charité se donnent aux malades et à l’enfance, ne deviennent qu’exceptionnellement hystériques. » Bien mieux, sur un grand nombre d’hystériques, Scanzoni en a trouvé 75 pour 100 qui avaient eu des enfants, 65 pour 100 en avaient eu plus de trois. Il faut donc rayer le célibat du nombre des causes de l’hystérie comme aussi le mariage de celui des remèdes de cette maladie. Cf. Moureau et Lavrand, Le médecin chrétien, p. 254 sq.

Le célibat et le bien social.

On objecte enfin

que le célibat est contraire au bien social. Il prive la société d’un nombre considérable de citoyens. S’il n’y avait que des célibataires, et d’après les catholiques ce serait un bien, c’en serait fait de la société. Au contraire, les pays protestants où le célibat ecclésiastique fait peu de vides, sont beaucoup plus llorissants que les régions catholiques.

1. Il y a contradiction à faire valoir la raison de bien social au détriment des droits naturels de l’individu. Reconnaître ces droits, les protéger, en assurer par une sage réglementation le libre exercice, n’est-ce pas la fin naturelle, le devoir primordial de toute société? Cela est vrai surtout de la liberté de se marier ou non, car elle touche à ce qu’il y a de plus intime dans la personne humaine.

2. L’augmentation indéfinie de la population est-elle, en toute hypothèse, un bien social'? Non, aurait répondu le comte de Maistre, Du pape, 1. II, c. ni, § 3, puisqu’il loue Malthus d’avoir montré la nécessité de l’existence dans l’Etat d’un principe moral qui tende constamment à restreindre le nombre des mariages. Or, continue de Maistre, le nombre des mariages ne peut être restreint qu’en trois manières : par le vice, par la violence ou par la morale. Les deux premiers moyens ne pouvant pas se présenter à l’esprit d’un législateur, il ne reste que le troisième ; mais, de l’aveu de Malthus lui-même, il est très difficile d'établir un moyen de restriction uniquement basé sur la morale. Ainsi, « l’Eglise a, par sa loi du célibat ecclésiastique, résolu ce problème avec toute la perfection que les choses humaines peuvent comporter, puisque cette loi qui exclut entièrement le vice et qui ne s’impose pas par la violence, est appuyée sur des motifs si sublimes qu’il n’est pas au pouvoir de l’esprit humain d’imaginer rien d'égal, ni d’approchant. »

3. La démonstration précédente repose sur ce principe que l’accroissement de la population est beaucoup plus rapide que celui des moyens de subsistance, d’où

la nécessité de prévenir l’excès de population, mais il s’en faut que la loi, invoquée par Malthus, soit générale et constante. On peut donc se demander si, tout an moins pour les pays où un accroissement de population serait un bien, le célibat ecclésiastique n’est pas responsable du déficit qui reste à combler. Très certainement non. D’abord, le nombre des personnes vouées au célibat est très faible par rapport à celui de la population adulte. Ainsi, en France, si l’on évalue à vingtcinq millions le chilire des personnes âgées de vingt ans au plus et à deux cent mille celui des ecclésiastiques, des religieux et des religieuses existant dans le pays en 1900, la proportion reste inférieure à un pour cent. Il faut donc chercher ailleurs les causes du déficit de la population : elles peuvent être multipliées, mais la plus ordinaire est l’infécondité relative des mariages. La France en est un exemple ; la crainte de la dépopulation n’inquiéterait guère ce pays si, aujourd’hui comme au commencement du xixe siècle, chaque famille comptait en moyenne quatre enfants. Il en est ainsi, ou peu s’en faut, en Autriche et surtout en Italie, contrées catholiques où le célibat ecclésiastique est très largement représenté. Cl. Staatslexikon, t. I, art. Bevôlkerung. Mais au fait, d’où vient que chez certaines nations européennes les mariages sont remarquablement féconds ? Il serait inexact d’affirmer que le taux de la natalité dépend uniquement de causes d’ordre religieux ; pourtant il est indéniable que l’inlluence de la morale chrétienne est à cet égard bienfaisante autant qu’efficace. Grâce à elle, donc grâce au ministère du prêtre, la jeunesse apprend à rester chaste, les mariages ne sont pas indéfiniment relardés jusqu'à la fin d’un célibat plus ou moins libertin, enfin, les époux respectent la sainteté du lien qui les unit. « Il ne faut jamais oublier, dit de Maistre, loc. cit., qu’il n’existe pas de véritable prêtre dont la sage et puissante influence n’ait donné peut-être cent sujets à l'État, car son action n’est jamais suspendue et sa force est sans mesure ; en sorte qu’il n’y a rien de si fécond que la stérilité du prêtre. »

4. Ce service n’est pas le seul que le prêtre rend au pays auquel il appartient. Son autorité sacerdotale, qui est si intimement liée au respect dont le célibat l’entoure, cf. de Maistre, loc. cit., il l’emploie à enseigner et à pratiquer la religion ; pauvre lui-même le plus souvent, mais n’ayant pas de souci de famille, il prend soin des pauvres et se dépense sans compter pour toutes les œuvres qui intéressent le bien religieux de son pays ; en tout cela, il contribue éminemment à la paix de l'État. Et croit-on que, sans le célibat, beaucoup de missionnaires iraient vivre au loin dans le dénuement sous des climats meurtriers ou en face de la persécution ? Pourtant, missionnaires de l'Évangile, ils le sont aussi de la gloire de leur patrie. Enfin, bien que le célibat religieux ne soit pas l’unique source du dévouement, il permet incontestablement aux personnes qui se vouent aux œuvres de charité de s’y livrer tout entières avec une vigueur d’autant plus grande qu’elles sont plus indépendantes. A ce titre, le célibat a sa grande part dans le mérite de tant d’existences de prêtres, religieux et religieuses, sacrifiées au bien du prochain, à l’intérieur du pays et à l'étranger, dans les écoles, asiles, orphelinats, etc. On peut les expulser, mais il est telles ou telles de ces missions, particulièrement ingrates, où l’on ne trouve point à les remplacer ; quant aux œuvres pour lesquelles l'État qui exile ces personnes trouve un personnel suffisant, les sommes qu’il doit inscrire au budget montrent un côté, sinon très relevé, du moins très positif, des avantages sociaux que présente le célibat ecclésiastique.

5. Après saint Jérôme, Contra Jovinianum, 1. 1. n. 36, P. L., t. xxiii, col. 259, et saint Augustin, De bono conjugali, c. ix, P. L., t. xl, col. 380, saint Thomas,