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CONTEMPLATION


fait adhérer sans raisonnement, sans aucun travail discursif, aux premières et grandes vérités de l’ordre intellectuel et moral, à cette vérité, par exemple, « que le tout est plus grand que sa partie ; » ou à cette autre vérité : « Toute faute appelle un châtiment. » Qu’une intelligence saine soit placée en face des vérités de ce genre : elle les apercevra de suite, sans travail, sans effort, sans nul circuit, dans la lumière qu’elles portant avec elles, et qu’elles répandent autour d’elles. La contemplation qui nous occupe est aussi une vue simple de la vérité, mais de la vérité surnaturelle, une intuition de la vérité excluant l’effort, la recherche, et impliquant la possession, la jouissance actuelles.

Ce n’est pas à dire, assurément, que cette possession n’ait pas été précédée d’ell’orts, qu’elle ne soit pas le couronnement du travail laborieux de la méditation. .Mais tant que l’intelligence peinait, tant qu’elle poursuivait la vérité dans la méditation, la contemplation c’était pas commencée encore. Elle ne commence que lorsque l’intelligence embrasse une vérité, même acquise péniblement, d’un regard aussi ferme, aussi calme, aussi possesseur, que si cette vérité portait avec elle son évidence intrinsèque.

Ajoutons avec saint Thomas que cette intuition de la vérité surnaturelle, qui fait l’essence de la contemplation, « se termine toujours à un mouvement affectif. » Sian. theol., IIa-IIæ, q. CLXXX, a. 1. Notre intelligence peut contempler une vérité de l’ordre naturel, un postulat de mathématique, par exemple, sans l’aimer aucunement. S’agit-il, au contraire, d’une vérité appartenant au domaine de la révélation : la contemplation de cette vérité-, dit saint Thomas, se termine toujours à l’amour. Ce serait donc, au sens du grand docteur, la tronquer que de la limiter à une opération purement intellectuelle ; elle est un exercice de nos deux grandes facultés, l’intelligence et la volonté.

Saint Bonaventure requiert, comme saint Thomas, le concours de l’intelligence et de la volonté pour la production de l’acte contemplatif : « La contemplation n’est pas exclusivement un acte de I intelligence ; elle implique aussi un sentiment savoureux de la vérité perçue. On ne regarde pas alors Dieu, ou les choses de Dieu, d’une façon quelconque, mais avec amour, avec un sentiment affectueux et plein de suavité, Tract, de seplem iiineribtu œternit., part. III. dist. III. Selon la formule an--i justi que concise de Cajétan, dans son commentaire de saint Thomas, nous dirons donc que la « contemplation est un acte de l’intelligence, mais que cet a v ;, eau-’et -on terme dans l’amour » .

2 » Les quelques données qui précèdent suffisent à montrer toute la distance qui sépare la contemplation <le la simple méditation. Elles ont beau être toutes deux une ascension de l’a me vers Dieu, avoir le même objet ndre au même but ; des difli renées essentielles empéchentqu’on ne confonde ces deux opérations, g Méditer, cV-i faire acte discursif, c’est considérer successivement la nature, les propriétés, les accidents d’un objet. Je suppose que l’objet de la méditation soi) le crucifiement deJésus on envisage alors toutes tes circonstance de

la pa ion qui sont de natuie s i noir

notre cœui el à provoquer notre amour. Dans la contemplation, au contraire, il n’est plus question de bîre discursifs l< rej ird de l’âme se flxe sur une

demeure concentré sur elle, rivi en

quelque sorte par l’admiration, De la contemplation à la méditation, il a doue toute la distance qui Bépare un

impie’l nu ai le composé.’In peul deux opérations à celles d’un peintre qui étudie le tableau d’un grand maître. Il commeno par ans

lion, par ei la propor tion d( b parti lu i du

coloris, Puis, ravi et comme suspendu par l’admiralion, il oublie tous I pour em toile

d’un seul regard et la considérer dans son ensemble harmonieux. » Card. Brancati, De oralione christiana, Venise, 1687 ; Montreuil, 1896 ; OpuscuL, III, c. IV.

Si l’on étudie la méditation et la contemplation au point de vue de leur influence respective sur la direction de notre vie, les différences entre les deux apparaissent nettement accentuées. « | Lorsque nous méditons, la beauté de Dieu et des choses spirituelles se révèle à nous comme dans une simple peinture, dans un tableau qui ne nous cause pas une émotion très forte, tandis que la contemplation nous les montre vivantes, dans une réalité et une vérité qui nous émeuvent profondément et qui appellent tout notre amour. (Méditer sur la colère divine, c’est avoir sous les yeux un lion mort : spectacle qui n’est pas fait pour inspirer beaucoup d’épouvante. Contempler la colère divine, c’est se trouver en face d’un lion vivant, et entendre avec effroi ses rugissements. Aussi l’àmc qui médite s’achemine vers la perfection d’un pas languissant ; celle qui contemple, ne marche plus, elle se sent soulevée, elle a des ailes, elle vole. » Alvarez de Paz, De inquisit. pacis, Lyon, 1617 ; Paris, 1875, 1. V, part. III, c. I.

3° Quel est l’objet de la contemplation ? Pour résoudre ce problème, il faut se souvenir du rôle de la contemplation, se rappeler qu’elle est, entre les mains de Dieu, un instrument destiné à accroître en nous la charité, et à nous imprimer un élan vigoureux vers la perfection. Il s’ensuit que la contemplation a pour objet tout ce qui peut exciter dans une âme l’amour divin, et augmenter en elle le désir de la sainteté. Les perfections divines, les mystères de la vie mortelle de Jésus, ceux de sa vie glorieuse et de sa vie eucharistique, les réalités de l’autre monde, notre misère native, notre relèvement et notre ennoblissement par la grâce : tel est le champ où la contemplation a la faculté d( se mouvoir. En résumé, son domaine a la même étendue que celui de la méditation. Tout ce qui a été inédite’peut être ensuite contemplé : l’objet reste le même ; il n’y a que le mode d’opération qui varie.

4° Il est opportun d’opposer ici quelques mots de réponse au préjugé qui considère la contemplation comme incompatible avec les devoirs de la vie apostolique, comme un objet de luxe, presque une entrave pour les âmes vouées aux travaux du /rie. S’il est quelqu’un d’intéressé à laisser se perpétuer ce préjugé, c’est le démon. Il sait, en effet, que les coups les plus rudes lui ont toujours été portés par les hommes qui savaient mener de front la vie apostolique et la vie contemplative. Il sait quel ennemi fut pour lui un saint Vincent Ferrier qui courait sur tous les chemins de l’Europe, soulevant les multitudes par sa parole, les entraînant à sa suite, et cherchant dans les joies de la contemplation lapins élevée une source toujours renouvelée il inspiration. Il sait quels adversaires redoutables lurent pour lui un saint Ignace qui brûla par humilité le manuscrit oii, après ses extases, il consignait ses révélations concernant l’essence divine ; un François-Xavier qui, pour se délasseï dications, se faisait cn i dans le clocher de Goa, et donnait plusieurs

heures tOUtei les nuits a la contemplation.

Ce préjugé que noncombattons n’est pas nouveau.

Au xvir siècle, le P. Louis Lallemanl le rencontrait

déjà sur son chemin, el il le rétutail dans un article

dont voici la conclusion : kvec la contemplation, on

fera plus ei pour soi et pour les autres en un mois,

qu’on Déferai ! sans elle en dis ans. Si l’on n’a reçu cet

lent don. il est dangereux de s’épancher trop dans

metions qui regardent li I in ne doit s’y

employer que par manière d sai, I & n’est qu’on y

fût engagé par l’obéi La doctrine ipiritu

Paris, 1094, 1892, ~" principe, c. iv.

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