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CONSTITUTION CIVILE DU CLERGE


jours ; s’ils tardent, ils seront déportés en Guyane ; s’ils rentrent, ils subiront dix années de détention ; les seconds seront également déportables s’ils sont responsables de quelques troubles, ou si tout simplement leur éloignement est demandé par six citoyens domiciliés dans le même département. A Paris et dans toute la France s’était savamment organisée, sous la direction des clubs, la cbasse aux prêtres.

3. Sous la Convention jusqu’au 2 juin H98. — Le 50 septembre, au soir de Valmy, se réunissait la Convention. La nouvelle assemblée comprenait 44 ecclésiastiques, naturellement assermentés, dont 17 évêques, mais la majorité de l’Assemblée est plus éloignée encore du catbolicisme, même constitutionnel, que la Législative. Le groupe girondin se retrouve ici avec les mêmes idées religieuses ; le groupe montagnard représente également la coalition de l’athéisme, ou, si l’on veut, de la libre-pensée et du déisme, non du déisme de oltaire, mais du déisme sentimental de.l.-.L Rousseau. Néanmoins, cette assemblée affirma dès le début sa volonté de maintenir les rapports établis par la Constituante entre l’Église et l’État, autrement dit, la constitution civile. Le 13 novembre 1792, en effet, Cambon avait annoncé à la Convention l’intention où était le comité des finances de déposer un projet de réforme générale : on supprimait le budget du culte qui « coûtait 100 millions à la République » et l’on pourrait supprimer l’impôt mobilier, l’impôt des patentes et diminuer l’impôt foncier de 40 millions. L’accueil que la Convention fit à l’idée fut tel que le projet ne fut pas déposé. Le 30 novembre, sur des observations de Danton, motivées par les craintes de certains départements au sujet de la religion, elle vota même le principe d’une adresse destinée à prouver aux citoyens « qu’elle n’avait jamais eu l’intention de les priver des ministres du culte » . Le 23 mars 1793, une loi excepta formellement les évoques, curés et vicaires de la loi du recrutement En même temps, la Convention continuait en l’aggravant la persécution des réfractaires. Trois cboses lui servirent de prétexte ou de motif : l’assassinat de Basseville, 13 janvier 1793, le soulèvement des Vendéens, en mars 1793, dont l’armée « ’appelle au début l’armée catholique romaine, et enfin les périls extérieurs, car non seulement la guerre civile ou simplement les troubles intérieurs étaient à redouter en face de l’ennemi, mais la conviction était affirmée dans tous les milieux jacobins que le plus humble des réfractaires était un redoutable auxiliaire de l’étranger. De là, les lois du 18 mars décrétant la peine de mort contre les prêtres compromis dans les troubles à l’occasion du recrutement, ou dans le cas de déportation et restés en France ; loi du 23 avril atteignant « tous les ecclésiastiques réguliers, séculiers, frères convers et lais qui n’ont pas prêté le serment de maintenir la liberté et l’égalité conformément à la loi du 15 août 1792 » , antérieurement au 23 mars et les condamnant à la déportation immédiate à la Guyane.

Cependant la Convention accentuait encore le divorce ébauché entre la Législative et l’Église constitutionnelle, non que celle-ci n’eût donné des gages de civisme : c’était sur la motion d’un évoque constitutionnel, Grégoire, qu’avait été prononcée la déchéance de la royauté en France ; le même, lorsque s’était ouverte, le 15 octobre 1792, la discussion sur la mise en accusation de Louis XVI, s’était prononcé vigoureusement pour l’affirmative, quatre autres avaient voté la mort du roi, Massieu de l’Oise, Guy-Vernon de la Haute-Vienne, Lindet de l’Eure et Huguet de la Creuse, mais il était impossible à la majorité de mentir toujours a ses principes. Entre elle, dès ses premiers jours, et l’Église constitutionnelle se dressent alors trois causes de conflit : la laïcisation de l’état civil, le divorce et surtout le mariage des prêtres. Cette affaire était une

conséquence de la constitution civile. En dehors do l’exception faite pour les protestants en 1787. l’ancien régime ne reconnaissait comme actes civils que les actes religieux accomplis devant ! e clergé catholique, qui seul pouvait ainsi les conslater. La Constituante, qui avait laïcisé’l’État ou équivalemment, eût dû logiquement séculariser [’état civil. Les parlementaires du comité ecclésiastique le lui demandaient, surtout pour le mariage, fidèles à cette doctrine des juristes gallicans que le mariage est un contrat civil. Durand-Maillane et Lanjuinais préparèrent même des rapports sur la question. Mais la Constituante refusa de l’examiner, décembre 1790, retenue par la crainte à la fois d’aller trop loin et de nuire à l’inlluence du clergé constitutionnel, seul représentant officiel du catholicisme depuis le décret du 21 novembre, et devant qui tous les catholiques devraient ainsi se présenter pour faire constater la naissance de leurs enfants ou pour contracter mariage. Or, justement les catholiques s’abstinrent de recourir aux intrus, préférant se dispenser de la reconnaissance légale. Mais au nom de la liberté de conscience proclamée, ils réclamèrent la sécularisation de l’état civil. Four le bon ordre, le corps municipal de Paris appuya leur demande auprès de l’Assemblée par la voix du maire Bailly, mai 1791. L’Assemblée, et encore fut-ce le 3 septembre seulement, se contenta d’affirmer le principe que le mariage est un contrat civil ; elle refusa d’aller plus loin. Pour les mêmes raisons, le débat recommença à la Législative dès octobre 1791 ; mais pour les mêmes causes et quelque peu entraînée parles évêques constitutionnels députés, elle fit traîner la chose. C’est seulement quand la Révolution eut moralement rompu avec l’Eglise constitutionnelle, qu’elle proclama, le 20 septembre 1792, à la veille de se séparer, la sécularisation de l’état civil et organisa la sécularisation du mariage. Elle tira même les conséquences extrêmes du mariage, simple contrat civil, en reconnaissant le divorce « avec des facilités abusives » (Rambaud), et en refusant de condamner le mariage des prêtres. Dès 1790, des prêtres demandaient et dès 1791 prenaient la liberté de se marier, tout en conservant leurs fonctions. La Convention alla naturellement plus loin. Elle préti ndit interdire aux curés constitutionnels la tenue d’un registre d’actes religieux et les obliger à donner la bénédiction nuptiale sans enquête, sans publication de bans, sans exception pour les divorcés et pour les ecclésiastiques, dont les municipalités recevaient alors en bon nombre les serments matrimoniaux. Elle ne cessait de bien accueillir à sa barre les assermentés qui venaient lui présenter leurs femmes, et loin d’empêcher de tels prêtres de demeurer en fonctions, elle prétendait les évêques tenus de leur donner l’institution canonique aux cures où ils étaient légalement élus. Un évêque constitutionnel même s’était marié et était demeuré à la tête de son diocèse : c’était l’évêque de l’Eure, Lindet ; le 20 novembre 1792, il avait épousé sa servante, et un prêtre marié, Aubert, vicaire à l’église Sainte-Marguerite de Paris, lui avait donné une bénédiction. Son métropolitain, Gratien, évêque de Rouen, s’était occupé de réunir un concile provincial pour le juger, mais les choses en restèrent là. Plusieurs évoques, on le verra, suivront cet exemple ; d’autres s’inclinant devant toutes les exigences de la Convention iront jusqu’à bénir le mariage de leurs prêtres, ainsi Diot dans la Marne et Gobel à Paris, et leur donneront l’institution canonique ; le plus grand nombre se taira, essayant de limiter le mal ; quelques-uns, comme Fauchet à la Convention, lutteront vigoureusement. Ceux-ci le comprenaient : l’Église constitutionnelle allait finir dans l’avilissement, si elle se faisait l’esclave de toutes les exigences du pouvoir ; le schisme dont elle prétendait s’être défendue jusque-là, elle le consommerait cette fois ; elle se mettrait hors clj