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BANEZ


dont nous dirons quelques mots. Il mourut à Médina del Campo, le 22 octobre 1601.

II. Œuvres théologiques. — Scholastica commentaria in 7 am partem angelici doctoris D. Tliomæ usque ad sexagesimam quartam quæstionem complectentia, in-fol., Salamanque, 1584 ; Scholastica commentaria super cseteras l x partis quæstiones, in-fol., Salamanque, 1588 ; Scholastica commentaria in Il* m 1I X quibus quæ ad fidem, spern et charilatem spectant, clarissime explicantur usque ad xlvi quæstionem, in-fol., Salamanque, 1584 ; Scholastica commentaria in II*™ II S a quæstione LYiiadixxviii de jure et justitia decisiones, in-fol., Salamanque, 1594. Ces quatre ouvrages ont été réédités en tout ou en partie : Venise, 1586 ; Lyon, 1588 ; Venise, 1595, 1602, 1604 ; Douai, 1614, 1615 ; Cologne’, 1615. Relectio de merito et augmento charitatis anno MDLXXxrx Salmanlicæ in vigilia pentecostes solemniter pronunciala, Salamanque, 1590, 1627 ; Apologia fratrum prsedicatorum in provincia Hispanise sacræ theologiæ professorum, adversus novas quasdam assertiones cujusdam doctoris Ludovici Molinæ nuncupati, Matriti, die xx novembris 1595 (Rome, Biblioth. Angelica, ms. R. 2-7) : Libellus supplex Clementi VIII oblatus, 28 octob. 1597, édité dans Tbeodorus Eleutherius (Livin de Meyer), Historia controversiarum de divinæ gratise auxiliis (1715), t. i, p. 885. Le ms. original de Banez est conservé à Rome, Bibl. Angelica, R. 2. 12, fol. 54-59. Responsio ad quinque quæstiones de efficacia divinæ gratiæ, Bibl. Angelica, ms. R. 1. 9, fol. 272 ; Respuesta contra una relacion compuesta por los padres de la compahia de Jésus de Valladolid, Médina del Campo, ultimo de julio de 1602, ms. des dominicains d’Avila. Je possède aussi une copie de cet écrit.

III. Banez et sainte Thérèse.

Deux ordres de faits ont spécialement concouru à rendre célèbre le nom de D. Banez : ses rapports avec sainte Thérèse et sa résistance aux doctrines nouvelles sur la prédestination et la grâce.

Le P. Banez fut confesseur ou directeur de sainte Thérèse depuis le commencement de la réforme du Carmel (1562) jusqu’à sa mort (1582). A en juger par les paroles de la sainte et celles de son directeur, Banez lut incontestablement le maître spirituel qui exerça l’action la plus profonde et la plus persévérante sur la grande mystique espagnole. Thérèse écrivait dans sa relation de 1575 : « Le père maître Dominique Banez, qui est actuellement régent au collège de Saint-Grégoire, à Valladolid, m’a confessée six ans, et j’ai toujours continué mes relations avec lui par lettres, chaque fois qu’il s’est présenté quelque difficulté… C’est avec lui que j’ai traité le plus longtemps et traite encore des affaires de mon âme. » Il est regrettable que presquetoute la-correspondance de la sainte et du P. Banez ait péri. On ne possède en effet que quatre lettres de Thérèse à son directeur et une de ce dernier à son illustre pénitente. Mais le nom de Banez revient fréquemment dans les lettres et les écrits de Thérèse, ainsi que chez les historiens primitifs de la sainte et de sa réforme. Aucune direction ne semble s’être mieux identifiée avec les besoins elles aspirations de Thérèse de Jésus que celle du P. Banez. Elle lui écrivait, au mois de mai 1574 : « Il ne faut point s’étonner de tout ce qu’on peut accomplir pour Dieu, quand l’affection que j’ai pour le père Dominique est capable de me faire trouver bien ce qu’il trouve bien, et vouloir ce qu’il veut. Je ne sais jusqu’où ira cet enchantement. » Banez, dans sa déposition de 1591, lors des informations préparatoires au procès de canonisation, nous a fait connaître la raison principale de l’extrême confiance de Thérèse de Jésus en sa direction ; et les déclarations réitérées de la sainte en plusieurs endroits de ses écrits, touchant les conditions requises chez un bon directeur de conscience, confirment de tout point la dé position de son ancien confesseur. « Personne, dit Banez, ne peut savoir mieux que moi les faveurs et les grâces spéciales que Notre-Seigneur a accordées à la mère Thérèse de Jésus. Je l’ai confessée nombre d’années et examinée en confession et hors de confession. J’ai fait sur son état d’importantes observations, me montrant avec elle ferme et rigoureux. Plus je l’humiliais et l’abaissais, plus elle s’attachait à prendre conseil de moi, s’estimant d’autant plus assurée qu’elle était plus déférente à son confesseur qu’elle tenait pour un homme instruit. Elle a toujours recherché le jugement des hommes les plus savants qu’elle rencontrait, spécialement dans l’ordre de Saint-Dominique. Elle me déclara, à plusieurs reprises, qu’elle se sentait l’esprit plus en repos quand elle consultait quelque grand lettré qui, sans être homme de beaucoup d’oraison etde spiritualité, était versé dans les sciences rationnelles et ecclésiastiques. Il lui semblait, en effet, que les hommes spirituels, à raison de leur bonté et de leur inclination pour les personnes qui s’occupent de spiritualité et d’oraison, sont plus faciles à tromper que ceux qui, avec une discrétion ordinaire des esprits, jugent des choses d’après la raison et la loi, véritable moyen de discerner avec sécurité les esprits. Je tiens pour certain qu’une des raisons de sa persévérance à traiter avec moi et à prendre mon conseil, fut qu’elle me voyait livré à l’étude de la théologie et des sciences rationnelles, ayant passé ma vie à enseigner et à discuter. Il y aurait sur ce chapitre tant de particularités à signaler qu’elles seraient plutôt l’objet d’un nouveau livre que celui d’une déposition. S’il en était besoin, je pourrais composer moi-même un traité qui servirait à établir combien la voie suivie par la mère Thérèse de Jésus a été une voie sûre. »

IV. Banez et les disputes sur la grâce.

La dogmatique luthéro-calvinienne produisit, par réaction, une modification doctrinale chez un certain nombre de théologiens catholiques, qui crurent pouvoir plus aisément combattre les nouvelles erreurs en se rejetant eux-mêmes à l’opposite et en abandonnant les voies frayées par saint Augustin et saint Thomas sur les questions de la prédestination et de la grâce. Ce mouvement qui eut pour premiers initiateurs Jacques Sadolet (1534), Albert Pighius et Ambroise Catharin (1541), trouva, malgré la résistance des meilleurs esprits, un certain nombre d’adhérents, et des chocs véhéments se produisirent, surtout dans la seconde moitié du xvi° siècle, entre l’école de théologie traditionnelle et la nouvelle direction.

1° Ce fut du 20 au 27 janvier 1582, à l’occasion de soutenances de thèses, que le conflit éclata à l’université de Salamanque, un des centres théologiques les plus célèbres de l’Europe. Ce premier heurt, en Espagne, est particulièrement intéressant, parce que l’on possède maintenant, depuis peu, la plus grande partie des documents originaux des procès auxquels donna lieu cette affaire (La Ciudàd de Bios, 1896), et que les doctrines soutenues par les prémolinistes s’y présentent sans détour ni atténuation.

Dans une dispute publique tenue, le 20 janvier, sous la présidence du mercédaire François Zumel, un jésuite, Prudence de Montemayor, soutint que le Christ n’était pas mort librement, et par suite n’avait pas mérité, s’il avait reçu de son Père le précepte de mourir. Banez fil une instance en demandant ce qu’il en serait au cas où le Christ aurait reçu le précepte de son Père non seulement quant à la substance de l’acte de mourir, mais encore quant aux circonstances. Prudence déclara qu’il ne resterait plus alors ni liberté ni mérite. Un des maîtres de l’université, le célèbre augustin Louis de Léon, prit fait et cause pour le soutenant ; et, la dispute s’établissant entre les maîtres présents, on souleva, tour à tour, les questions connexes de la prédestination et delà justification. Ces discussions se poursuivirent dans une seconde, puis une troisième soutenance de thèses qui