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CABALE

enfants est considéré comme un destructeur des mondes. Mais c’est surtout l’homme de bien qui est une source de bénédictions pour la terre ; et il l’est par son action morale, par la vertu : c’est ainsi qu’il détermine l’effusion des grâces qui descendent du monde supérieur. Cl. i, p. 35 a ; ii, p. 110 a ; iii, p. 646. L’efficacité du secours divin est par là subordonnée à la vertu de l’homme. Or, ce privilège d’agir sur les mondes, de faire en quelque sorte la vie de ces mondes, l’homme juste l’acquiert par l’amour de Dieu, ii, p. 216 a, par l’amour du prochain, par la vérité, par l’étude de la loi, ii, p. 161 o 6, 190 a, par la prière concentrée, il, p. 178 a, 209 b, 210 a, et la prière collective, i, p. 234 a ; ii, p. 156 a, 245 a b, et enfin par l’accomplissement des préceptes, III, p. 26 b, 27 b.

Cette influence bienfaisante peut être ralentie ou paralysée par le mal moral. Ce mal tient à la matière, c’est-à-dire à la limite des choses. Il est conscient dans l’âme humaine et par suite peut être vaincu. La descente de l’âme et son union avec le corps n’est pas considérée, à proprement parler, comme une chute, mais comme une nécessité pour vaincre l’imperfection de la matière et le principe même du mal. La liberté, la libre résistance à la matière, la libre détermination pour le bien, la vertu, constituent la raison d’être de l’univers et la noblesse de la vie humaine : elles sont le grand levier du mouvement ascensionnel de l’âme et des choses, ii, p. 114 a. L’homme, en effet, ennoblit par son triomphe tout ce qui lui est inférieur et le fait remonter vers Dieu : il entraîne dans son ascension tous les éléments de la matière et le cosmos lui-même tout entier. Comme l’homme idéal a été la Mercaba ou le char de descente de l’En Soph vers les choses, de même l’homme terrestre est la Mercaba ou le char de montée et de retour des choses vers l’En Soph. Ainsi « la vie humaine s’élargit de la vie universelle, et le but de l’univers se confond avec le but de l’homme… Tout l’être est suspendu à son être ; la destinée de toute chose est liée à sa destinée. Il dépend de lui que la nature, à jamais éloignée de sa source, travaille et se consume de désir, ou qu’elle cesse de souffrir et retrouve la tranquille plénitude de félicité, assurée dans le sein de l’En Soph » . Karppe, op. cit., p. 480. Ainsi l’homme est l’arbitre de sa propre destinée et de celle de l’univers. En réalité, ainsi que nous allons le voir, l’homme ramène tout à Dieu ; car son succès final est assuré.

3. La métempsycose. — L’homme, d’après la cabale, doit finalement retourner vers sa source et tout y ramener avec lui. Il se peut, cependant, qu’il n’arrive pas du premier coup à remplir sa destinée ; mais il lui reste un moyen infaillible de l’atteindre, celui des épreuves successives ou de la migration de son âme d’un corps à un autre. La métempsycose devient ainsi, pour chaque homme pris individuellement, la solution du problème. Mais cette métempsycose ne ressemble ni à celle qui condamnait l’âme à animer, en punition et selon la nature de ses fautes, tel ou tel corps de bête, ni surtout à celle de certains gnostiques, qui condamnait l’âme à épuiser toute la série des crimes possibles pour s’assurer infailliblement le retour au sein du plérôme. D’après le Zohar, l’âme imparfaite est condamnée à animer successivement d’autres corps humains jusqu’au moment où, par ses épreuves purificatrices, ii, p. 99 a ; iii, p. 177 a, elle aura reconquis sa perfection originale, ii, p. 94 ab, 91 a, 99 6. C’est dire que le salut, pour employer un terme de la langue chrétienne, est assuré finalement à l’homme, et c’est également affirmer le retour de tout le créé vers le créateur.

5o L’enfer. — Dans ces conditions, quel rôle le Zohar peut-il bien attribuer à l’enfer ? Il nous apprend que c’est le lieu de supplice des damnés, composé de compartiments innombrables, qui sont distribués entre les sept palais infernaux, il, p. 262 b. Il y place, entre autres, ceux qui, sans faire ni bien ni mal sur la terre, n’ont rien fait, H, p. 262 6-269 6. C’est sans doute une punition transitoire, puisque l’âme, par la métempsycose, doit sortir enfin victorieuse de son séjour terrestre et retourner à l’En Soph. Pourtant le Zohar affirme que la damnation est éternelle, il, p. 199 6 ; iii, p. 178 a. Mais ce n’est là que l’une des multiples contradictions qu’il renferme ; car, d’une part, il enseigne le contraire ailleurs, ii, p. 25 a6, 245 a, 250 a6, et, d’autre part, en affirmant le salut final de l’homme et le retour universel des êtres vers l’En Soph, il nie l’éternité des peines de l’enfer. En outre cette idée de la damnation éternelle s’oppose à l’ensemble du système, à tout ce qu’enseigne le Zohar sur le pardon, la grâce et l’amour, et ne peut être qu’un emprunt, qui ne s’explique pas, au dogme chrétien. Cela est d’autant plus vrai que le bien doit finir par triompher, que le mal et la mort doivent être vaincus un jour, i, p. 70 ; ii, p. 69 b, que Samæl et ses démons eux-mêmes, loin d’être définitivement condamnés, sont appelés à recouvrer l’innocence, i, p. 70, 146a6 ; ii, p. 69 6.

6o Le ciel. — Voilà le but final de l’homme, le terme assuré de son voyage de retour, quel qu’ait été le nombre de ses épreuves. Le Zohar décrit minutieusement l’éden, ii, p. 150 6, 231 b ; ni, p. 10 a, sa place, ii, p. 184 b, ses retranchements où les âmes prennent un avant-goùt du bonheur, i, p. 41 ; il, 245 ; iv, p. 196 b, ses palais, i, p. 41 b, 42 a ; ii, p. 246 6, ses ineffables splendeurs. Il imagine même entre le ciel et l’enfer, et ceci rappelle vaguement le purgatoire, un lieu intermédiaire où il place les hommes qui, pendant leur vie, ont eu l’intention de se repentir, mais auxquels la mort n’a pas laissé le temps de réaliser leur désir ; simple lieu de passage, du reste, car ceux qui y séjournent en sortent dès qu’ils ont confirmé leur volonté de bien faire, ii, p. 150 a6, 2Il b. Au moment de la mort, l’âme ne connaît plus ni la réflexion ni la crainte ; sans intérêt personnel, sans retour sur elle-même, elle s’élève jusqu’à Dieu par l’intuition directe, par l’amour qu’elle excite et qu’elle éprouve ; elle reçoit le baiser divin, ii, p. 97 a, s’unit à Dieu, se plonge en lui dans un bonheur ineffable. Le Pasteur fidèle, iii, p. 278 a, compare ce retour de l’âme à Dieu à l’oiseau qui rentre dans son nid. Et le corps ? Le corps doit ressusciter, d’après le Midrasch occulte, p. 126 a. Mais si une âme a successivement animé plusieurs corps ? Le Zohar répond que ces corps sans âme, qui restent pour compte, serviront d’instrument ou de « marchepied » à l’âme des justes, i, p. 131 a, 187 a.

Ainsi donc, d’après l’enseignement du Zohar, ni la matière ne peut être considérée comme un mal, ni l’existence comme une déchéance, ni la vie comme une punition. L’univers, expression de la perfection, de la sagesse et de la bonté divines, est essentiellement appelé une bénédiction ; il ne peut aboutir à l’anéantissement, mais doit faire retour à son principe par l’homme. L’homme et les anges déchus eux-mêmes sont finalement sauvés. Cette idée de restauration générale rappelle l’ἀποκατάστασις, dans laquelle s’égara le puissant génie d’Origène. Et lorsque ce retour des êtres vers leur source première et éternelle aura eu lieu, alors commencera, au ciel, le grand jubilé, le sabbat sans fin, le bonheur éternel dans le sein de Dieu. Alors, pour parler comme le Zohar, le Roi se rapprochera de la Reine, et, dans cette union conjugale, la divinité reprendra pour toujours son unité perdue. Et ainsi l’accouplement devient le terme de l’évolution divine comme il en a été le principe.

7o Le Messie. — Les cabalistes se sont bien gardés de laisser de côté la personne du Messie, car elle entretient toujours dans Israël l’espoir d’un relèvement national, sinon d une prépondérance religieuse dans le monde. Mais on est en droit de se demander quelle place et quel rôle ils ont bien pu lui assigner dans leur système. Ils en ont parlé sans dépasser les conceptions du Talmud, en rappelant les anciennes prophéties ; ils se sont con