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CABALE

nombre qui correspond à celui des Sephiroth, les anges ! remplissent auprès des diverses parties de l’univers un rùle semblable à celui que joue leur chef Métatron sur l’ensemble. Ils veillent aux mystères du ciel, i, p. 40, 41, c’est-à-dire aux mouvements harmonieux des sphères célestes, des.toiles, de la terre et de la lune. Ils président à tous les phénomènes de la nature, au feu, à la lumière, à l’air, etc. Enfin, ils s’occupent des hommes, spécialement de ceux qui se font remarquer par leur savoir ou leur sagesse ; ils personnifient les vertus, I, p. 40, 41, 55 a ; ils président à toutes les bonnes actions, aux lois relatives à la pureté, aux ablutions rituelles ; ils recueillent les prières ; ils tressent des couronnes, etc.

C’est dans le monde matériel qu’habitent les mauvais anges ou les démons. Mais pourquoi sont-ils mauvais ? Est-ce en punition d’une faute ? Le Zohar ne le dit pas. Mais il attribue leur nature à l’éloignement extrême qui les sépare de l’En Soph. Ils sont, en effet, les plus grossières et les plus imparfaites de toutes les formes, « l’écorce de l’être, » l’absence presque totale de la lumière. Ils ont un chef, Samæl, identifié avec le serpent de la Genèse et le Satan de Job, et qui a pour compagnon la grande impudique, souvent identifiée avec Lilith, et règne sur l’empire du mal et de la mort, I, 55 ; il, p. 43 a. Les démons forment aussi dix chœurs, groupés par ordre d’épaississements, d’obscurité et d’impureté croissantes. Ennemis de l’ordre, de l’harmonie, de la vie, II, p. 255 a, 259, 266 a, ils personnifient toutes les imperfections, tous les défauts, tous les vices, toutes les laideurs, toutes les formes du mal ; ils président à toutes les maladies et au trépas, ii, p. 218 b, 264 b, etc. Ils sont ainsi en opposition complète avec les dix chœurs des anges. Leurs sept derniers chœurs ont pour séjour l’enfer, divisé en d’innombrables compartiments, où ils torturent les hommes qui se sont laissé tromper par eux, chacun d’après la nature de ses fautes et le degré de sa culpabilité. Leur royaume est celui de l’obscurité, des ténèbres, et est souvent appelé le royaume du serpent primitif, de Caïn, d’Ésau et de Pharaon. Cette démonologie rappelle en particulier celle du Zend Avesta, tandis que l’angélologie mêle à des souvenirs bibliques des emprunts faits aux Chaldéens et aux Perses.

L’homme. — L’anthropologie de la cabale offre une suite d’idées, parfois très élevées, trop souvent déconcertantes, où l’on découvre, en particulier, des influences gnostiques et origéniennes. L’homme, en effet, occupe une place importante et joue un rôle exceptionnel dans le Zohar. Le dernier être dans l’œuvre de la création, il est le premier dans l’œuvre de la Mercaba, il, p. 70 b. Il représente ce qu’il y a de plus élevé parmi les êtres visibles et invisibles ; car il résume tontes les choses « d’en haut et d’en bas » , i, p. 130 b ; il renferme toutes les formes, il, p. 80 b ; iii, p. 135 a ; il couronne et achève l’univers. Correspondant à l’Adam Kadmon, dont il est la copie, II, p. 231 a, il forme un microcosme, ni, p. 135 a, 1 48 a. Image de l’En Soph, dans la totalité de ses attributs, il est « la présence de Dieu sur la terre » . Androgvne, à l’origine, il se compose d’une âme et d’un corps.

1. L’âme. — Le corps, simple vêtement de l’âme, II, p. 70 a, renferme les mystères les plus profonds ; car, par l’ensemble de ses membres, il reproduit non seulement l’image du monde planétaire ou sidéral, mais encore celle de l’Adam Kadmon, dont il a été question. Toutefois ce qui lait l’homme, c’est l’âme. Or l’âme existe avant le corps, il, p. 61 b ; 96 b ; (die a un sexe : elle est du genre masculin, si elle provient de la colonne de grâce ou de droite, c’est-à-dire des Sephiroth mâles, et du genre féminin, si elle procède de la colonne de justice OU de gauche, c’est-à-dire des Sephiroth femelles, iii, p. 43 b. Avant de venir animer un corps, les âmes vivent deux a deux, en syzygies, par l’union d’une âme mâle avec une âme femelle ; mais au moment où elles viennent animer un corps, le couple se sépare : l’âme mâle anime un corps d’homme ; l’âme femelle, un corps de femme.

Unie au corps, l’âme n’est pas un principe simple ; elle comprend trois éléments : le souffle ou néfés, l’esprit ou rûali et l’ârne proprement dite ou neëâmdh, m, p. 141 b ; trois termes employés pour désigner tantôt la même essence, tantôt trois facultés distinctes. Le souffle est l’âme sensible, en relation avec le corps et présidant à la vie animale ; l’esprit est le siège des instincts, du bien et du mal ; et l’âme proprement dite est la raison, la pensée, l’intelligence. Chacun de ces éléments a une origine, une nature, une fonction et des destinées ultra-terrestres différentes. L’âme rationnelle provient de la Sagesse ; l’âme morale, de la Beauté ; l’âme sensible, de la Royauté. Par cette dernière l’homme appartient au monde de la matière ; par la seconde, au monde de l’organisation ; par la première, au monde de la création, selon ces mots d’Isaïe : In gloriam meam creavi eum, formavi eum, et feci eum. Is., xliii, 7. Pendant le sommeil, ces trois âmes quittent le corps, et le corps continue à vivre grâce à un principe de vie spécial qui a son siège dans le cœur. Pendant la prière, l’âme sensible lait appel à l’âme morale, qui se tourne vers l’âme rationnelle, laquelle paraît seule devant Dieu, ii, p. 101 b ; ni, p. 104 b, 176 b. Après la mort, l’âme sensible reste sur la terre ; l’âme morale se revêt dans l’éden d’une espèce d’enveloppe matérielle ; l’âme rationnelle remonte vers le lieu de son origine. Du repos et de la félicité de celle-ci dépend la paix des deux autres ; et ce n’est qu’au moment où l’âme rationnelle se réunit à son auteur que s’apaisent les agitations des deux premières. Mais leur union dépend de la conduite de l’homme, i, p. 97 b ; H, p. 82 a, 99 b. L’âme rationnelle perdue en Dieu continue à veiller sur l’âme morale, et celle-ci sur l’âme sensible. Par là la vie divine passe de l’âme rationnelle aux deux autres, et de ces dernières aux choses. Ainsi la vie parait moins l’union de l’âme avec le corps que l’élévation, l’ennoblissement du corps par l’âme, qu’une sorte de réconciliation des degrés inférieurs avec les degrés supérieurs. Cf. Karppe, op. cit., p. 460-463.

Les âmes, désappareillées au moment où elles sont venues animer un corps, doivent se retrouver. Et elles se retrouvent effectivement sur la terre quand l’union matrimoniale réalise les desseins de Dieu et répond aux véritables lois de l’amour. Mais lorsque le mariage terrestre n’a pas réuni les deux âmes qui vivaient ensemble auparavant, I, p. 91 b, 207 b, ou quand il n’y a pas eu de mariage ici-bas, ce qui est le cas des enfants et des célibataires, elles doivent après la mort se mettre à la recherche de leur compagne et peuvent être aidées soit par une âme plus vaillante ou déjà parvenue à la félicité, soit par Dieu lui-même, ii, p. 94, 113 ; III, p. 213 a. En tout cas, elles se retrouveront dans le sein de l’En Soph.

2. Rôle de l’homme sur la terre. — Dieu, les Sephiroth et l’univers constituant un vaste ensemble, il y a entre le monde supérieur et le monde inférieur étroite dépendance, relation intime, action et réaction continues de l’un sur l’autre, I, p. 38 b, 70 b. Et, chose très singulière, une fois que cet ensemble est réalisé, la mise en branle de l’En Soph et du monde idéal dépend de la volonté de l’homme. Car l’homme tient au ciel par son âme, à la terre par son corps, il résume et centralise tout, il est le point de rencontre de l’idéal et du réel, le carrefour des routes ou le passage des courants qui descendent du ciel ou remontent de la terre : il est le grand dispensateur, l, p. 99 a ; ni, p. I 14 a. Il a pour grand devoir la procréation. Aussi plus il appelle d’êtres humains à la vie, plus il assure l’épanchement des bienfaits divins. Celui qui ne donne pas naissance à des