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BUSENBAUM — BUY, BIIUIS


retentissante à un petit livre, qui a été honoré et vilipendé comme peu d’autres le furentjamais.il s’agit de la Medulla tlteologise moralis facili ac perspicua methodo résolvons casus conscientiæ ex veris probatisque authoribus concinnata, pœnitentibus œque ac confessariis utilis, in-12, Munster, 1645 ou 1650. Comme l’indique le titre, ce n’est pas un cours théorique de théologie morale, mais une œuvre de pratique, un recueil des cas usuels, avec leurs solutions hrièvement déduites d’un exposé sommaire des principes et du sentiment des principaux moralistes. La clarté et la précision de ce manuel de casuistique lui valurent une vogue immense. Il eut, du vivant même de l’auteur, 40 éditions où rivalisèrent les villes les plus considérables, telles que Cologne, Francfort, Lyon, Rome, Venise. En 1670, la 45e édition parut à Lisbonne, et l’on en compte encore au moins 150 autres, de 1670 à 1770. Ce qui est également glorieux pour la Medulla, c’est d’avoir eu des commentateurs tels que le P. Claude Lacroix (voir ce nom), saint Alphonse de Liguori (voir t. I, col. 912) et le P. Dallerini (voir col. 131). Pascal n’a pas nommé Busenbaum, dans ses Provinciales, qui commencèrent à paraître en 1658. Le parlement de Paris, en 1757 et en 1762, et d’autres parlements français après lui, ont condamné le livre du jésuite allemand, comme contenant une doctrine attentatoire à l’autorité et à la sûreté des rois. La proposition que visent ces arrêts est la suivante : Ad defensionem vitse et integritatis menibrorum, licet eliam fitio et religioso et subdito se tucri, si opus sit, cum occisione, contra ipsum parente » ), abbatem, principe iii, nisi forte propter mortem hujus secutura essent nimis magna incommoda, ut bella. L. III, tr. IV, c. i, dub. m. Disons en passant que les auteurs de pamphlets, anciens ou modernes, en citant cette proposition, omettent souvent la limitation de la fin, nisi forte…, qui n’est pourtant pas sans importance. Avec ou sans restriction, la proposition a été soutenue longtemps avant Buse.nbaum par des théologiens très estimés, tels que saint Anlonin, Cerson, les dominicains Sylvestre de Prieras et Dominique Soto, et beaucoup d’autres. D. Soto assure que c’est l’opinion de saint Thomas ; le docteur angélique dit au moins qu’on peut essayer de se soustraire, même par la force, à une condamnation à mort, prononcée contre les règles de la justice : Et Ideo, sicut licet résistera latronibus, ita licet resislere in tali casu malis principibus ; nisi forte propter scandalum vitandum, cum ex hoc aliqua gravis turbalio timeretur. Sum. t/tcol., II a II æ, q. LXix, a. 4. Le rigoriste Concina défend encore la même proposition en 1751, sans la restriction de Busenbaum. Disons cependant qu’elle a été officiellement désavouée par la Compagnie de Jésus presque aussitôt qu’elle eut paru dans le livre de Busenbaum. Voici ce qu’on lit à ce sujet dans la Réponse au livre intitulé.-Extraits des assertions, suite de la IIIe partie, in-4°, Paris, 1765, t. IV, p. lxii : « Lorsqu’on eut imprimé cet ouvrage (la Medulla de Busenbaum) à Lyon en 1668, les jésuites de France y remarquèrent la fameuse proposition sur la défense de soi-même, dont leurs ennemis ont fait tant de bruit depuis huit ans. Ils tinrent l’innée suivante une congrégation provinciale à Paris ; il y fut résolu qu’on demanderoit au P. général que cette proposition fut retranchée du livre de Busenbaum. La demande étoit conçue en ces termes : Postulat Provincia Irancix ut deleatur quani primum in Medulla tlieologiæ moralis Patris Busenbaum de novo excusa Lugduni anno IG68, quod ait, 1. III, tr. IV, c. I, de liomicidio, dub.iu, licere ad defensionem vitæ se tueri cum occisione contra ipsum parentem, abbatem, principem. Le registre où cette demande est consignée était à la maison professe de Paris ; les évoques nommés par le roi pour examiner l’Institut, l’ont vu. Le général Paul Oliva qui avait déjà prévenu le Poslulatum des jésuites de France, leur fit la réponse suivante le

H janvier 1670 : Ea de re jam alias moniti, statim autori scripsimus quinta augusti 1602, et décima seplima niartii 1603, ut locum annotatum corrigeret. Sed morte præventus facere non potuit. Nobis intérim insciis ejus librum minime cor rectum bibliopolse Lugdunenses impressere. Curavimus ut in exemplaribus, qum ex nova Ma editione supersunl, prædicla proposilio tollatur, novo folio impresso et substituto. Idem in Germanium scripsimus, quod Pai’isiis quoque fieri oporlebit, si liber Me rursus istic imprimatur. Il ne fut pas aisé d’engager les libraires à mettre des cartons dans les éditions antérieures à cette réponse… Mais si eette proposition se trouve encore dans quelques éditions postérieures, ce n’est pas aux jésuites qu’il faut s’en prendre, .. Au reste les éditions où la proposition ne se trouve pas, sont en grand nombre : on a sous les yeux six éditions de Lyon faites en 1671, 1672, 1676, 1682, 1686, 1690, une de Venise de 1679, deux de Padoue de 1708 et de 1713, où elle ne se rencontre plus. » Les persécutions que la Compagnie de Jésus avait eu à souifrir en France à cause des doctrines qu’on lui prêtait concernant le tyrannicide, justifient amplement l’action des jésuites français et du P. général Oliva ; la proposition n’en reste pas moins ce qu’elle était avant ce désaveu, peut-être inopportune, peut-être singulière pour les cas qu’elle suppose et qu’on pouvait passer sous silence, susceptible de mauvaise interprétation, etc., mais, enfin, vraie et juste en elle-même, au sentiment de plusieurs moralistes éminents. Elle n’a, d’ailleurs, jamais été censurée par le saint-siège. « Nous n’y trouvons, dit M. le curé Fritz, dans son article du Kirchenlexikon, t. il, col. 1554, pas plus que Riffel, Aufhebung des Jesui ténor dens, Mayence, 1815, p. 303, rien de dangereux en soi, mais simplement l’application d’un principe général à un cas particulier. D’après le droit naturel, il est permis à chacun d’employer la force pour écarter et rendre impuissant l’injuste agresseur ; et s’il est nécessaire pour sauver sa vie de tuer l’agresseur, cet homicide n’est point coupable… Quand Busenbaum maintient cette conclusion de droit naturel, il a pour lui presque tous les moralistes, par exemple saint Thomas, Sum. theol., Ia-IIæ, q. xxix, lxiv, a. 7. » Les autres accusations portées par les jansénistes et les rigoristes et qu’on répète encore de nos jours contre la Medulla, sont celles mêmes qu’on élève, soit contre le probabilisine, soit contre la morale de saint Alphonse de Liguori, soit contre la morale catholique en général : il n’y a pas lieu de les examiner ici. Il faut ajouter seulement que Busenbaum, qui écrivait avant les décrets d’Alexandre VII et d’Innocent XI contre la « morale relâchée » , avait laissé passer comme acceptables, sur l’autorité de leurs auteurs, un très petit nombre de solutions qui ont été atteintes par les censures papales. Dans les éditions postérieures à ces décrets, les propositions condamnées sont indiquées en appendice ou dans le texte même du volume.

De Backer et Sommervogel, Bibliothèque de la C" de Jésus, t. ii, col. 444-455 ; Hurler, Nomenclator, t. ii, col. 259-200 ; Kirchenlexikon, t. ii, col. 1553-1555 ; Réponse au livre int. Extraits des assertions, loc. cit., et p. 386 sq. ; Acceptation du défi hazardé par l’auteur d’un libelle intitulé : Réplique aux apologies des jésuites, in-12, Avignon, 1762, p. 78 sq.

Jos. Brucker.

BUY, BHUIS, ou BUHY Félix, carme, né à Lyon vers 1637. Son père était un riche négociant. Il entra tout jeune au couvent des carmes de Chalon-sur-Saône. A vingt-deux ans, ayant terminé ses cours de philosophie et de théologie, il soutenait ses thèses publiques sur la théologie tout entière, aux applaudissements de tous ses auditeurs. Plus tard il conquit le grade de docteur à l’Académie de Valence en Dauphiné. Il vint alors à Paris et, désireux de devenir docteur en Sorbonne, il se présenta pour être admis au cours pré-