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BAIUS


de ses liens par les disciples. « Donc, tant que nous sommes en cette vie, Dieu nous délivre par lui-même des œuvres du péché, et par le ministère des prêtres il nous délivre aussi de la dette qui s’attache au péché. » Tel est le passage, d’où les propositions 56e, 57e et 58° ont été tirées.

On le voit, Baius laisse complètement de côté un élément quia pourtant son importance quand il s’agit d’établir la nature de l’efficacité sacramentelle et de l’absolution sacerdotale en particulier ; c’est le reatus culpæ, appelé aussi en théologie péché habituel, et se rattachant soit par définition, soit par voie déconnexion nécessaire, à la privation de la grâce sanctifiante, principe intérieur de justice et de sainteté surnaturelle. Le chancelier a beau dire, dans son apologie, qu’il n’a pas nié cet élément du péché ; il reste vrai que, de son propre aveu, il l’a omis sciemment et volontairement. Cette omission, jointe à la façon dont il explique la justice et la justification, rendait suspecte la doctrine exprimée dans le chapitre îv sur l’état de péché et sur la nature de la régénération baptismale ou de l’absolution sacerdotale. C’est la moindre note qu’on puisse donner aux propositions 56e, 57e et 58 e. Notre-Seigneur ne s’est pas contenté de dire à ses apôtres : Remettez la dette du péché ; il a dit simplement : Remettez les péchés, Quorum remiseritis peccala. Joa., xx, 23. « La merveille n’est pas que le Christ vivifie, dit saint Jean Chrysostome, mais qu’il ait communiqué aux autres le pouvoir de produire le même effet. » Homil., vi, in Il Cor., P. G., t. lxi, col. 40l). Les sacrements justifient le pécheur, et la justification, nous l’avons déjà vii, ne consiste pas dans une rémission quelconque des péchés, mais dans une rémission accompagnée d’une sanctification et d’une rénovation intérieure ; il y a donc, dans l’action sacramentelle et le ministère du prêtre, beaucoup plus qu’une simple remise de la dette due au péché. Corps de doctrine, c. x, Baiana, p. 175 ; Bellarmin, Refit talio Baii, fol. 186 sq. ; S. Thomas, Sum. theol., III » Hupplem., q. xviii, a. 1.

45. Sacrificium missae non Le sacrifice de la messe

alia ratione est sacrificium, n’est sacrifice que dans le sens

quam generali illa, qua omne général où le sont toutes les

opus bonum, quod fit, ut sancta actions que l’homme fait pour

societate Deo homo inhæreat. établir entre lui et Dieu une

De sacrificio, c. II, v, VI ; sainte union. Baiana, p. 104, 143.

Prise sans correctif, cette proposition est hérétique. En effet, la loi catholique nous enseigne qu’il y a, dans la loi nouvelle, un vrai et unique sacrifice, où Jésus-Christ est offert sur l’autel d’une manière non sanglante par le ministère exclusif des prêtres. Concile de Trente, sess. XXII, c. isq., can. 1 sq. ; Denzinger, Enchiridion, n. 816 sq., 825 sq. Il est donc impossible d’assimiler le sacrifice de la messe avec tout autre rite ou toute autre action susceptible de recevoir, dans un sens plus ou moins large, l’appellation de sacrifice. Baius, du reste, n’en disconvient pas ; mais il se plaint amèrement qu’on fasse de lui un hérétique en lui attribuant faussement l’erreur énoncée dans la proposition 45 e. Ainsi la question doctrinale se transforme en une question de fait. Comme la controverse se rattache finalement à l’opuscule De sacrificio publié en 1563, il est nécessaire d’indiquer les grandes lignes de ce traité. Baius veut montrer que la messe est un sacrifice. Au chapitre il, il définit le sacrifice : ’< tout acte fait pour s’unir à Dieu par une sainte société, c’est-à-dire rapporté à la fin sans laquelle nous ne pourrions être heureux, » définition empruntée à saint Augustin, De civitate Dei, 1. X, c. VI, P. L., t. xii, col. 283. Parmi les actions appelées sacrifices, il faut en distinguer de deux sortes. Il y a d’abord celles nui, de leur nature et indépendamment de tout rapport de signification à quelque autre objet, sont agréables à Dieu, par exemple l’obéissance héroïque du Christ, la contrition, l’offrande de soi-même et autres actes sem blables, où Raius voit des sacrifices proprement dits, proprie sacri/icia, comme on peut s’en convaincre en lisant le chapitre v. Viennent ensuite les actions typiques, qui ne sont.agréables à Dieu et ne sont sacrifices qu’en vertu d’un rapport de signification à quelque autre objet où se vérifie la première notion : tels tous ces rites lévitiques de l’ancienne loi qui figuraient les sacrifices demandés par Dieu aux fils de la nouvelle alliance, et plus spécialement le futur sacrifice de la croix. C. m. Comparés entre eux, les sacrifices du premier et du second genre ont de multiples différences : ceux du premier sont toujours agréables, peuvent être offerts par tous les hommes et n’ont de valeur qu’autant qu’on les offre avec une vraie foi, une bonne conscience et une intention pure ; ceux du second genre, au contraire, sont soumis à la loi du changement, ne peuvent être ollerts que par des prèlres et sont indépendants du mérite ou du démérite de ceux qui les offrent. C. iv. La messe rentre dans les sacrifices typiques, car elle représente la mort de Jésus-Christ comme passée et révélée au monde, mort que les sacrifices de l’Ancien Testament annonçaient comme future et voilée. C. v. Les autres sacrements ont également un caractère typique et sont, eux aussi, des sacrifices ; mais la célébration de l’eucharistie mérite ce nom d’une façon particulière et à plusieurs titres, surtout parce qu’elle contient la sainte victime offerte sur la croix, et que, dans son eflet, elle ressemble pleinement au sacrifice du calvaire. C. vi. Enfin, le côté significatif du sacrifice eucharistique se tire de l’espèce extérieure du sacrement, et de l’action extérieure qui s’opère autour de lui ; l’espèce du pain nous représente Jésus-Christ comme le pain de vie et comme notre nourriture ; la fraction de |a sainte espèce nous représente l’immolation de Jésus-Christ sur la croix. C. vu. Le reste du traité est sans importance pour la controverse dont nous nous occupons.

Il n’est pas difficile de comprendre ce qui a fait extraire de cette doctrine la proposition 45^. Quand Baius divise les sacrifices en deux grandes catégories, ceux qui sont absolus et ceux qui sont typiques ou relatifs, il suppose que tous sont des sacrifices proprement dits. Par conséquent, toutes les différences qu’il énumère en comparant la messe avec les autres sacrifices soit absolus soitrelatifs, tendentuniquementà la distinguercomme tel sacrifice de tel autre sacrifice, plus ou moins excellent ; mais la note de sacrifice proprement dit étant commune, c’est d’ailleurs qu’elle doit venir. Quelle est-elle enfin, cette note essentielle qui fait que la messe est un sacrifice proprement dit, et qui fait aussi que la contrition ou l’obéissance est un sacrifice proprement dit, dans l’opinion de Baius ? Celle-là même et celle-là seule qui est contenue dans sa définition générique du sacrifice : omne opus quod agitur ut sancta societate inhæreatur Deo. On arrive ainsi logiquement à la proposition 45 e. Mais, fasciné par la phrase de saint Augustin et voulant absolument y voir ce que ce docteur n’avait pas prétendu y mettre, c’est-à-dire la définition de ce qui est sacrifice au sens propre par opposition à ce qu’on appelle sacrifice dans un sens large et métaphorique, le chancelier ne parvint jamais à saisir le point précis de son erreur. A la fin de 1568, à l’occasion d’un exercice académique auquel il avait présidé, la controverse recommença ; il y eut échange de lettres entre lui et deux de ses principaux adversaires, Cunerus Pétri et Josse de Ravestein. Voir, dans l’édition complète de ses œuvres, Micliælis Baii collatio cum Judoco Ravestyn et Cunero Pétri de sacrificio missse, p. 168 sq.En vain les deux théologiens lui rappelèrent-ils que le sacrifice eucharistique devait consister dans l’oblation du corps et du sang de Jésus-Christ ; Raius ne parut pas comprendre la portée de cette assertion, et insista de nouveau sur ce qui distinguait à ses yeux le sacrifice eucharistique des autres sacrifices. De là ses plaintes dans les deux apologies de