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BULGARIE

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principauté indépendante quittaient en foule cette terre tombée entre les mains des chrétiens pour se réfugier sur le territoire du padischah, et là, ils rendaient au centuple aux malheureux Bulgares les avanies et les spolations qu’ils croyaient avoir souffertes de la part de leurs compatriotes.

Voyant son activité presque liée en Turquie, ne pouvant rien pour ses prêtres et impuissant à adoucir l’infortune de son peuple, l’exarque Joseph s’occupa de réparer dans la Roumélie orientale les ruines qu’avait accumulées la guerre et à parer à tous les besoins qu’avait créés une situation nouvelle. Il organisa l’Église en cette province sur les bases d’un règlement organique, améliora la position du clergé et s’eiïorça de la rendre compatible avec les conditions politiques de cette contrée, qui voulait à tout prix opérer son union avec la Bulgarie. Le 10, 22 février 1879 se réunit à Tirnovo la première assemblée des notables bulgares. Ce fut M3 r Anthime, le premier exarque, qui présida la commission chargée d’élaborer la constitution, de même que ce fut lui qui présida la séance dans laquelle Alexandre de Battemberg fut élu prince de Bulgarie sous le nom d’Alexandre I er, 29 avril 1879. Le clergé bulgare, dont les hauts représentants siégeaient de droit à la Chambre, pouvait s’attendre à ce que ses patriotiques services lui méritassent quelque faveur signalée ; il n’en fut rien. Loin de rencontrer auprès de l’autorité civile l’appui qu’il escomptait, il se heurta à toutes sortes de difficultés de la part du gouvernement. Celui-ci ne manquait pas une occasion de s’immiscer dans les allaires de l’Église, s’efforçait de lui donner une direction contraire à ses lois, ne voulait insérer dans la constitution aucune clause de faveur pour la religion orthodoxe, et surtout veillait à ce que l’exarque ne s’établit ni à Solia, ni à Philippopoli, de peur que la liberté des ministres fût entravée par sa présence. Un premier conflit éclata dès 1879. Le gouvernement aurait désiré que l’exarque s’entendit avec la Porte au sujet des droits que possédaient les métropolites de Samokof et de lvustendil sur les portions de leurs diocèses rendues à la Turquie par le traité de Berlin. Mo r Joseph, trouvant la question inopportune, refusa de s’en occuper. De là, une inimitié chaque jour croissante et qui linit par se traduire, du côté du gouvernement, par toute une série de mesures contre le haut clergé. Le traitement des évêques fut réduit par la Chambre des députés ; au lieu de 200000’francs, l’exarque n’en reçut plus que 5C000, qui, en fait, se bornèrent à 30000. En même temps, étaient introduites dans le règlement organique de telles modifications que le haut clergé protesta. Alors le ministre Zankof, sans demander la moindre approbation à personne, élabora des règles provisoires et pria tous les évêques de les mettre à exécution, jusqu’à ce qu’un accord fût établi entre eux et le gouvernement. Cette prétention ridicule se heurta contre un relus énergique et la crise religieuse, ouverte par cet abus de pouvoir, ne se lerma qu’en 1883, où Stoïlof, sous le ministère conservateur Sobolet, permit de promulguer un nouveau règlement organique.

Le 18 septembre 1885, la Roumélie orientale annonçait son union avec la principauté de Bulgarie et le 20, dans une proclamation datée de Tirnovo, Alexandre I er prenait le titre de prince de la Bulgarie du Nord et du Sud. Cette révolution, prévue depuis longtemps et accomplie d’une manière toute pacifique, semblait, en apportant 35000 kilomètres carrés de plus à la Bulgarie, rompre en sa faveur l’équilibre des principautés balkaniques. La Serbie déclara la guerre à la Bulgarie le 14 novembre 1885 ; elle fut battue et le traité de paix, signé à Bucarest, 3 mars 1886, laissa la Boumélie orientale aux Bulgares, mais sans leur accorder aucune indemnité de guerre. Cet acte d’émancipation des Bulgares leur valut l’hostilité du tsar Alexandre III. La Russie, qui aurait voulu tenir en tutelle sa jeune sœur slave le plus longtemps possible, avait rappelé immédiatement ses officiers et c’est avec sa complicité tacite, sinon avouée, que, dans la nuit du 20 au 21 août 1886, une conspiration militaire éclatait à Sofia et forçait le prince Alexandre I er à abdiquer. Rappelé quelques jours après par les vœux unanimes de la nation, Alexandre I er dut renoncer définitivement au trône le 7 septembre de la même année, pour ne pas envenimer inutilement les rapports déjà fort tendus entre la Bulgarie et la Russie. Une régence, composée de ses amis et dans laquelle le rude Stamboulof jouait le premier rôle, prit en main les affaires de l’État ; elle parvint à réprimer le mouvement russophile, suscité par le clergé et qui emportait la Bulgarie loin de ses destinées, et, après des péripéties inouïes, elle fit élire par le Sobranié, le 7 juillet 1887, Ferdinand de Saxe-Cobourg comme prince de la Bulgarie. Celui-ci eut le courage, malgré les difficultés de la situation intérieure et l’opposition de l’Europe, d’accepter le titre qui lui était offert et il prit possession du trône princier le 14 août 1887. Stamboulof eut la présidence du ministère et il la garda jusqu’au mois de mai 1894. Ce fut une terrible dictature, dirigée surtout contre le haut clergé qui, par l’intermédiaire de Ma 1’Clément, métropolite de Tirnovo, avait travaillé au renversement d’Alexandre I er et qui aujourd’hui prêchait l’insubordination contre le nouveau prince et contre ses ministres. Plusieurs évêques, Clément à leur tête, refusaient de nommer Ferdinand I er dans les prières publiques, sous prétexte qu’il était catholique ; ils furent l’objet de mesures de rigueur et le chef des rebelles, Ma 1’Clément, fut destitué, 1887, et interné dans un couvent. En janvier 1889, les métropolites de Vratsa, Tirnovo et Varna réunirent le synode à Sofia, après s’être abstenus à leur arrivée de saluer le prince et ses ministres ; ils furent expulsés de vive force durant la nuit et le saint-synode resta suppriméjusqu’en 1894. L’exarque ayant encouragé sous main cette résistance du clergé, Stamboulof songea un moment à destituer tous les prélats récalcitrants et à séparer les évêques restés fidèles au prince de l’exarchat de Constantinople. Mais où cette opposition se fit jour, ce fut surtout à l’occasion du mariage du prince. Bien que, d’après l’article 38 de la constitution, le prince dût appartenir à la religion orthodoxe, Ferdinand était resté catholique. Fiancé à Marie-Louise de Bourbon, duchesse de Parme, il désirait que ses enfants fussent élevés dans la religion catholique. Stamboulof se chargea, malgré les intrigues de la Russie, d’obtenir des Bulgares ce sacrifice, qui leur paraissait impossible ; la revision de la constitution fut votée à la presque unanimité par le Sobranié, décembre 1892, puis par la grande Assemblée nationale, 27 mai 1893. Le 20 avril 1893, le mariage du prince était bénit à Villa Pianore, en Italie, par l’archevêque de Lucques, et Ferdinand I er exprimait dans un télégramme au pape Léon XIII toute sa joie de fonder en Bulgarie une dynastie catholique. Le 30 janvier 1894 naissait le prince Boris, qui recevait le baptême, le 4 février suivant, des mains de Ms r Menini, archevêque catholique de Philippo"poli. Des protestations s’élevèrent contre la conduite du prince et des ministres, soit de la part de l’exarque, soit de la part des métropolites. Stamboulof n’en eut cure ; il fit même, en février et mars 189 i, traduire devant le tribunal et condamner à trois ans de prison Ma r Clément pour ses intempérances de langage contre le prince.

La démission du terrible ministre, 30 mai 1891, permit à l’Église bulgare orthodoxe de respirer plus librement. Aux premiers jours de juillet 1895, nous trouvons Ma r Clément en Russie, à la tête d’une députation bulgare, et conjurant le tsar Nicolas II de « pardonner à la principauté l’ingrate conduite qu’elle avait tenue vis-à-vis de ses libérateurs » . Ce pardon fut accordé bénévolement, au prix d’une apostasie. Le 2/14 février 1896, Ferdinand,