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BULGARIE

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gare du peuple, des tsars et des saints bulgares, recueillie et mise en ordre par Païsii, hiéromoine du mont Athos, circulait parmi les religieux et les personnes instruites, et en dépit, peut-être même en raison des enfantillages et du chauvinisme naïf qui l’animent, elle contribuai ! puissamment à la régénération intellectuelle et morale des Bulgares. Un même ardent patriotisme, une même haine profonde pour les Grecs phanariotes circulaient à travers les pages de ses continuateurs ; puis, l’évêque Sophroni, le premier qui, à la fin du XVIIIe siècle, eût osé prêcher en bulgare, écrivait ses Mémoires, 1806, et complétait ainsi l’œuvre de Paisii. L’un avait essayé de faire revivre les gloires du passé, l’autre avait dépeint les -anglantes misères du présent ; tous deux, en définitive, avaient aidé par des moyens différents à réveiller la conscience nationale. Voir dans L. Léger, La Bulgarie, in-12, Paris, 1885, p. 81-141, la traduction française des Mémoires de Sophroni.

Cette conscienee nationale fut enfin tirée de sa torpeur dans les cinquante premières années du xixe siècle, grâce aux efforts généreux et incessants de fougueux patriotes comme Berovitch, qui inventa l’alphabet bulgare, comme Veneline, Aprilof, Palauzof et tant d’autres, qui « rappelèrent au monde, suivant la touchante épitaphe de l’un d’eux, une nation oubliée, autrefois glorieuse et puissante, et dont ils avaient ardemment souhaité la résurrection » . La renaissance littéraire germa de leurs nombreux travaux, ne tardant pas à produire la renaissance religieuse et politique. En janvier 1835, la ville de Gabrovo voyait se fonder, malgré l’opposition du métropolite Hilarion, la première école bulgare d’enseignement secondaire, et l’un de ses premiers maîtres, le moine Néophyte, écrivait dans la préface de sa grammaire ce que répètent de nos jours les instituteurs bulgares, qu’il fallait ouvrir des écoles avant de bâtir des couvents, et composer des manuels de littérature avant d’enseigner le catéchisme. Dans l’espace de six années, on vit s’ouvrir treize collèges ou lycées. Dix ans après l’ouverture de l’école de Gabrovo, on n’en comptait pas moins de cinquante-trois. En même temps, des imprimeries bulgares étaient établies à Thessalonique, 1839, à Smyrne, 1840, à Constantinople, 1843, pendant que continuaient à fonctionner toutes celles qui se trouvaient à l’étranger. Le nombre des lecteurs croissait en raison même de l’abondance des instituts pédagogiques ; certaines publications, vers 1840, ne comptaient pas moins de deux mille souscripteurs. « Ainsi, dit .lirecek, Geschichte der Bulgaren, p. 543, la régénération du peuple bulgare s’était accomplie dans l’espace d’une vie humaine. La rapidité de cette métamorphose est vraiment admirable. Au commencement du xix u siècle, on pouvait encore se demander si les Bulgares se relèveraient ; quarante ans après, il y avait partout des patriotes : négociants, instituteurs, ecclésiastiques. Des écoles nationales se fondaient dans toutes les villes, les livres bulgares se répandaient à des milliers d’exemplaires, même parmi la population rurale. Ce n’était point par la force des armes, ni par l’effusion du sang, mais par l’action pacifique du livre et de l’instituteur que s’était accomplie cette révolution capitale. » Le mouvement national avait déjà pris une telle force qu’on ne pouvait plus l’arrêter. C’est ce qu’on peut constater dès cette époque, c’est surtout ce que l’on verra au paragraphe suivant dans la lutte suprême que les Bulgares engagèrent, à partir de 1800, contre les phanariotes.

La suppression du patriarcat gréco-bulgare d’Ochrida en 1767 n’entraîna pas celle des diocèses qui lui étaient, subordonnés. Dans le bérat d’investiture que reçoit de la Sublime Porte le patriarche de Constantinople, ces éparchies étaient toujours signalées à part comme relevant d’Ochrida et elles le sont encore de nos jours. Une seule différence s’était introduite : le patriarche œcuménique avait substitué sa juridiction à celle du patriarche d’Ochrida et il était reconnu, à sa place, comme le vrai métropolitain. Dans le scliemalismus que publia en 1855 la Grande-Église, on compte encore dix métropoles qui relevaient de l’ancien patriarcat d’Ochrida, à savoir : Castoria, Stroumnitza, Belgrade ou Bérat, Grévéna, Mogléna, Dibra, Vélès, Vodéna, Corytza et Phanariopharsale. Voir Rhallis et Potlis. £jvta-)’na t « v 6e ; wv xai Eepwv y.avôvtov, t. v, p. 520. L’attribution de Pharsale est étonnante, car ce diocèse n’avait jamais appartenu à Ochrida ; quant aux autres sièges suflragants d’Ochrida qui manquent dans cette liste, comme : Pélagonia, Prespa, Sisanion, Gkora et Dyrrachium, ils lui avaient été arrachés pour obtenir un rang plus élevé.

X. Le confi.it gréco-bulgare. Création de l’exarchat, 1860-1872. — La lutte, entreprise par les Bulgares sur le terrain de l’enseignement, devait se continuer sur le terrain religieux pour aboutir enfin à l’émancipation politique, A ce point de vue, le conflit qu’on est convenu d’appeler gréco-bulgare se présente comme l’un des plus grands événements historiques du XIXe siècle, puisque, avec la résurrection d’un peuple, il amena l’effondrement d’une vieille société comme le patriarcat œcuménique. Certes ! comme l’a fort bien dit un fin connaisseur : « les documents ne manqueront pas à l’historien futur de cette émancipation religieuse : documents en turc et en français, pièces en grec et en bulgare, papiers officiels et feuilles privées, imprimés et manuscrits, lirmans, iradés, bouyouroullis, takrirs, masbatas, notes, mémoires, protestations, sommations, manifestes, encycliques, sentences patriarcales et synodales, actes conciliaires, pamphlets, » etc., Échos d’Orient, 1899, t. ii, p. 276, mais, Dieu merci, la connaissance de tous ces documents n’est pas indispensable pour se faire une idée fort juste de cette querelle, qui dura douze ans a l’état aigu et n’est pas encore terminée. Le prétexte invoqué par les Bulgares pour commencer ce conflit fut l’application du fameux hatti-humayoum, 18 février 1856, qui, tout en accordant la liberté religieuse aux raïas, supprimait en principe les revenus ecclésiastiques. Aussitôt, les plaintes des communautés bulgares affluèrent a la Sublime Porte contre leurs chefs religieux. Elles furent si vives et si nombreuses que le gouvernement turc réclama la réunion d’une assemblée nationale, composée de Grecs et de Bulgares, 1858, de façon à comprendre parmi ses membres le patriarche, 7 évêques et 38 délégués, dont 28 des provinces. Les Grecs manœuvrèrent si bien dans les élections préparatoires, qu’ils obtinrent tous les mandats, à l’exception de quatre échus aux Bulgares, et sur ces quatre délégués un seul put assister à la réunion et présenter devant tous les doléances fort légitimes de sa nation. Le coup de maître que les phanariotes s’imaginaient avoir frappé dans la séance de clôture, 16 février 1860, en repoussant, sans même les discuter, les revendications des Bulgares, allait leur retomber sur la nuque et les frapper d’autant plus fort que les rancunes de leurs adversaires étaient plus invétérées. Aussitôt des cris de malédiction s’élevèrent de tout le territoire bulgare, pendant que les protestations et les plaintes contre la cupidité et l’immoralité du clergé grec se faisaient jour dans les journaux et les brochures distribués gratuitement. Sur plusieurs points de l’empire turc, les évêques grecs furent expulsés et remplacés par des administrateurs provisoires, pendant que les But-ares de la capitale obtenaient, dans le quartier de Galata, l’église de Saint-Etienne pour accomplir les cérémonies sacrées en langue slavonne. Ce n’était pas assez. Le 3 avril 1860, le jour de Pâques, Hilarion, évoque titulaire de Macariopolis, célébrait la messe pontificalement dans cette même église et cessait, aux applaudissements de la foule, la commémoraison canonique du patriarche. Cet exemple, tombé de si haut, trouva de nombreux imitateurs ; on remplaçait parfois le nom du patriarche grec par celui du sultan, tandis