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BULGARIE
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était venu à Byzance en juin 1110 et avait obtenu do l’empereur la confirmation des droits qui étaient mentionnés dans les chrysobulles de Justinien. Matthieu consacra ensuite les métropolites de Sofia et de Viddin et, malgré les protestations du patriarche byzantin, le successeur anonyme de Matthieu maintint les privilèges de son Église. C. Jirecek dans la Byzant. Zeitschrift, t. xiii (19(H), p. 198. Nous savons qu’en 1456 son archevêque Dorothée fut prié par le prince de Moldavie de pourvoir à la vacance du siège métropolitain de sa principauté. Glasnik, t. vii, p. 177. Cette demande et la réponse favorable de Dorothée sont des preuves irrécusables que la juridiction d’Ochrida s’étendait alors sur cette contrée, ainsi que, du reste, sur la province de Houngro-Valachie. Il est difficile de préciser en quoi consislait cette suprématie religieuse, qui paraît s’être maintenue sur le futur royaume de Roumanie, au moins jusqu’aux premières années du XVIIIe siècle, en dehors de la nomination du métropolite, dont l’histoire nous présente plusieurs autres cas, et de l’influence liturgique qui s’est fait sentir presque jusqu’à nos jours. Sous le patriarcat de Prochore, 1523-1549, se passe un fait étrange, qui nous a été révélé par une pièce récemment publiée et une autre encore inédite, et qui projette un jour nouveau sur l’histoire agitée de cette Église. En dehors de la Moldo-Valachie, le titulaire d’Ochrida étendait autrefois sa juridiction sur les diocèses de langue et de nationalité serbes. Or, ces Slaves, frères aînés des Bulgares, parvinrent au xiii c siècle, avec l’aide intéressée des Byzantins, à détacher plusieurs éparchies d’Ochrida pour en constituer le patriarcat national d’Ipek. Cette Église serbe survécut à la dynastie qui l’avait créée, mais lorsque, en 1459, Sémendria, le dernier boulevard de l’indépendance nationale, tomba au pouvoir des Turcs, Mahomet II résolut d’enlever aux vaincus la dernière parcelle d’autonomie en incorporant leur Église à l’archevêché gréco-bulgare d’Ochrida. Durant cette période de 98 ans, 1459-1557, les titulaires d’Ochrida s’intitulent : « archevêques de Justiniana prima, de tous les Bulgares, des Serbes et des autres. » Il en tut ainsi jusqu’en 1557, où Macaire Sokolovich, frère du grand-vizir renégat Mehmed, obtint qu’on relevât en sa faveur le patriarcat serbe d’Ipek, qui subsista jusqu’en 1766. Ce rétablissement d’Ipek rétrécit considérablement le territoire d’Ochrida ; par là elle perdit non seulement tous les anciens évêchés qui avaient dépendu d’Ipek, mais encore Viddin, Sofia, Samokof, Kustendil, Schtip, Kratovo et Uskub. Voir Archiv fur slavisdie Philologie, t. ix, x, xxv (1903), p. 468-473. Tout cela était connu depuis longtemps, mais ce qui l’est beaucoup moins, c’est que, même avant l’heureuse entreprise de Macaire Sokolovich, les Serbes avaient essayé de reconstituer le patriarcat national et qu’ils y avaient un moment réussi. Voici le fait. L’archevêque Prochore d’Ochrida, élu en 1523, se rendit en Palestine pour accomplir le pèlerinage des Lieux saints, laissant la garde de son éparchie au diacre Paul. Ce voyage s’accomplit entre les années 1523 et 1530. Le diacre Paul parait avoir eu des difficultés avec le gouvernement turc au sujet de la perception des impôts ; il se rendit donc à Constantinople pour s’entendre avec le grand-vizir Ibrahim pacha, renégat grec, qui était son proche parent. Ou ne sait pas au juste ce qui se passa dans cet entretien, toujours est-il que Paul revint de Stamboul avec l’autorisation du grand-vizir de restaurer le patriarcat d’Ipek et d’en être le premier titulaire. Cette nouvelle création de l’Eglise serbe s’était faite, bien entendu, aux dépens de l’Église bulgare d’Ochrida. L’archevêque Prochore en fut informé en Palestine ; il se hâta, comme bien on pense, de terminer ses dévotions et d’accourir à la capitale réclamer son bien. Sur son avis, le patriarche œcuménique, Jérémie I er, réunit son synode, qui déposa Paul, l’excommunia lui et tous ses successeurs, et replaça l’archevêché d’Ipek sous la juridiction d’Ochrida, septembre 1530. Papadopoulos Kerarneus a publié l’acte de Jérémie I er dans les Vyzantiskij Vremennik, 1896, t. iii, p. 119 sq. L’intrus s’est-ii soumis à cette décision ? C’est peu probable. Il a dû rester en possession du siège d’Ipek jusqu’à la mort violente de son parent, le grand-vizir Ibrahim pacha, 1534, et alors Ipek aura été supprimé pour être de nouveau rétabli en 1557.
J’ai puisé ces renseignements à la pièce publiée par M. Papadopoulos Kerarneus et déjà éditée en 1876 par Pavlov dans le Tchtéma vo imperators Rom, etc., Moscou, 1876, fasc. 4, et surtout à une lettre encore inédite, que Denys, métropolite de Castoria en Macédoine, adressait sur cette affaire, le 12 novembre 1716, au patriarche de Jérusalem, lettre qui m’a été obligeamment communiquée par le R. P. Petit. Le métropolite Denys avait parcouru tout le dossier de cette affaire, qui malheureusement ne nous est parvenu qu’en partie.
Ces bons archevêques d’Ochrida étaient tiraillés sans cesse entre les Turcs, qui grevaient leurs finances d’impôts lourds et tracassiers, et leurs ouailles qui refusaient de se laisser tondre sans mordre la main de leurs pasteurs. A présenter trop haut ou trop fort leurs récriminations contre des abus aussi monstrueux, ils risquaient beaucoup de perdre leur place ou leur tête, comme Dorothée en 1466, Balamos, décapité vers 1600, et Mélèce en 1644, sur l’ordre du grand-vizir. La situation pourtant était encore tolérable aux xv « et xvi c siècles et durant la première moitié du xvii e. Choisis presque toujours parmi les membres des familles indigènes, les pasteurs d’Ochrida ne se heurtaient pas à une opposition irréductible de la part de leurs subordonnés. Quand le malaise se faisait par trop sentir dans leurs finances, ils prenaient le chemin de la Russie, comme Gabriel en 1586, Nectaire en 1601, Denys vers 1660, etc., et ces bonnes âmes slaves, touchées des souffrances de leurs frères dans l’orthodoxie, s’empressaient de vider leurs économies dans l’escarcelle des augustes voyageurs. Parfois même ceux-ci, pour ne pas tirer continuellement sur leurs propres troupes, prenaient le chemin de l’Occident. Ils se disaient alors catholiques, comme Porphyre vers 1600, Athanase en 1606, Abraham en 1629, Mélèce vers 1640, L. Allatius, De consensu utriusque Ecclesisc, p. 1092, bien que leur catholicisme de commande se bornât d’ordinaire à mendier des aumônes auprès de la cour romaine et à lui adresser de chauds remerciements, après les avoir reçues.
Du jour où l’élément slave et indigène se vit opprimé par l’élément grec et phanariote, commença pour cette Église la plus sombre existence. Une lecture même rapide des actes synodaux que vient de publier M. Gelzer suffit à nous donner une idée adéquate, et bien triste, hélas ! des embarras multiples que rencontraient les patriarches d’Ochrida. A partir de la seconde moitié du xviie siècle, le changement continuel des titulaires apparaît comme la suite naturelle d’intrigues fort peu édifiantes, qui se déroulaient entre les divers solliciteurs. De 1650 à 1700, on ne compte pas moins de 19 démissions forcées ou dépositions de patriarches — chiffre relativement peu élevé en comparaison de l’Église du Phanar qui en vit à la même époque jusqu’à 34. Jetons un regard sur les pièces officielles récemment éditées, elles nous diront, avec leur sèche éloquence, de combien de tristesses et d’ignominies furent tissés les derniers jours de ce malheureux patriarcat. Germain monte sur le siège d’Ochrida le 8 mai 1688 et déjà, le 8 août 1691, le synode reconnaît en le déposant qu’il a été négligent à payer le tribut au gouvernement impérial, qu’il a fait des dépenses inutiles et mis l’Église dans la situation la plus délicate vis-à-vis du pouvoir civil. Grégoire, métropolite de Néai Patrai, lui succède et, au mois d’août 1693, il confesse son indignité, offre