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BULGARIE

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lYpiscopat bulgare la réponse du pape à leurs diverses lettres. Caloïan était reconnu roi de Valachie et de Bulgarie, à condition de faire entre les mains du cardinal Léon serment d’obéissance et de dévouement à l’Église romaine ; quant à Basile de Tirnovo, le pape l’établissait primat de toute l’Église bulgare, lui concédait le privilège, à lui et à ses successeurs, d’oindre et de couronner les tsars de Bulgarie, de consacrer le saint chrême, de porter le pallium à certains jours de fête, de conlirmer l’élection des évêques et des métropolitains, etc. ; bref, il lui accordait, à lui et aux autres patriarches de Tirnovo, les pouvoirs les plus étendus, en les plaçant à la tête d’une Église vraiment autonome et autocéphale, quoique soumise au saint-siège. Theiner, op. cit., t. i, p. 23, 25, 30 ; Hurmuzaki, op. cit., t. I, p. 17-21, 31. Dans une lettre postérieure de Basile à Innocent III, nous sommes informés de l’arrivée à Tirnovo du cardinal Léon, le 15 octobre 1204, de la consécration patriarcale à lui conférée le 7 novembre suivant, du sacre impérial de Caloïan, le 8 novembre, et de l’heureuse issue de toute la négociation. Theiner, op. cit., t. I, p. 39 ; Hurmuzaki, op. cit., t. I, p. 48-49. Malgré les difficultés qui surgirent l’année suivante entre le tsar bulgare, les Hongrois et l’empire latin de Constantinople, nous ne voyons pas que les relations de Caloïan et du pape aient perdu leur caractère allectueux. Même après la défaite des Latins et regorgement de leur empereur, Baudouin I er, ordonné par le tsar, 1205, Innocent III continua de correspondre avec Caloïan, et c’est en fils dévoué à saint Pierre que périt assassiné devant Thessalonique le farouche conquérant, automne 1207. Theiner, op. cit., 1. 1, p. 39, 42, 44 ; Hurmuzaki, op. cit., t. I, p. 48, 51-53, 54-56.

Des sentiments religieux de Boril, neveu de Caloïan et usurpateur du trône, 1207-1218, nous ne connaissons à peu près rien. Nous savons seulement qu’il tint à Tirnovo, le Il février 1211, un grand concile qui condamna les sectes pauliciennes et bogomiles. La chronique d’Albéric des Trois-Fontaines assure aussi qu’Innocent III lui envoya un cardinal et il est sûr par ailleurs que Boril réclama le secours du pape, à la mort de son parent, Henry, empereur latin de Constantinople. C’est sur ces deux faits certains que s’appuient des historiens modernes, pour affirmer que le concile de Tirnovo de 12Il fut tenu à la demande du pape et que Boril était, comme son oncle, en communion, avec le saintsiège. G. Markovich, Gli Slari ed ipapi, t. il, p. 561.

L’union paraît encore s’être maintenue dans les premières années de règne du tsar Jean Assen II, fils de Jean Assen I er, qui régna de 1218 à 1241 et porta la gloire et la prospérité de la Bulgarie à son apogée. Tant que ce prince évolua dans la politique franque et hongroise, ses bons rapports avec la cour romaine ne se démentirent pas un instant ; il n’en lut plus ainsi du jour où il se mit à rechercher l’alliance byzantine. A la mort de l’empereur latin Bobert de Courtenay, 1228, la noblesse franque réclama Assen II comme tuteur du jeune empereur Baudouin II et administrateur de l’empire. La proposition fut écartée, grâce surtout au clergé latin, dont l’influence amena l’élection du vieux roi de Jérusalem, Jean de Brienne. Assen II ne devait jamais pardonner cet allront. Aussi, lorsqu’il eut détait l’empereur grec d’Épire, Théodore Comnène, à Klokotinitsa, en 1230, et qu’il se fut annexé ses États, il mit l’cvêque grec de Philippes, Grégoire, sur le siège patriarcal de tirnovo et relâcha les liens qui l’unissaient â l’Église catholique. Deux ans plus tard, la rupture entre Latins et Bulgares était complète. Le 21 mars 1232, Grégoire IX se plaignait dans ses lettres, Farlati-Coleti, Illyricum sacrum, t. viii, p. 247 ; Theiner, Monumenta Instar. Hungarorum, i. I, p. 103 ; Hurmuzaki, op. cit., 1. 1, p. 103, que les évêques bulgares de Branichevo et de Belgrade eussent abandonné le parti de l’union. En 1234, Baudouin II épousait Marie, fille de Jean de Brienne, pendant que Assen II fiançait sa fille Hélène, promise autrefois à Baudouin, à Théodore Lascaris, fils de l’empereur grec deNicée, et concluait avec celui-ci une alliance oll’ensive et défensive pour l’extermination des Francs. Les hostilités s’ouvrirent l’année suivante par la prise de Gallipoli sur les Latins. En 1235, à Lampsaque, sur la côte asiatique de la Marmara, le patriarche grec de Nicée, Germain II, assisté’de Joachim, archevêque de Tirnovo, célébrait le mariage de Théodore Lascaris et d’Hélène, puis, en présence d’un grand nombre d’évêques grecs et bulgares, il proclamait l’indépendance de l’Église de Tirnovo et reconnaissait Joachim patriarche de Bulgarie. Devant cette défection et devant les préparatifs énormes que faisaient Assen II et Vatatzès pour reprendre Constantinople sur les croisés, Grégoire IX somma le roi de Hongrie, Bêla IV, de prendre les armes contre les deux princes hérétiques et schismatiques et de sauver, par une heureuse diversion, l’empire latin menacé, 16 décembre 1235. Theiner, Monumenta historiée Hungaroruni, t. I, p. 140 ; Hurmuzaki, op. cit., t. I, p. 139. Le 24 mai 1236, après deux tentatives inutiles des Grecs et des Bulgares sur Constantinople, le pape priait deux évêques hongrois d’excommunier solennellement Assen II, s’il n’abandonnait pas son alliance avec Vatatzès. Theiner, op. cit., t. I, p. 144 ; Hurmuzaki, op. cit., t. I, p. 142. Est-ce crainte de Bêla IV et de l’excommunication papale, ou peur de faire le jeu de Vatatzès en agrandissant sans mesure ses États ? Toujours est-il que, à partir de ce moment, le tsar bulgare se brouille avec le basileus et, sous un vain prétexte, reprend hypocritement sa fille ; après quoi il réclame au pape un légat pour s’entendre avec lui et se réconcilier avec les Latins. Trop crédule, le pape envoie l’évêque de Pérouse, Salvo de Salvis, porteur de deux lettres pour le roi, datées des 21 mai et 1 er juin 1237, Theiner, op. cit., t. i, p. 155. 156 ; Potthast, Begesta ponlificum, t. I, p. 880, 882, n. 10368, 10388, et d’une troisième destinée aux évêques et au clergé de la Bulgarie. Theiner, op. cit., t. i, p. 155 ; Potthast, op. cit., t. I, n. 10389 ; Hurmuzaki, op. cit., t. I, p. 157.

L’issue de cette mission reste ignorée ; il est certain pourtant qu’Assen II changea encore d’avis et que, le 27 janvier 1238, Grégoire IX faisait prêcher en Hongrie la croisade contre « le perfide, qui n’avait pas voulu taire partie des brebis de Pierre et avait reçu des hérétiques dans son royaume » . Theiner, op. cit., t. î, p. 161. Et lorsque Bêla IV fut sur le point de marcher contre la Bulgarie, avec l’intention évidente de la conquérir et de la garder, le pape ordonna des prières publiques pour le succès de ses armes et promit de prendre, durant son absence, son royaume sous la protection du saint-siège. Theiner, op. cit., t. I, p. 159-161, 165-167, 170, 174 ; Hurmuzaki, op. cit., t. i, p. 166-169, 174-178. Assen II, voyant la mauvaise tournure que prenaient pour lui les événements, joua encore de ruse et s’entendit avec les Francs contre Vatatzès. C’en fut assez pour que Grégoire IX, l’ennemi irréconciliable des Grecs, passât l’éponge sur tous les mélaits du tsar bulgare et donnât contre-ordre à la croisade hongroise. Du -reste, cette alliance des croisés et des Bulgares n’eut qu’une durée éphémère. Au siège de Tchourlou, 1239, Assen II apprit tout à coup que sa femme, son fils et le patriarche Joachim étaient morts de la peste à Tirnovo ; croyant à une vengeance du ciel, qui le punissait ainsi d’avoir violé sa parole et ravi sa fille Hélène à son mari, il abandonna les Latins, se réconcilia avec Vatatzès, rendit Hélène à Théodore Lascaris et épousa lui-même une princesse grecque. Il mourut en juin 1241, laissant le souvenir d’un prince glorieux, valeureux sur les champs de bataille, ami des lettres et des arts, et aussi — convient-il d’ajouter — d’un homme infidèle à presque tous ses engagements. C. Jirecek, Geschichte der Bulgaren, p. 260-262.