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BULGARIE

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en 880, le pape écrivait à Basile : « Je vous rends de nombreuses actions de grâces de ce que, par amour pour nous et comme le demandait la justice, vous nous avez permis de posséder le diocèse des Bulgares. » Epist., ccxLvi, ». L., t. cxxv, col. 909. De l’ait, à partir de ce moment, la Bulgarie cesse de figurer sur les listes épiscopales du patriarcat byzantin. 11. Gelz.er, Georgii Cyprii descriplio orbis romani, Leipzig, 1890, p. 57 sq. Cependant, si toute difficulté était levée du cûté de Constantinople, il n’en était pas de même du côté de la Bulgarie. Boris ne comprit pas ou feignit de ne pas comprendre le nouvel accord survenu entre Borne et Constantinople et il garda le clergé grec jusqu’à plus ample information.

Vers la même époque, le royaume voisin de Moravie vit se terminer une lutte engagée depuis une vingtaine d’années entre les Allemands et les Slaves, lutte qui devait exercer une influence décisive sur l’avenir religieux de la Bulgarie. On sait, sans doute, que les deux h’èresCyrille et Méthode avaient introduit en Moravie, avec la foi en Jésus-Christ, l’alphabet slave et la liturgie slavonne. Approuvées par le pape Adrien II en 867, ces innovations liturgiques des deux frères recevaient en 873, de la part de Jean VIII, un blâme officiel. Méthode était prié, sous menace des peines canoniques, de célébrer la messe seulement en grec ou en latin. P. L., t. cxxvi, col. 850 ; Jaffé-Ewald, Regesta ponti/icum, n. 2978. Comme le missionnaire byzantin ne semble avoir tenu aucun compte de cet avertissement, le pape réitéra sa défense en 879, lui enjoignant, en outre, de se rendre à Borne. P. L., t. cxxvi, col. 850. Méthode obéit et Jean VIII fut si satisfait des explications données de vive voix qu’il autorisa, non seulement « la prédication ou certaines prières en langue slave, mais encore tous les offices, les heures, les leçons, la messe, les formes les plus intimes et les plus sacrées de la liturgie chrétienne » . P. L., t. cxxvi, col. 906. Moins de six années après cette lettre de Jean VIII à Swatopluk, prince de Moravie, le pape Etienne V prenait des décisions diamétralement opposées, proscrivait la liturgie slavonne et ramenait les Moraves à un latinisme rigoureux. Wattenbach, Beitràge zur Gesckichte der christlichen Kirche in Môhren und Bôhmen, Vienne, 1849, p. 47 sq. ; Ginzel, Gesckichte der Slavenapostel Cyrill und Method, p. 66-67. Pour ce faire, il s’appuyait sur la lettre de Jean VIII à Swatopluk, dont nous avons cité un fragment et qui fixe précisément le contraire. Comment expliquer cette anomalie ? C’est que l’évoque allemand Wiching, l’associé de Méthode, avait, durant cet intervalle, tronqué et falsifié la lettre de Jean VIII, trompé ainsi Etienne V et servi les intérêts de sa patrie et de sa liturgie latine, sans négliger les siens propres. Voir J. Martinov, Saint Méthode, apôtre des Slaves, dans la Revue des questions historiques, t. xxviii, p. 369397 ; A. Lapùtre, Le pope Jean V11I, p. 91-170. Swatopluk abusé reconnut en 886 Wiching comme le successeur de saint Méthode, mort l’année précédente, pendant que les vrais disciples du saint, sous la conduite de Gorazd, Nahum, Clément, Sabbas et Angelar, quittaient la terre inhospitalière de Moravie pour se réfugier en Bulgarie. Le roi Boris les y reçut à bras ouverts. De 870 à 886, son royaume avait été évangélisé par des missionnaires grecs ; le souverain bulgare profila de l’occasion pour confier son peuple en majorité slave à un clergé slave. Il donna le litre d’archevêque de Bulgarie à Gorazd, le chef de la mission, Du Cange, Familial byzanlinx augustes, p. 174, et, à la morl de celui-ci, ce fut Clément qui hérita du titre. Vi/a S. démentis, c. xiii, /’. (.’., t. cxxvi, col. 1218. Feu à peu, grâce à la politique sage et prudente de Uoris et de son lils Syméon, grâce surtoul à leur esprit de prosélytisme, les nombreux disciples des saints Cyrille et Méthode avaient propagé par toute la Bulgarie I œuvre et les traditions de leurs maîtres ; ils y avaient surtout acclimaté la liturgie slavonne qui, de là, allait se répandre chez tous les peuples slaves.

Pourtant, les hésitations de la part des Bulgares entre les sièges de Borne et de Constantinople n’étaient pas encore terminées. Syméon, 893-927, continua sur ce point la politique indécise de son père Boris, et si, par deux fois, il prit Andrinople, si, par cinq fois, il ravagea la plaine de Thrace, assiégea Constantinople et força même le basileus Bomain Lécapène à se présenter en suppliant devant lui, 924, ce fut moins pour se donner la vaine complaisance d’humilier les Byzantins, que pour les lorcer à lui reconnaître, à lui le titre de tsar ou d’empereur, et à son Église bulgare le titre de patriarcat indépendant.

IV. Vicissitudes du premier patriarcat bulgare, 924-1019. —

Que Syméon eût, à ce moment, obtenu de Borne le litre d’empereur pour lui et celui de patriarche pour le chef de son Église, c’est ce qu’affirme le roi bulgare Caloïan dans une lettre adressée au pape Innocent III, en 1202, J. Assémani, Calendaria Ecclesifc universse, Borne, 1755, t. iii, p. 154-157 ; t. v, p. 171-174 ; Theiner, Monumenta historiée Slavorum meridionalium, t. I, p. 15, 20, et ce que confirment les témoignages des chroniqueurs byzantins, unanimes à donner à Syméon, durant la campagne militaire de 924, le titre de basileus ou d’autocrator. Or, suivant les idées politiques et théologiques alors en cours à Byzance et dans la Bulgarie, il ne pouvait y avoir de vrai basileus sans la bénédiction d’un patriarche. Et comme nous savons pertinemment que la cour de Constantinople refusa jusqu’en 945, A. Rambaud, L’empire’vec au xe siècle, p. 340-343, aux souverains bulgares le litre de basileus, Syméon qui le portait en 924 avait dû le recevoir auparavant du pape avec la bénédiction patriarcale. Son fils, le tsar Pierre, 927-969, hérita de cette couronne impériale, qui lui fut apportée en 928 par une légation romaine. Farlati, lllyricum sacrum, t. iii, p. 103 ; Lettres de Caloïan à Innocent III en 1202 et 1204, dans J. Assemani, loc. cit. Malgré son mariage avec la petite-fille de Bomain Lécapène et les relations de plus en plus étroites qui s’établirent entre la famille impériale de Pereiaslavets et celle de Byzance, le tsar Pierre resta attaché à la politique romaine jusqu’en l’année 945. A cette époque, pour des motifs restés encore mystérieux, la cour de Byzance reconnut le souverain bulgare pour basileus et l’archevêque de l’Eglise bulgare, Damien, pour patriarche. Cette reconnaissance, qui tenait tant au cœur des Bulgares, enlraina-t-elle la rupture des relations qu’ils avaient nouées avec Borne et l’Eglise d’Occident ? Nous ne le pensons pas, surtout si l’on veut bien tenir compte de celait que, depuis la chute définitive de Photius, en 887, jusqu’à la révolte de Michel Cérulaire, en 1054, sans être toujours bien chaudes, les marques de sympathie et les attestations de parfaite orthodoxie religieuse ne cessèrent presque pas d’exister entre l’Église de Borne et celle de Constantinople.

L’âge d’or du royaume et de l’Église bulgares, atteint sous le tsar Syméon, tut suivi d’une prompte décadence sous son lils, le tsar Pierre, 927-969, prince faible, inféodé à la politique byzantine. Muni d’un traité de paix à longue échéance avec les Grecs, Pierre négligea d’entretenir son armée, oubliant qu’une nation jeune et entreprenante comme la sienne avait besoin, pour ne pas mourir, d’être tenue sans cesse en éveil. Aussi qu’arrivat-il ? C’est que les boyars, incapables de repos, fomentèrent de constantes révoltes et que les forces vies de l’empire s’épuisèrent en querelles intestines. Bien plus, leboyar Chichman de Tirnovo réussit, en 963, à conquérir son indépendance et à détacher, à son profil, toute la Bulgarie occidentale, comprise entre le Rhodope el l’Adriatique, pour en former un second royaume bulgare. Ce que voyant, les Byzantins, qui jusque-là payaient