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BULGARIE

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provinces par des barbares païens, qui ne souffraient aucune immixtion de l’étranger ? Mieux valait garder le silence, en attendant que l’heure de la providence sonnât et que les farouches descendants d’Asparouch se fissent les humbles disciples de Jésus-Christ.

Sur la question de l’Illyricum, voir L. Duchesne, L’Illyricum ecclésiastique, dans la Byzantinische Zeitschrift, t. i (1892), p. 531-550 ; la réponse de Th. Mommssen, dans Neues Archiv der Gesellschaft fur altère deutsche Geschichte, t. xix (1894) ! p. 4It3-’135, et la réplique de Duchesne dans les Églises séparées, in-12, Paris, 1896, p. 229-279. Voir aussi G. Jirecek, Das christliche Elément in der topographischen Nomenclatur der Balkanlànder, dans les Sitzungsbericlite der liais. Akademie der Wissenscliaften in Wien, t. cxxxvi ; tirage à part, in-8°, Vienne, 1897.

II. Invasion des Bulgares ; leur conversion, 865.

— Dès le ve et le VIe siècle de notre ère, et surtout dans la première moitié du viie, une puissante tribu, d’origine turque, d’après les uns, finnoise, d’après les autres, la tribu des Bulgares, occupait le pays compris entre le Don et la Volga. A la mort de son chef Koubrat ou Kourt, sous Constantin Pogonat, 668-685, la nation se fractionna en cinq groupes principaux, commandés chacun par l’un des (ils du défunt. Deux de ces hordes restèrent dans leur pays d’origine avec les deux aines et fondèrent, entre la Volga et la Kama, un vaste royaume, connu au moyen âge sous le nom de Grande-Bulgarie ou de Bulgarie-Noire. Ces Bulgares embrassèrent l’islamisme vers 922 ; leur empire fut détruit au XIIIe siècle par les Tatares. Deux autres tribus, commandées par les deux plus jeunes fils de Koubrat, s’établirent, l’une dans la Hongrie, l’autre dans l’Italie méridionale ; la cinquième, enfin, sous les ordres d’Asparouch, se dirigea vers les embouchures du Danube, occupa la Bessarabie et, de là, fit des incursions en Mésieeten Thrace, 66’J. Vers la fin du vu » siècle, ce dernier groupe de Bulgares avait ravi à l’empire byzantin la Dobroùdja moderne, sur la rive droite du Danube, puis envahi toute la région littorale jusqu’au Balkan. Pour conserver la Thrace et leurs possessions de Macédoine, les Grecs conclurent un traité avec eux et, moyennant un tribut annuel assez élevé, ils vécurent en bons termes avec leurs voisins. Mais, comme les nouveaux venus étaient et sont encore éminemment positifs, dès que le remboursement de l’impôt se faisait par trop attendre, les hostilités recommençaient. C’est ainsi que tout le vme siècle et les vingt premières années du ixe furent remplies de luttes sanglantes, tantôt au profit des Bulgares et tantôt à leur défaveur, mais qui se terminèrent par la défaite et l’humiliation des Byzantins. En 811, le basileus grec Nicéphore était vaincu et tué par Kroum et son crâne évidé servait de coupe royale aux orgies de son adversaire ; en 813, le farouche conquérant s’avançait jusque sous les murs de Constantinople et là, devant la Porte Dorée, au grand scandale des dévots byzantins, il immolait à ses dieux des victimes humaines.

Peu à peu, par suite de nouvelles victoires sur les Grecs ou grâce à leur esprit de prosélytisme, les Bulgares, dont le nombre était plutôt restreint, attirèrent à eux et réunirent sous leur domination toutes les tribus slaves, qui firent dorénavant cause commune avec eux. Ainsi, en 811, les grands de la nation slave buvaient, à la suite de Kroum, dans le crâne de l’empereur Nicéphore ; ainsi encore, dès cette époque, le roi bulgare s’intitule prince des Slaves et des Bulgares. Il se produisit donc alors, dans la péninsule balkanique, le même phénomène que l’on avait constaté en Gaule aux v° et VIe siècles. Les Bulgares de Kroum et de ses successeurs y jouèrent le même rôle que les Francs de Clovis et de ses héritiers dans notre pays. Au contact des vaincus, supérieurs en nombre et en civilisation, les vainqueurs perdirent leur nationalité, leur idiome et leur religion, mais, en retour, ils donnèrent leur nom

— et pour toujours — à l’amalgame ethnographique. Les successeurs immédiats de Kroum se désistèrent de sa politique aggressive à l’endroit des Grecs et tournèrent plutôt leurs ellbrts du côté des Francs et des Serbes. Boris, qui monta sur le trône vers 852, reprit la lutte contre Byzance, tout en continuant à guerroyer contre les Francs, les Serbes et les Croates. Déjà maître de la Boumanie actuelle et de la Transylvanie, il put encore s’emparer, d’un côté, du pays s’étendant jusqu’à l’Ibar, et de l’autre, de la Macédoine septentrionale y compris Ochrida, ainsi que d’une portion du littoral de la mer Noire, au sud des Balkans.

L’unité politique de la péninsule s’était faite sous le drapeau bulgare, elle allait être consacrée par l’unité religieuse. Avant la conversion et le baptême de Boris, que l’on peut comparer au baptême de Clovis à Beims, nous n’avons que peu de renseignements sur la diffusion du christianisme chez les Bulgares. Il est probable toutefois, malgré le silence de l’histoire, que le voisinage des Grecs, des Francs, des Serbes et des Slaves, presque tous chrétiens, ne fut pas sans exercer une salutaire inlluence sur l’esprit grossier de ces barbares. En 777, un de leurs rois, Cérig ou Télérig, s’enfuyait à Byzance, y recevait le baptême et le titre de patrice. Dans la Mésie inférieure, la Dobroùdja moderne, premier séjour des Bulgares sur la rive droite du Danube, ceux-ci rencontrèrent des églises et des prêtres, grecs ou slaves. Les campagnes heureuses de Kroum furent suivies d’ordinaire, de transplantations de captifs, qui amenèrent dans le royaume une foule de prisonniers chrétiens, grecs, slaves ou valaques, évêques, prêtres ou simples fidèles, mais tous ardents propagateurs de l’Évangile. A’ainement le roi Omortag, pour parer au danger qui menaçait le culte national, mettait à mort, vers l’an 818, l’évêque d’Andrinople avec trois autres prélats et 374 chrétiens, la religion du Christ s’infiltrait insensiblement, même parmi la dynastie d’Asparouch, puisque, au dire de Théophylacte d’Ochrida, le roi Malomir, prédécesseur de Boris, aurait embrassé la foi de Jésus-Christ.

Cependant, si glorieuses que fussent ces conquêtes, elles n’auraient pas réussi probablement à entamer la nation, si un prince valeureux n’avait lui-même donné l’exemple, en entraînant à sa suite les adorateurs des faux dieux. A vrai dire, nous sommes encore assez mal fixés sur les causes qui déterminèrent une démarche aussi hardie et poussèrent le roi Boris à recevoir le baptême. On a parlé d’une sœur du roi bulgare, prisonnière à Byzance, et qui, de retour chez les siens, leur aurait inculqué les premières notions du christianisme, mais le tait ne paraît avoir que la portée d’une simple légende. On a même cité le nom d’un moine, Méthode, peintre habile, dont un tableau du jugement dernier aurait décidé la conversion du prince, et l’on a vu dans ce personnage saint Méthode, le frère de saint Cyrille ; mais, d’après Syméon Métaphraste, qui, le premier, rapporte ce récit, ceci eut lieu après le baptême de Boris, et le moine Méthode n’était qu’un peintre vulgaire de son métier. Il est, d’ailleurs, prouvé aujourd’hui que les deux frères Cyrille et Méthode ne sont pour rien dans la conversion des Bulgares et qu’on doit attribur à leurs premiers disciples la juste popularité, dont ces deux apôtres des Moraves jouissent en Bulgarie.

Goloubinski, Précis d’histoire dm Églises orthodoxes, bulgare, serbe et roumaine (en russe), in-8°, Moscou, 1871, p. 2227, 225-249 ; G. Jirecek, op. cit., p. 150-160 ;  !.. Léger, Cyrille et Méthode, ln-8*, Paris, 186s, p. 87-91 ; A. Lapôtre, Le pape Jean VIII. in-8°, Paris, 1895, p. 100-106. Voir surtout dans Geschichte der byzantinischeti Litteratur do Knmibacher, 2e édit., p. 1001, 1002, la bibliographie concernant les saints Cyrille et Méthode.

La conversion de Boris est due, sans doute, à des