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BULGARIE

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vieux sol, elle se rattache aisément aux premières conquêtes du christianisme. Aussi, sans vouloir raconter les missions de saint Paul et de ses disciples, ni entrer dans des considérations ethnographiques par trop étrangères à notre sujet, convient-il, néanmoins, d’exposer en deux mots la situation politique et religieuse de cette contrée durant les huit premiers siècles de notre ère, afin de hien comprendre les rivalités et les luttes d’iniluence qui s’établirent entre Rome et Constantinople, au sujet de la juridiction ecclésiastique, dès le berceau même de l’Église bulgare.

Les Thraco-llly riens, les plus anciens habitants connus de toute cette région, constituaient deux branches, dont l’une, orientale, se composait surtout de Macédoniens et de Thraces, et l’autre, occidentale, comprenait les Ulyriens et les Épirotes. Après avoir conquis une bonne partie de l’Asie avec Alexandre le Grand et disputé avec Pyrrhus l’empire du monde à la république romaine, ces peuples frères furent définitivement vaincus par les armes de Rome. Dès le iie siècle avant J.-C, la Macédoine était une province romaine, la Mésie en Tant) de notre ère, la Thrace en l’an 46. la Dacie en l’an 108.

Romanisées de bonne heure et converties presque immédiatement au christianisme — la dernière tribu thrace, les Basses, fut convertie vers l’an 400 — ces populations se virent aussi de bonne heure forcées d’admettre sur leur territoire un peuple, qui leur était étranger par sa langue et par ses mœurs et qui devait rapidement leur enlever la prépondérance. Dès les conquêtes de Trajan en Dacie — la Transylvanie et la Moldo-Valachie actuelles — les Slaves semblent établis dans cette province. Vers la fin du IIe siècle, ils se rapprochent du Danube ; plus tard, à la suite de plusieurs victoires remportées sur eux par les empereurs Carus, Dioclétien et Galère, une de leurs tribus, les Carpi, qui a donné son nom aux Carpathes, est transplantée tout entière sur la rive droite du fleuve, en Mésie et en Thrace. C’est là le premier jalon de la colonisation slave dans la péninsule balkanique. Au début du Ve siècle, nous trouvons bon nombre de Slaves parmi les hauts dignitaires de l’empire grec et, au vie siècle, deux slaves d’Uskub, Justin I er et son neveu Justinien, assis sur le trône de Byzance. Mais l’émigration décisive se produisit à la fin du ve siècle, ayant son point de départ dans la Transylvanie. Deux peuples slaves en sortirent : les Antes, qui disparurent bientôt, et les Slovènes, dont le nom s’appliqua depuis à l’ensemble de la race. Au "iie siècle, les Slaves avaient déjà assiégé Thessalonique quatre lois, Constantinople une fois en 626 ; ils formaient presque toute la population des provinces de Scythie, Mésie, Dacie, Dardanie, Macédoine, Épire et d’une partie de la Thrace, régions que les Grecs prirent l’habitude de désigner sous le nom générique de Sclavinia. En 688, Justinien II transportait en Asie 30 000 Slaves de Macédoine et, lorsque la peste décima en 747 la Grèce et le Péloponèse, ils se multiplièrent à tel point dans ces deux provinces que l’empereur Constantin Porphyrogénète a fait cet aveu effrayant pour la cause de l’hellénisme : tout le pays devint slave. Cependant, malgré ces invasions successives et malgré leur supériorité numérique sur leurs voisins thraces, grecs et valaques, les Slaves ne constituaient pas encore une nation bien déterminée. Émiettés en tribus multiples, ils auraient été vite décimés dans les guerres civiles, si un peuple, étranger par sa race et sa patrie d’origine, les Bulgares, n’était venu réunir en un seul faisceau toutes ces forces éparses et former un seul corps politique définitif.

Sur les invasions et les colonies slaves, voir A. Rambaud, L’empire grec au. x’siècle, Constantin Porphyrogénète, in-8° Paris, -1870, p. 2)9-240 ; C. Jirecek, Geschiclite der Bulgaren, in-8° Prague. 1876, p. 53-216 ; H. Gelzer, Die dnesis eîer byzantinis.chen Themenver/assung, in-8°, Leipzig, 1899, p. 42-64.

Divisés au sujet des visées politiques, les Thraco-Illyriens et les Slaves ne l’étaient pas moins au point de vue administratif et ecclésiastique. Lors de la réorganisation de l’empire faite par Dioclétien et Constantin le Grand, nous trouvons dans la vaste région qui nous occupe deux grands centres de gouvernement : le diocèse de Thrace, qui comprenait les six provinces d’Europe, Rhodope, Thrace au sens strict, Hémimont, Scythie et Mésie inférieure, et la préfecture d’ilbjrie orientale, qui comprenait elle-même les provinces d’Achaïe, Thessalie, Crète, Macédoine. Vieille et Nouvelle Epire, Dacie ripuaire et Dacie méditerranéenne, Dardanie, Prévalitane, Mésie supérieure et Pannonie. De ces deux grands centres administratifs, le premier, le diocèse de Thrace, échut à l’empire d’Orient, tandis que, au point de vue ecclésiastique, il obéissait à l’exarque d’IIéraclée, et depuis le concile œcuménique de 381, à l’évêque de Constantinople. Il n’en était pas ainsi de l’Illyrie orientale. Cette vaste préfecture fut comprise dans le lot de l’empire d’Occident jusqu’en l’année 389, où Gratien la céda à son collègue Théoclose. Cette cession bénévole de l’empereur Gratien fut le point de départ d’un grave conflit religieux qui éclata entre Rome et Constantinople. Tant que l’Illyrie orientale avait dépendu de l’empire d’Occident, les Byzantins n’avaient pas trouvé mauvais que ses évêques acceptassent la juridiction du patriarche occidental, c’est-à-dire de l’évêque de Rome ; mais du jo’ur où Byzance exerça sur elle la suprématie politique, elle réclama également la suprématie religieuse. Et comme, pour des raisons faciles à concevoir, les empereurs grecs appuyaient de toute leur autorité les tendances centralisatrices des évêques de leur capitale, ceux-ci entrèrent aussitôt en lutte ouverte avec les papes. Pour sauvegarder les droits menacés du saintsiège, saint Darnase ou saint Sirice institua vers l’an 380 le vicariat apostolique de Thessalonique, avec pouvoir pour cette métropole d’informer sur les affaires ecclésiastiques delTllyricum et d’en décider, en lieu et place du pape.

Ce vicariat apostolique fonctionna sans trop d’opposition jusqu’en 484, où le métropolitain de Thessalonique acquiesça au schisme d’Acace, entraînant dans sa chute la majorité de ses suffragants. Lorsque l’union fut rétablie en 519, les papes recouvrèrent du coup leurs anciens privilèges. Ils existaient encore sous Justinien, puisque cet empereur s’entendit avec les papes Agapit et Vigile, pour dédoirbler la juridiction supérieure de l’Illyricum et créer, au profit de Justinia)ia prima ou Uskub, sa ville natale, un grand diocèse, qui embrassait les provinces de Dacie ripuaire et Dacie méditerranéenne, Prévalitane, Mésie supérieure, Dardanie, Pannonie et Macédoine deuxième, relevant jusque-là de Thessalonique. Novelle xi du 14 avril 535 et Novelle cxxxi du 18 mars 545. Saint Grégoire le Grand, 590-601, n’écrivit pas moins de 21 lettres relatives à lTllyricum oriental et qui, toutes, démontrent sans doute possible que le pape était le vrai patriarche de ces provinces. Au cours du VIIe siècle, nous rencontrons fréquemment des exemples de haute juridiction métropolitaine, que les évêques de Rome exercent sur cette contrée. Ce n’est qu’avec l’inauguration de la querelle iconoclaste, à la suite des démêlés politiques et religieux entre le pape Grégoire II et le basileus Léun l’Isaurien, 731, que lTllyricum oriental fut rattaché officiellement au siège de Constantinople. Sans doute, les papes protestèrent avec énergie, chaque fois que l’occasion s’offrit de le faire, contre cette usurpation, mais cjue pouvaient-ils au milieu des luttes iconoclastes, qui ensanglantèrent presque tout le viiie siècle et la première moitié du IXe ? Des intérêts autrement graves réclamaient leur intervention en Orient et, d’ailleurs, à quoi bon chercher à l’imposer, puisque les Byzantins eux-mêmes s’étaient laissé exclure de presque toutes ces