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BUCER — BUCK


4534, il eut à Cassel, avec Mélanchlhon, une entrevue dans laquelle il déclara que lui et ses amis de la Haute Allemagne enseignaient la doctrine de la confession d’Augsbourg sur la cène : « Le corps de Christ est dans le pain avec le sacrement comme le Saint-Esprit était dans le souffle de Jésus, quand il dit à ses disciples : -Recevez le Saint-Esprit. » En 1536, un autre accord fut conclu à Wittemberg entre Luther, les députés de Souabe etBucer, député de Strasbourg. Celui-ci, voulant toujours tenir une position moyenne entre la doctrine de Luther et celle de Zwingle, soutint d’abord que si la présence de Christ dans la cène ne dépend ni de la foi ni de l’incrédulité des hommes, cependant « un impie, un turc, un juif, ou une souris qui mangeraient l’hostie, ne mangeraient que du pain, sans recevoir le sacrement » . Il finit toutefois par accepter les termes de Luther lui-même : « Le vrai corps de Christ est reçu avec la bouche et dans le cœur, non seulement par les justes et pour leur salut, mais encore par les indignes, bien que pour leur condamnation. » Mélanchthon rédigea une formule signée de tous les chefs de partis : « Le corps et le sang de Christ sont offerts et reçus avec le pain et le vin ; il y a union sacramentelle, mais non hors de l’usage et de la communion ; l’efficacité du sacrement ne dépend point de la dignité ou de l’indignité du ministre qui le confère, pas plus que de la dignité ou de l’indignité de celui qui le reçoit. » Pour marquer la sincérité de cette réconciliation, la cène fut célébrée en commun. Telle fut la concorde de Wittemberg, conclue le 22 mai 1536.

Prévoyant le mécontentement des Suisses, qu’il n’avait pu amener à Wittemberg, et voulant concilier le nouveau dogme avec la doctrine de Zwingle et d’Œcolampade, Bucer en rédigea une interprétation subtile, qui ne contenait pas un seul mot contraire à leur croyance. Les Suisses en envoyèrent à Luther un exemplaire signé de Bucer et lui firent demander s’il reconnaissait comme orthodoxe cette nouvelle formule ; ils n’admettaient qu’une réception toute spirituelle du corps du Christ, car on ne peut manger réellement ce corps qui est au ciel. Bucer alla porter cette lettre avec sa déclaration aux États de Smalkalde, au mois de février 1537, et Luther l’approuva.

Le landgrave de liesse résolut en 1539 de prendre une seconde femme. Bucer qui était son ami, se chargea d’obtenir l’assentiment de Luther, et comme le landgrave menaçait, si on ne favorisait pas son projet, d’abandonner le parti luthérien, Bucer décida Luther et Mélanchthon à rédiger une sorte de consultation exhortant Philippe à renoncer à ce mariage, mais concluant par un assentiment embarrassé. Bucer et Mélanchthon assistèrent à la célébration de cette union le 13 mars 1540 à Bothenbourg. On accusa même Bucer d’avoir rédigé le dialogue, signé Néobulus, où cette bigamie était justifiée.

L’esprit conciliateur de Bucer se déploya encore, sans succès d’ailleurs, dans les dernières tentatives de concorde entre catholiques et protestants, au colloque de Haguenau en 1540, à la diète de Ratisbonne en 1541. Les définitions équivoques qu’il y proposa sur la transsubstantiation le firent traiter par Luther de « faux frère, pareil à Judas, et plus dangereux que les pires ennemis » ! Il échoua encore à Cologne où il s’était rendu en 1542 avec Mélanchthon, appelé par l’archevêque Hermann, comte de Wied, pour imposer une constitution luthérienne à son diocèse ; l’opposition des chanoines et la déposition de l’archevêque apostat en 1544 anéantirent ses projets.

Malgré ses tendances affectées à la tolérance, il refusa de souscrire à l’accommodement conclu en 1548 entre catholiques et réformés et désigné sous le nom d’Intérim d’Augsbourg ; il retourna à Strasbourg. Mais en 1549, il fut mandé en Angleterre par l’archevêque de Cantorbéry, Cianmer. A Cambridge, il enseigna la doctrine des sa inC’T. DE TillIOL. CATHOL.

I cramentaires, vers laquelle il avait toujours penché, et à laquelle il avait définitivement adhéré après la mort de Luther en 1546. Calvin l’accuse d’avoir introduit en Angleterre un nouveau papisme, parce qu’il approuva la hiérarchie de l’Église anglicane. Bien qu’il fût apprécié et aimé de ses élèves, il regrettait toujours Strasbourg. Il mourut le 28 février 1551, âgé de soixante ans. Ensevelis dans l’église principale de Cambridge, ses restes furent brûlés sous Marie Tudor. Elisabeth réédifia son tombeau.

Ainsi toute sa vie, Bucer fut en suspens entre le dogme des luthériens et celui des zwingliens, et parce que, dans son enseignement, il chercha toujours, au moyen d’un langage obscur et ambigu, à concilier des croyances si différentes, Bossuet l’a appelé « le grand architecte des subtilités » . Le légat Contarini le regardait comme le plus redoutable des controversistes hérétiques.

Au fond, Bucer crut d’abord apercevoir, dans la doctrine luthérienne sur la cène, une tendance à un matérialisme grossier ; il y entrevit plus tard un aspect spirituel que les zwingliens ne voulaient pas considérer. D’autre part, quoique la théorie zwinglienne lui parût contraire à l’Écriture, il lui semblait injuste d’accuser les Suisses de réduire le sacrement à une pure commémoration de Jésus, puisqu’ils admettaient eux aussi, sans toutefois la définir nettement, une présence du Christ dans le pain, présence mystérieuse et différente de la présence de Dieu dans le monde entier. Pour concilier ces opinions contraires, il imagina une formule exprimant la vérité contenue dans chacune d’elles : « Le Seigneur donne véritablement dans le sacrement son vrai corps à manger et son vrai sang à boire comme nourriture des âmes pour la vie éternelle. » Confessio tetrapolilana, c. xviii.

Ses œuvres principales sont : Enarraliones perpétuée in s. quatuor Evangelia, in-8°, Strasbourg, 1527 ; Enarraliones in Psalmos, in-i » , Strasbourg, 1529, publiés sous le nom d’Aretius Eelinus, traduction latine, qu’il essaya de faire passer pour orthodoxe. Un premier volume de ses œuvres, connu sous le nom de Tomus anglicanus, a paru, Scripta anglicana fere omnia, in-fol., Bàle, 1577. Sa correspondance avec Philippe de liesse a été publiée par Lenz : Briejwechsel des Landgrafen Philipp mil Butzer (Publ ication aus dempreuss. Staalsarchiv, 1880, t. i).

Bossuet, Histoire des variations ; Bayle, Dictionnaire critique ; Moreri, Dictionnaire historique ; Baum, Capito und Butzer, Strasburgs Beformatoren, Elberfeld, 1860 ; F. Mentz et A. Erichson, Zw 400 jàhrigeri Geburtsfeier Martin Butzers, Strasbourg, 1891 ; Erichson, Martin Butzer, 1891 ; Janssen, L’Allemagne et la Béforme, trad. Paris, Paris, 1889, t. ii, passim ; 1892, t. iii, passim ; 1899, t. v, passim ; Bussière, Histoire du développement du protestantisme à Strasbourg ; Félix Kulin, Luther, sa vie, son œuvre, 3 in-8°, Paris, 1883 ; Kirchenlexikon, t. ii, col. 1627-1031 ; Realencgclopadie, t. III, p. 603612.

L. LœvENBRrcK.

    1. BUCK (Victor De)##


BUCK (Victor De), naquit à Audenarde, ville de la Flandre, le 26 avril 1817 ; il entra dans la Compagnie de Jésus, à Nivelles, le Il octobre 1835. Après avoir terminé sa philosophie à Namur par la défense publique de thèses, il fut dès 1840 attaché à la Société des bollandistes qui venait d’être reconstituée en 1838. Avant même d’avoir abordé les études de théologie, le P. De Buck fit paraître, dans le t. vu d’octobre des Acta sanctorum, seize commentaires, dont quelques-uns fort importants. Il commença ses études théologiques à Louvain en 1845 et il avait à peine terminé la seconde année de ses cours qu’il publia, en 1847, une réfutation approfondie du livre du professeur Verhoeven de l’université de Louvain, sous ce titre : De regulariuni et ssecularium clericorum juribus et officiis liber singtdaris, auctorc Mariano Verhoeven, archidiœcesis Mechliniensis presbylero. La même controverse ayant semblé se rallumer en 180’J à l’occasion du concile du

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