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BRUYS — BRYENNIOS


procèdent de lui, col. 737. Et, d’ailleurs, la comparaison des doctrines est décisive. Pierre de Bruys ne professe pas le dualisme, il ne nie la vertu du baptême que pour les enfants, il ne rejette pas le mariage, il ne condamne pas l’usage de la viande. Sur tous ces points il est en désaccord essentiel avec le néo-manichéisme cathare. Cf. Schmidt, Histoire et doctrine de la secte des cathares on albigeois, t. i, p. 38 ; E. Comba, I nostri protestanli, Florence, 1695, t. I, Avanti la Ri forma, p. 214-215.

Faut-il donc conclure que Pierre de Bruys fut un novateur au sens strict du mot, qu’il ne dut rien à ses devanciers hérétiques, ainsi que Pierre le Vénérable parait le croire, col. 726, 756, 766, 788 ? Son rôle a-t-il été si important, si original, qu’on puisse l’appeler, avec Labbe et Cossart, Sacrosancta concilia, Paris, 1671, t. x, col. 1001, heereticorum parens, et, en particulier, le maître d’Arnaud de Brescia ? A la suite de Noël Alexandre, Hist. eccl., Venise, 1778, t. vii, p. 71, reconnaîtrons-nous déjà des pétrobrusiens dans les hérétiques condamnés par le 3e canon du concile de Toulouse, en 1119 ? Cf. Labbe et Cossart, t. x, col. 857. Verrons-nous des disciples de Pierre de Bruys, avec Hefele, Histoire des conciles, trad. Delarc, Paris, 1872, t. vii, p. 241, dans les hérétiques visés par le 23e canon du Xe concile œcuménique tenu à Saint-Jean de Latran, en 1139, cf. Labbe et Cossart, t. x, col. 1008, — et, avec Mabillon, Vetcra analecta, Paris, 1723, p. 483, dans ces hérétiques de Périgueux que signale une si curieuse lettre du moine Héribert, vers le milieu du xiie siècle, P. L., t. clxxxi, col. 1721-1722 ? Non, Pierre de Bruys n’est pas le « père des hérétiques » du moyen âge ; Arnaud de Brescia, entre autres, ne relève pas de lui. Voir Arnaud de Brescia, t. i, col. 1974. Son système n’eut rien de très original. « C’était, dans une certaine mesure, une renaissance des erreurs de Claude de Turin. » H. C. Lea, A history of the inquisition of the middle âges, New-York, 1888, t. i, p. 68 ; trad. S. Reinach, Paris, 1900, t. i, p. 76. En outre, s’il ne professait pas le manichéisme intégral, il reprenait quelques-unes des idées manichéennes. Ces idées étaient alors dans l’air ; elles apparaissaient un peu partout. Cf. Vacandard, Vie de S. Bernard, t. ii, p. 203, note 2. Les hérétiques frappés par le concile de Toulouse, en 1119, les admettaient, sans être des pétrobrusiens ; il n’est, du reste, pas sûr, qu’il y eut des pétrobrusiens à cette date. Le concile du Latran, en 1139, condamna quelques doctrines pétrobrusiennes, mais non le pétrobrusianisme lui-même : le 23e canon de ce concile reproduit simplement le 3e canon du concile toulousain de 1119, et englobe, dans ses anathèmes, le rejet du mariage qui est absent du pétrobrusianisme. Les hérétiques de Périgueux s’écartent plus encore du type pétrobrusien. En somme, les doctrines de Pierre de Bruys ne tranchent guère sur celles de bon nombre d’hérétiques de son temps. Mais, tandis qu’ailleurs l’hérésie se montre d’une façon brusque, sans qu’on sache d’où elle vient ni qui l’a propagée, ici nous sommes en présence d’un nom, d’une personnalité qui se détache, sans être très éclatante, sur le fond obscur des précurseurs des grandes hérésies du moyen âge et du protestantisme.

I. Sources originales.

Abélard, Introductio ad theologiam, 1. II, c. iv, P. L., t. clxxviii, col. 1056 ; Pierre le Vénérable, Epistola sive tractatus adversus petrobrusianos hsereticos, P. L., t. clxxxix, col. 719-850 ; cf. col. 21, 343-344, 365. Les col. 790-803 de ce traité, sur l’eucharistie, se retrouvent sous ce titre : Nucleus de sacrificio missx, dans Marg. de la Bigne, Bibliotheca Patntm, Paris, 1624, t. x, col. 1091-1102. Une traduction française du traité, par J. Bruneau, a été publiée à Paris, en 1584 ; une traduction de la partie relative à l’eucharistie, par N. Chesneau, a paru, à Reims, en 1573. Cf. J.-H. Pignot, Histoire de l’ordre de Cluny, Paris, 1868, t. ii, p. 517-528.

II. Travaux modernes.

Bossuet, Histoire des variations des Églises protestantes, 1. XI, n. 35-36, 65-70, 126-127, dans

Œuvres, édit. Lâchât, Paris, 18C3, t. XIV, p. 476-477, 491-405, 524-526 ; Ilecker, Dissertatio de petrobruisiauis et henricianis tanquam testibus veritatis, Leipzig, 1728 ; C. U. Hahn, Gescliichte der Ketzer im Mittelalter, Stuttgart, 1845, t. i, p. 408438 ; N. Peyrat, Les réformateurs de la France et de l’Italie au xii’siècle, Paris, 1860, p. 8-13, 63-73, 111-115, 195-269 (pages fantaisistes) ; I. von Dôllinger, Beitràye zur Sektengeschickte des Mittelalters, Munich, 1890, t. I, p. 75-88 ; E. Vacandard, Bévue des questions historiques, Paris, 1894, t. lv, p. 67-72, et Vie de saint Bernard, Paris, 1895, t. ii, p. 218-221 ; G. Bonet-Maury, Les précurseurs de la Béforme et de la liberté de conscience dans les pays latins du xu° au xv siècle, Paris, 1904, p. 28-31. Voir encore les autres sources citées au cours de cet article, et celles qui sont indiquées par Ul. Chevalier, Répertoire des sources historiques du moyen âge. Bio-bibliographie, col. 1809, 2777.

F. Vernet.

    1. BRYENNIOS Joseph##


BRYENNIOS Joseph, célèbre théologien byzantin du xive -xve siècle. — 1. Notice biographique. IL Écrits.

I. Notice biographique. - Joseph Bryennios, appelé ôioâo-xaXo ; par ses contemporains, est sans conteste un des écrivains et des orateurs les plus féconds du xive -xve siècle. Cependant, jusqu’à ces derniers temps, son nom était presque complètement ignoré. Ses œuvres ne figurent malheureusement pas dans la P. G. deMigne, quoiqu’elles fournissent des données intéressantes pour l’histoire de la polémique religieuse entre grecs et latins au xve siècle. Plusieurs causes expliquent le silence qui a été fait sur son nom. Il était mort déjà lorsque les grecs vinrent à Ferrare, puis à Florence, pour traiter avec les latins l’union des Églises. S’il eût pris part aux débats du concile réuni à cette fin, il eût peut-être partagé la gloire dont Marc d’Éphèse jouit dans l’Église orthodoxe. En outre, il n’exerça aucune influence sur le mouvement littéraire des humanistes : plongé exclusivement dans la controverse théologique, et adonné à la prédication, il se tint, pour ainsi dire, à l’écart de la Renaissance italienne qui rendit célèbres tant de lettrés grecs émigrés de Byzance. Enfin, son éditeur, Eugène Bulgaris, publia ses œuvres à la fin du xviii » siècle, au moment où les études byzantines étaient complètement délaissées, et les esprits préoccupés par les symptômes précurseurs de la Révolution française. L’édition de Bulgaris trouva des acheteurs en Grèce, mais elle n’excita guère d’intérêt dans le reste de l’Europe. Elle est presque introuvable dans les bibliothèques européennes. Byzantinische Zeitschrift, 1893, t. il, p. 359. Par contre, nous en avons trouvé plusieurs exemplaires à l’école théologique de Ualki.

La biographie de Joseph Bryennios présente encore de nombreuses lacunes et soulève des problèmes difficiles à résoudre. On ne connaît pas au juste sa ville natale. La plupart des érudits, Allatius, Cave, Dupin, Fabricius, le font naître à Constantinople. Dans un de ses discours sur la foi, Ilep’i tîiç Tijxtov Tzieriuiç, Bryennios semble faire allusion à sa naissance à Jérusalem, Opéra, t. i, p. 40 ; Bulgaris, dans la préface, t. i, p. ç’; Arsène, La vie et les œuvres du saint moine Joseph Bryennius (en russe), p. 87, note 3 ; mais d’autres sermons contiennent des allusions semblables à propos de Constantinople. Meyer, Joseph Bryennios Schriften, Leben und Bildung, p. 88. Meyer, qui a longuement analysé l’œuvre de Bryennios, en s’efforçant de fixer la chronologie si obscure de sa vie, se prononce en faveur de Sparte ; un texte de Syropoulos, l’historien orthodoxe du concile de Florence, confirme cette hypothèse. Nous ignorons aussi la date de sa naissance. On peut la rapporter au commencement de la seconde moitié du xiv » siècle. Le doute plane même sur son véritable nom. Des Bryennios se sont illustrés à Byzance. Du Cange, Historia byzantina, Paris, 1680, p. 176-177. Au xive siècle nous en rencontrons plusieurs qui, comme savants, comme guerriers et hommes d’État, tiennent une place importante dans l’histoire byzantine. P. G., t. CLIII, col. 113, 372 ; Miklositch, Acla palriarchalus Conslanlinopol.,