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BRUNO — BRUNON D’ASTI


Helmstadt, à Francfort. 1590, à Zurich, enfin on Italie, à l’adoue, 1592, puis à Venise où il lut arrêté etmis ; en prison. En 1593, le Saint-Office commence son procès ; à Rome, où Bruno est conduit, les théologiens s’elTorcent de le convaincre de ses erreurs et de les lui faire abjurer. Huit propositions hérétiques furent signalées dans ses écrits par la congrégation du li janvier 1599. Il hésita longtemps, demanda des sursis. Après avoir attendu ainsi six années, l’Inquisition le jugea solennellement ; il fut condamné à la dégradation et livré au bras séculier, pour crime d’apostasie et de rupture des vœux monastiques. On lui accorda encore huit jours pour se rétracter, mais il persista à rejeter toute religion positive et repoussa le crucifix qu’on lui présenta sur son bûcher du Campo ili Fiori (17 février 1600). Il n’a pas été condamné comme on le prétend parfois pour avoir soutenu le système de Copernic ou l’hypothèse de la pluralité des mondes habités, mais bien pour ses erreurs philosophiques et théologiques, son apostasie et son parjure.

Le système philosophique de G. Bruno se rapproche de celui des néo-platoniciens d’Alexandrie : le fond en est l’hypothèse panthéiste. Dieu est la monade principiante, substance de toute composition ; la substance des corps est impérissable et ne diffère pas de celle des esprits ; aussi l’essence divine est la même chose que la matière qui est infinie comme l’espace ; les atomes sont la base de toutes choses. L’àme peut émigrer d’un corps dans un autre, et même dans un autre monde, et une seule âme habiter deux corps. Le monde a existé de toute éternité, et le Saint-Esprit n’est autre chose que l’âme du monde, c’est ce que Moïse a voulu dire quand il écrivait qu’il réchauffait les eaux.

Sa doctrine religieuse elle-même est plutôt un ensemble de vues bizarres, d’imaginations poétiques. Les Hébreux seuls doivent leur origine à Adam et Eve ; les autres hommes sont nés de deux autres êtres créés auparavant par Dieu. Dieu est la bonté même, il ne punira pas les hommes dans une autre vie, car la mort n’amènera en eux qu’une métamorphose assez simple, l’univers n’ayant de place ni pour l’enfer ni pour le ciel ; pourtant il est illimité et rempli d’autres inondes habités très nombreux. Pour croire à quelque chose il faut rejeter le fondement d’autorité et ne se rendre qu’à l’évidence. Le libre arbitre n’existe pas ; quant à ce qu’il est convenu d’appeler le vice et la vertu, le bien et le mal, la loi naturelle suffit pour les indiquer à l’homme. Le démon lui-même pourra être sauvé. Moïse a imaginé lui-même le Décalogue ; ses miracles ont été opérés par le moyen de la magie qui est une chose bonne et licite. Le Christ qui n’est pas Dieu ne fut qu’un magicien très remarquable.

Ses principales œuvres, auxquelles on attribue à tort une grande valeur scientifique et intellectuelle, sont : De tau bris idearum, implicantibus artem quserendi, invenientli, judicandi, ordinandi et applicandi, in-8°, l’aris, 1582, dédié à Henri III ; Explicatio triginta sigilloruni ad omnium scienliarum et artium inventionem, s. 1. n. d. (Londres’.' 1584’.') ; Spaccio delta Bestia trionfante, Paris, 1584. C’est son ouvrage le plus célèbre. Sous la forme dialoguée, il y combat d’une façon fine et spirituelle la superstition. Jupiter, irrilé de voir son culte négligé, lait comparaître les quarante-huil constellations, parmi lesquelles il veut établir une réforme. Moiuus lui représente que le mal vient de ce qu’on a donné

aux astres les noms des dieux, que leurs aventures scandaleuses on ! rendus l’objel du mépris des mortels. Il propose donc de substituer à ces noms, ceux des vertus. Au fond, ces trois dialogues de l’Expulsion de la Bête qui représentent les vertus expulsées du ciel par les iees, sont pleins d’allusions à la hiérarchie de l’Eglise Catholique. Ils furent d’abord publiés à Londres, avec la protection de Michel de Castelnau, ambassadeur fran çais près d’Elisabeth. Un chanoine de Notre-Dame, Valentin de Vouguy, les a traduits en partie, in-8°, 1750. La Cena délie Ceneri, in-8°, Londres, 1584. traité dialogué sur la pluralité des mondes habiles ; Délia causa, principio et uno, Venise, 1584- ; De l’infinito, universo t mondi, Venise, 1581, traité sur le même sujet et en faveur du système du Copernic. Les œuvres de Bruno écrites en italien ont été réunies sous ce titre : Opère di Giordano Bruno Nolano, Leipzig, 1830.

Niceron, Mémoires, t. xvii. où se trouve la liste de la plupart de ses ouvrages ; Bayle, Dictionnaire historique, art. Brunus ; Bartholmess, Jordano Bruno, 2 in-8° Paris, 1847 ; F. Bouillior, Histoire de la philosophie cartésienne, Paris, 1854, 1. 1, p. 11-15 ; E. Saisset, Mélanges d’histoire, de morale et de critique, in-12, Paris, 185 !) ; Beiti, Vita <li Giordano Bruno, Florence, 1808 ; Id., Documenti interna a Giordano Bruno, Home, 1880 ; C. Sigwart, Die Lebensgeschichte Giordano Bruno’s, Tubingue, 1880 ; Brunhofer, G. Bruno’s Weltansohaung und Verhângniss, Leipzig, 1881 ; Balan, Giord. Bruno, Bologne, 1886 : Previti, Giordano Brunoe i suoi tempi, Prato, 1887 ; H. de l’Épinois, Jordano Bruno, dans la Revue des questions historiques, t. XII, p. 180191 ;.Jaugey, Dictionnaire apologétique de la foi calliolique, Paris (1889), col. 358-361 ; 1909, t. i, eut. 431-432 ; J. Lewis Montyre, The life of Giordano Bruno, Londres, 1904.

L. LœvENnnucK.

    1. BRUNON D’ASTI ou DE SEGNI (Saint)##


BRUNON D’ASTI ou DE SEGNI (Saint), l’un des plus énergiques champions de la liberté de l’Eglise dans la querelle des investitures en même temps que l’un des esprits les plus cultivés de son siècle, l’émule par la fermeté du caractère comme par la science des Yves de Chartres, des Anselme de Cantorbéry, des Anselme de Lucques, était originaire probablement d’Asti en Piémont, vers l’an 1044 ou 1048, et de noble naissance. Le soin de son éducation fut confié aux bénédictins du monastère de Saint-Perpet, dans les environs d’Asti ; après quoi Bruiion acheva ses (’tudes à Bologne avec un particulier éclat. Chanoine régulier d’abord dans sa ville natale, puis peut-être à Sienne, il se rendit ensuite à Borne et y acquit promptement une réputation telle qu’on le Chargea d’argumenter, devant le concile qui s’ouvrit au Latran le H février 1079, contre Bérenger de Tours. La conséquence de la discussion fut à la fois que Bérenger rétracta ses erreurs et que Brunon, l’année suivante, monta sur le siège épiscopal de Segni. dans le pays des Volsques. Il avait refusé, a-t-on dit, par humilité le chapeau de cardinal. Sur le siège de Segni, Brunon sera le confident, le conseiller, le bras droit de saint Grégoire VII et de ses successeurs, Victor III, Urbain II et Pascal IL Ainsi, en 1095, il accompagnera Urbain II à ce concile de Clermont où fut acclamée la première croisade ; et, avec le titre de légat du saint-siège, il présidera en 1106 des conciles en France, travaillera en 1110 à la réforme de la Sicile, interviendra ici et là comme arbitre dans une foule de conllits locaux. En 1105, pour accomplir le vœu qu’il avait fait dans une maladie d’embrasser la vie monastique, Brunon était entré au Mont-Cassin et, dès 1 108, il en était devenu l’abbé, sans se démettre toutefois, à la faveur d’un induit de Pascal II, de son évêché de Segni. Mais, en 1111, on voit Brunon, grégorien détermine’, marcher à la tête des cardinaux et des évêques qui protestent violemment contre les concessions extorquées à Pascal II par l’empereur Henri V, et, dans une lettre au souverain pontife, il s’oublie jusqu’à taxer le pape d’hérésie. Pascal 11, afin d’amoindrir, sinon de ruiner l’influence de cet adversaire, se ressouvint à propos du canon 12e du concile de Clermont, et, en étant à Brunon l’abbaye du Mont-Cassin, lui enjoignit de se retirer dans son diocèse, qui aussi bien l’avait redemandé maintes fois et soupirait après son retour. Brunon vécut encore douze ans à Segni, remplissant avec un zèle exemplaire tous les devoirs de sa charge, sans plus intervenir de sa personne, sous Calixte 11, son ami, dans la querella des investitures. Il mourut en odeur de sainteté’le 18 juillet 1123, et fut canonisé en 1183 par le pape Lueius 111.