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BOURSE (JEUX DE)


foule, leur place réservée, on avait ménagé de leur car binet à la corbeille un couloir formé de barres mobiles « à coulisse » contre lesquelles avaient coutume de se tenir les spéculateurs sans caractère officiel, qui fai saient profession de négocier des valeurs. Par extension on appela coulisse la place qui avoisinait la balustrade, et coulissiers ceux qui l’occupaient.

Quand ils négocient des titres qui ne figurent pas à la cote officielle, leurs opérations sont tolérées et si des difficultés surgissent à ce sujet entre eux ou avec leurs clients, leur action est recevable au même tilre et aux mêmes conditions que celle des courtiers libres. Lorsqu’au contraire ils empiètent sur le monopole des agents de change en achetant ou vendant des valeurs cotées ou susceptibles de l’être, ils s’exposent à des poursuites correctionnelles pour délit d’immixtion ; leurs opérations sont en outre frappées de nullité.

La coulisse a ses statuts et une discipline intérieure acceptée par tous les membres. Cette organisation facilite les négociations entre coulissiers et offre au public quelques garanties ; mais elle demeure forcément très inférieure à celle du parquet, puisqu’elle est dépourvue de sanction légale. En outre la coulisse étant libre, aucun contrôle ne préside au recrutement de ses membres. De là cette invasion d’étrangers ou d’individus nationalisés de trop fraîche date, dont les agissements à la Bourse peuvent, en temps de crise, constituer un grave danger pour les intérêts français.

A la Bourse de Paris le parquet fait trente milliards d’affaires par an, la coulisse quatre-vingts milliards. Bien d’étonnant dès lors qu’ils se regardent comme des frères ennemis. Sans existence légale, la coulisse est cependant tolérée et jouit d’une vie intense. Lors de l’établissement de l’impôt sur les opérations de bourse, on put croire un instant que l’application du nouvel impôt allait résoudre définitivement la question, pendante depuis si longtemps, de la situation de la coulisse en face du privilège des agents de change. Lever la taxe sur les opérations des coulissiers, n’était-ce pas reconnaître leur existence légale ? Pour ne pas se prononcer nettement, le parlement préféra laisser les choses en l’état. La question a été reprise sous la forme d’un amendement à la loi des finances de 1898 : l’amendemenl Fleur y-Ravarin, d’après lequel toute opération de bourse doit, pour acquitter l’impôt, passer par l’intermédiaire nécessaire d’un agent de change. Cette fois le monopole a triomphé et la coulisse se trouve privée des droits que lui avait acquis une longue possession.

Les bourses principales du monde sont celles de Londres, Paris, Berlin, où l’on traite des fonds et des valeurs de toute nature et de toute provenance. On peut placer en seconde ligne Francfort, Bruxelles, Amsterdam. Les bourses de Vienne, Madrid, Rome, Saint-Pétersbourg et même NewYork se bornent aux transactions sur les valeurs indigènes. NewYork, qui sert de centre financier à toute l’Amérique du Nord, occupe une place intermédiaire.

Bourses de commerce.

L’organisation des bourses

de commerce est calquée sur celle des bourses de valeurs. Les intermédiaires reconnus par la loi sont les courtiers, courtiers de marchandises ou d’assurances, courtiers interprètes. Comme dans les bourses financières on traite des marchés au comptant ou à terme fermes ou à prime. Les marchandises qui font l’objet des transactions au comptant sont placées dans des entrepôts et elles restent provisoirement affranchies des droits de douane ou d’octroi. Elles sont désignées sous le nom de disponible ; on dit : vendre, acheter en disponible.

Pour empêcher ou du moins limiter les ventes fictives, on a depuis longtemps introduit l’usage des filières. Sous la forme la plus usitée, la filière est un avis ou un ordre de livraison, émis par le vendeur et

transmis à tous les acheteurs successifs par des endossements qui occupent une bande de papier. Des courtiers spéciaux appelés filie’risles ou liquidateurs la font circuler et règlent — le jour où la marchandise est livrée et payée par le dernier acheteur au premier vendeur — toutes les différences provenant des achats et des ventes intermédiaires. Dans le cas où le dernier acheteur est le vendeur primitif, l’opération s’appelle une filière tournante, et sur les places anglaises, américaines, ainsi qu’à Brème, un ring (anneau).

Pour individualiser la matière du contrat, la filière porte indication des magasins où elle est consignée sous tel numéro d’entrée. Mais cette précaution n’est pas toujours observée, par exemple à Paris pour les huiles on peut créer des filières sur marchandises non consignées ou même fictives.

V. Spéculation et jeu de bourse.

La distinction entre la spéculation et le jeu de bourse est l’objet de controverses trop souvent passionnées et obscures. Certains auteurs appellent jeu de bourse la spéculation sur une grande échelle telle que la pratique la haute finance, d’autres veulent que le jeu soit la spéculation nuisible ou du moins inutile à l’intérêt social. D’après une conception juridique très répandue, le jeu affecte uniquement les marchés de bourse différentiels. Suivant la jurisprudence qui a précédé la loi de 1885, un marché à terme est un jeu, lorsqu’il constitue entre les parties contractantes une opération de hasard, basée sur la différence éventuelle qui pourrait exister entre les prix stipulés par les parties et ceux qu’établiraient les mercuriales à l’époque où les livraisons devaient se faire. Il y a jeu si l’exécution des contrats ne doit se faire que sur le papier ; ainsi c’est à une convention expresse ou tacite de non-livraison que se reconnaissait le jeu, dont le vice infecte l’opération initiale. Mais pour que cette convention opère la nullité du marché principal, L faut qu’elle soit intervenue en même temps que le marché lui-même. Si elle est postérieure, elle ne saurait avoir aucune influence sur la validité du marché. Nous verrons comment cette conception du jeu de bourse a été modifiée par la nouvelle législation. Qu’est-ce donc que la spéculation, le jeu, l’agiotage ?

Spéculer, dans le sens commercial du mot, c’est acquérir un objet avec espoir de le revendre à un prix supérieur au prix d’achat, ou inversement, le vendre dans la pensée de le racheter plus tard à un prix inférieur. S’efforcer de prévoir les cours dans un avenir prochain et d’après ces prévisions profiter du présent, voilà la spéculation. Le jeu au contraire repose principalement sur le hasard. L’élément essentiel et primordial du jeu, c’est la chance. Or, s’il existe dans la spéculation, comme dans toute entreprise industrielle et commerciale, une part d’aléa, son effort et son mérite consistent précisément à réduire au minimum cet aléa, à l’éliminer complètement si cela est possible. Elle attend le succès non de la chance aveugle, mais de l’intelligence et de l’expérience, de la prévision d’événements et de phénomènes inconnus d’autrui et qui sont susceptibles d’influencer le cours des valeurs ou des denrées. Dès lors il est manifeste qu’entre la spéculation prudente, la spéculation hardie, téméraire et le jeu, la transition s’établit par degrés à peine appréciables. Si la spéculation prévoit, l’agiotage produit la différence des cours. L’agioteur cherche à fausser les prix pour tirer parti de la hausse ou de la baisse qu’il a artificiellement produifes.

La spéculation peut s’exercer dans les marchés au comptant ou dans les marchés à terme. Celui qui il y a un quart de siècle achetait 25000 actions de la Compagnie Paris-Lyon-Méditerranée au prix d’émission, dans l’esppir d’une hausse, faisait une excellente spéculation au comptant. C’est dans les marchés à terme soit effectifs soit surtout différentiels, que la spéculation exerce