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BOSSUET


nions de Metz (Sermon sur la bonté et la rigueur de Dieu ; Premier sermon" pour levendredi saint ; Pant g>jrique de saint Gorguu ; Panégyrique des saints anges gardiens), « plus longs, plus embrouillés de dissertations, moins habilement composés, d’un réalisme quelquefois excessif, mais par cela même plus coloré. » F. Brunetière, Manuel de l’histoire de la littérature française, c. ii, p. 191. Le panégyrique de saint Bernard, prononcé à Metz en 1655, paraît annoncer une nouvelle manière. On y admire un célèbre portrait du jeune homme. Nul psychologue n’a mieux vii, nul poète n’a mieux peint.

Kn 1659, Bossuet se fixe à Paris ; il retourne cependant plus d’une fois à Metz, et c’est probablement dans cette ville qu’il prononça les oraisons funèbres de M me Yolande de Monterby, abbesse des bernardines, et de Messire Henri de Gornay. C’est à une demoiselle de Metz qu’il écrivit, en 1662, cette lettre sur Jésus-Christ et l’Église où s’allient une haute théologie et une piété ardente.

Bossuet prédicateur.

Les années qui vont jusqu’à

1070 sont, dans l’histoire de la prédication de Bossuet, les années capitales, les années triomphantes. Alors, d’après M. Brunetière, loc. cit., s’inaugure sa seconde manière, « surtout philosophique et morale, quoique non pas du tout pour cela laïque ; et d’ailleurs pourvu qu’on ne prenne pas ces distinctions au pied de. la lettre…, Bossuet s’ell’orce de démontrer, comme Pascal, qu’indépendamment de tant d’autres raisons qui commandent d’y croire, la religion est encore, de toutes les philosophies, celle qui explique le mieux l’homme et la nature. » Il prêche à Paris trois carêmes et deux avents, des panégyriques de saints, des sermons de charité, des serinons de profession et de vèture, des conférences dans des séminaires ; deux carêmes et deux avents à la cour ; des oraisons funèbres, dont celle d’Anne d’Autriche, très goûtée alors et aujourd’hui perdue. G. Lanson, Bossuet, c. I. C’est à la cour que furent prononcés les sermons swr l’ambition, sur la mort, sur les devoirs des rois (dans ce sermon apparaissent d’avance et la doctrine de la Politique tirée des propres paroles de l’Ecriture sainte, et les grandes images du Discours sur l’histoire universelle ) ; les sermons sur la Passion, sur la vigilance, pour la fêle de tous les saints. Parmi ces chefs-d’œuvre, isolons deux sermons d’un caractère éminemment apologétique : le sermon sur la providence (1662), et le sermon sur la divinité de la religion (1665). Le premier est la démonstration d’un dogme fondamental de la théodicée purement rationnelle et de la théologie catholique, dont les contradicteurs, cauteleux ou hardis, s’accordaient pour imputer à la Nature ou au Destin la régularité du gouvernement du monde. De l’exorde de ce sermon, M. Brunetière a pu dire que c’est « l’un des plus beaux que nous ayons de Bossuet, où l’on entend sonner comme un bruit de guerre, et dont le geste superbe semble celui d’un Condé menant ses troupes à l’assaut » . Études critiques, 5e série, La philosophie de Bossuet. Le sermon sur la divinité de la religion résume et présente avec une force souveraine toutes les preuves qui accréditent le christianisme catholique devant la raison et la conscience, notamment ces preuves d’ordre moral auxquelles nos contemporains sont surtout accessibles. N’oublions point le panégyrique de saint André (1008), où se lisent ces prophétiques paroles qui indiquaient d’avance à Lamennais le sujet et le titre de son plus célèbre ouvrage : « Je prévois que les libertins et les esprits forts pourront être décriés, non par aucune horreur de leurs sentiments, mais parce qu’on tiendra tout dans l’indifférence, excepté les plaisirs et les affaires. »

Bossuet sermonnaire, Bossuet orateur, a-t-il été’placé par ses contemporains à la place sans égale où notre admiration le contemple’.'" Sachons, répond M. Brunetière, que le XVIIe siècle a mal jugé de l’éloquence de Bossuet. Cela ne veut pas dire que Louis XIV, ou sa

cour, aient refusé de reconnaître en Bossuet un grand et très grand orateur… Cela veut dire que ses auditeurs ne se sont pas doutés qu’ils entendaient la plus grande parole qui fût tombée de la chaire chrétienne. » Introduction aux sermons choisis de Bossuet, Paris, 1900. D’ailleurs, Bossuet cessa de prêcher au moment où Bourdaloue apparaissait ; et comme à beaucoup d’autres, il advint au devancier d’être oublié. L’incomparable orateur l’a dit lui-même dans son sermon pour la profession de M He de La Vallière (4 juin 1675). « … Je romps un silence de tant d’années, je fuis entendre une voix que les chaires ne connaissent plus ; » et en 1081, dans son sermon pour le jour de Pâques, il déclare « reprendre la parole après tant d’années d’un perpétuel silence » .

Non sans doute, l’éloquence de Bossuet n’a pas été méconnue : « S’il eût été un orateur médiocre, toute sa théologie ne lui eût servi de rien » pour parvenir, « et les illustres hérétiques qui voulaient s’éclairer ne lui eussent point procuré l’honneur de leurs conversions. » G. Lanson, Bossuet, c. ni. Néanmoins, ce que le xviie siècle a surtout admiré dans Bossuet, c’est le controversiste et le théologien.

Controverse avec les jansénistes.

Le théologien

se montre dans la période que nous retraçons. En 1644, à la demande de l’archevêque, Hardouin de Péréfixe, il écrivit sa lettre aux religieuses de Port-Boyal de Paris, pour les décider à souscrire purement et simplement le formulaire d’Alexandre VII où étaient attribuées à VAugustinus et condamnées les cinq propositions fameuses qui ont troublé le xviie siècle. Cette lettre fut-elle remise à ses destinataires, et Bossuet eut-il avec elles une conférence dans leur couvent ? La chose est très douteuse. Floquet, Etudes sur la vie de Bossuet, 1. X, t. n. Il essaya d’amener à la signature du formulaire une sœur et une nièce d’Antoine Arnauld, Agnès de Saint-Paul et Angélique de Sainte-Thérèse, que l’on avait transférées à la Visitation du faubourg Saint-Jacques. La tante résista, et la nièce ne consentit à souscrire que pour se rétracter ensuite.

Avouons-le, touchant la nature de l’obéissance due aux décrets de l’Eglise sur les faits dogmatiques, Bossuet est moins précis que ne le sera plus tard Fénelon : il ne distingue pas assez entre les jugements sur les personnes et les jugements sur les écrits ; mais il n’en exige pas moins des religieuses de Port-Boyal une soumission intérieure et sans réserve. « Certainement si l’on demandait votre témoignage pour faire le procès au livre de Jansénius et pour appuyer la sentence sur votre déposition, il n’y a personne qui ne vous accorde qu’alors vous seriez tenues de déposer sur ce fait en connaissance de cause. Mais le jugement est rendu, les papes l’ont prononcé, tous les évêques l’ont reçu sans contradiction, et le témoignage qu’on attend de vous ne regarde plus que vous-mêmes et vos propres dispositions, c’est-à-dire la chose du monde que vous connaissez le mieux. Et si vous nous répondez que c’est la aussi ce qui vous arrête, parce que doutant que le pape et les évêques aient bien jugé en ce qui touche le fait, vous ne pouvez pas l’assurer, c’est ici que vous vous trouverez convaincues de manquer de déférence envers l’Eglise. Car si son autorité était telle dans votre esprit qu’elle y doit être, il n’y a personne qui ne voie qu’elle pourrait facilement emporter un doute et encore un doute comme le votre… »

Controverse avec les protestayits.

Mais à la

date où nous sommes, la controverse janséniste n’est qu’un accident ; ce qui occupe surtout Bossuet, c’est la controverse protestante. L’archidiacre de Metz désire le retour à l’unité de tant d’âmes que des ignorances et une tradition déjà séculaire en ont détachées ; et la France le désire comme lui. Il est de toutes les conférences qui poursuivent l’œuvre de la réunion, et, grâce à sa méthode qui préférait aux controverses l’exposition