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BAIUS

. Omne miod aprît peccator Tout ce que fait le pécheur

vel servus peccali, peccatum ou l’esclave Uu péché, est pé est. De charitate, c. vi, conché. Monté avec Annot., 4, in Cen sur. Sorbon.

40. In omnibus suis actibus Le pécheur obéit dans toutes

peccator servit dominanti euses actions à la cupidité qui le

piditati. De libero liom. arbidomine. trio., c. vi ; Baiana, p. 00, lui

Bains traite lui-même d’hérétiques ces deux propositions. Elles mériteraient, en effet, cette qualilication, si on leur donnait un sens absolu ; car le concile de Trente avait anathématisé, sess. VI, can. 7, ceux qui voyaient de vrais péchés dans toutes les œuvres qui précèdent la justification. Denzinger, Enchiridion, n. 699. Aussi le docteur lovaniste crie à la calomnie, et ses partisans n’ont pas manqué de mettre à profit cette circonstance pour faire entendre avec quelle légèreté on l’avait dénoncé à Rome, puis condamné. On a le droit de reviser le procès ; il y a peu de propositions qui montrent mieux l’entière et exacte connaissance que les compila"teurs avaient des œuvres de Baius. Dans son opuscule De charitate, c. xi, ce théologien divisait tout amour de la créature raisonnable en deux classes exclusives et contraires : l’amour louable qui a Dieu pour objet, et la cupidité vicieuse qui fait aimer le monde. Il ajoutait : la volonté non délivrée par Jésus-Christ est toute cupidité ; la volonté qui n’est pas charité est toute cupidité. Pour voir dans cette doctrine l’erreur énoncée dans la proposition 35e, qu’y avait-il à faire ? La rapprocher des annotations sur la censure portée par la Sorbonne contre cet article : Toute action du libre arbitre abandonné à lui-même est péché. Baius prend la défense de cette assertion ; il invoque divers textes patristiques, en particulier celui-ci, tiré de saint Fugence, Epist., xvii, de incarnat, et gratia, c.xix, P. L., t. lxv, col. 475 : « Tant qu’il est l’esclave du péché, l’homme n’est propre qu’à subir la loi du péché, nonnisi ad serviendum peccato reperitur idoneus. » D’où cette glose de l’annotateur : <, Celui qui pèche est esclave du péché ; pris dans les filets de Satan, il est asservi à sa volonté, toute vouée au péché ; par conséquent il ne fait que pécher, ergo nihil aliud quant peccat. » Baiana, p. 13. N’est-ce pas, en substance et presque textuellement, la proposition 35e ? Il est plus facile encore de justifier la provenance baianiste de la 40e ; dans le traité De libero hominis arbitrio, c. vi, on lit cette phrase, dite des impies : « Tant que le Fils ne les a pas arrachés à l’empire du péché, ils sont esclaves du péché ; car, dans tous leurs actes ils obéissent au péché qui les domine, quia in omnibus suis cclibus dominanti peccalo serviunl, servitude qu’ils ne peuvent secouer, si le Fils ne les délivre. » Doctrine que nous avons déjà rencontrée sous une torme équivalente dans le traité De virtutibus impiorum, c. VIII.

Dans sa grande apologie, Baius prend ce moyen de défense : il suppose d’abord qu’on a formé la proposition 35e du texte de saint Fulgence, puis remarque que ce Père ne parle pas de tout pécheur, mais seulement de ceux qui sont tellement esclaves de Satan, qu’ils ne reçoivent plus aucun secours de la grâce divine. Quoi qu’il en soit de saint Fulgence et de sa vraie pensée, l’annotateur était allé beaucoup plus loin, comme on vient de le voir. Du reste, l’explication de Baius demeurait insuffisante ; car il maintenait les propositions 35e et 40e entendues des actes faits par les pécheurs sans la grâce et en dehors de ce commencement de charité’qui est, pour lui, le premier pas dans l’œuvre de la justification. C’était s’en tenir à l’assertion censurée par la Sorbonne, et à cette autre erreur : Toute action faite sans la charité est péché. Il serait donc inutile de réfuter d’une fæon spéciale les propositions 35e et 40 » , puisqu’elles ne sont qu’une application faite au pécheur des principes généraux professés par Baius sur les forces, ou plutôt sur la corruption de la nature humaine

par le péché et sur l’impuissance absolue du libre arbitre dans l’ordre moral.

Quesnel reprit plus tard cette doctrine et lui fit subir un nouvel échec. Clément XI condamna, en effet, ces deux propositions dans la conslitulion Vnigenitus : « Sans la grâce du Libérateur, le pécheur n’a de liberté que pour le mal. Quand l’amour de Dieu ne règne plus dans le cœur des pécheurs, il est nécessaire que la cupidité charnelle y règne et corrompe toutes leurs actions. » Denzinger, Enchiridion, n. 1253, 1260. Un dernier coup fut enfin frappé dans la constitution Aucloreni fidei. Au synode janséniste de Pistoie, on avait de nouveau dépeint l’homme dénué de la grâce comme inféodé à la loi du péché, et toutes ses actions comme intectées et corrompues sous l’inlluence générale de la cupidité dominante. Pie VI qualifia cette doctrine de lausse, pernicieuse, induisant dans une erreur déclarée hérétique par le concile de Trente et condamnée une seconde fois dans la proposition 40e de Baius. Les considérants du jugement sont instructifs, surtout cette finale : « Comme si le pécheur obéissait dans toutes ses actions à la cupidité dominante, quasi in omnibu* suis actibus peccator servial dominanti cupiditati. » Denzinger, Enchiridion, n. 1386. Voir aussi le corps de doctrine des docteurs de Louvain, c. v, Baiana, p. 168 sq.

20. Ni in soli fures ii sunt et Ceux-là ne sont pas seuls

latrones, qui Christum viam et voleurs et larrons, qui nient

ostium veritatis et vitae negant, que Jésus-Christ soit la voie et

sed etiam quicumque aliunde la porte de la vérité et de la

quam per ipsum in viam justivie, mais encore quiconque en tiae (hoc est aliquam justitiam) seigne que sans lui on peut

conscendi posse docent. De entrer dans le chemin de la

virtutibus impiorum, c. ix. justice, c’est-à-dire arriver à quelque justice.

30. Aut tentationi ulli, sine Ou que sans le secours de la

gratiae ipsius adjutorio, resigrâce, on peut résister à quel stere hominem posse, sic ut in que tentation, de telle façon

eam non inducatur aut ab ea qu’on n’y soit point induit, ou

non superetur. Ibid. ; Baiana, qu’on n’en sorte pas vaincu, p. 96 sq.

37. Cum Pelagio sentit, qui Celui-là pense comme Pé boni aliquid naturalis, hoc est, lage, qui reconnaît quelque

quod ex naturae solis viribus bien naturel c’est-à-dire, un

ortum ducit, agnoscit. De chabien ayant pour principe les

rilatc, c. v, comparé avec De seules forces de la nature. libero hominis arbitrio, c. x.

65. Nonnisi pelagiano errore C’est une erreur pélagienne

admitti potest usus aliquis lid’admettre quelque usage du

beii arbitrii bonus, sive non libre arbitre qui soit bon ou ne

malus : et gratias Christi injusoit pas mauvais ; quiconque

riam facit, qui ita sentit et dopense et enseigne chose pa cet. Annot., 13, in Censur. reille, fait injure à la grâce de

Sorbon. ; Baiana, p. 116. Jésus-Christ.

Toutes ces propositions se rapportent au même objet que les précédentes, mais l’attaque est plus précise et porte directement contre plusieurs opinions qui avaient cours parmi les théologiens. Le sens de la proposition 30 e n’est pas qu’on succombe toujours à la tentation même dont on est attaqué, mais que sans la grâce on ne peut surmonter une tentation si ce n’est en péchant autrement, comme serait, par exemple, surmonter une tentation d’incontinence par un motif d’avarice ou d’orgueil. La proposition 37e n’est pas textuellement dans le passage de Baius auquel elle se rapporte, mais elle y est supposée ; c’est une application au bien en général de ce que l’auteur dit des actes de foi, d’espérance et de charité, application faite en vertu d’une doctrine contenue ailleurs. Voir Duchesne, op. cit., III 8 éclaircissement, p. 48 sq. La proposition 65e est de celles qui n’ont point été tirées des ouvrages imprimés du chancelier de Louvain ; elle reproduit en substance le 13° des articles censurés par la Sorbonne : « On ne peut pas, sans errer avec Pelage, admettre dans l’homme quelque bon usage du libre arbitre avant la première justification, etc. » Dans ses Annotations sur la censure, Baius avait dé-