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BONNE FOI


faire que pendant cet intervalle indéterminé mais toujours restreint, les individus échappent à toute responsabilité morale ? A cette question déjà posée au xvie siècle par Victoria, Relectio de Indis, relectio de co ad quod tenetur veniens ad usum ralionis, part. II, n. 1 sq., on ne peut donner aucune réponse absolument universelle, ni dans le sens négatif ni dans le sens affirmatif. Dans le sens négatif, aucune preuve vraiment démonstrative ne peut établir l’impossibilité absolue d’une telle supposition du moins pour tous les cas particuliers. C’est une question de fait qui ne peut être définitivement tranchée par des arguments spéculatifs. Dans le sens affirmatif, il est également vrai qu’une assertion absolue et universelle ne peut être démontrée ni par des preuves spéculatives, ni par des documents positifs, sans lesquels une exception aussi anormale ne saurait être admise. — 2. Nous affirmons seulement qu’il y a impossibilité morale d’ignorer entièrement et en toute bonne foi l’ensemble des vérités de la religion naturelle. Or une telle ignorance est suffisamment empêchée par une connaissance imparfaite des vérités religieuses, même quand celle-ci est associée à de graves erreurs que l’on considère subjectivement comme sauvegardant encore l’existence de Dieu. Suarez, De fide, disp. XII, sect. iii, n. 3. Voir Dieu (Connaissance de).

Vérités révélées imposées à notre croyance.


1. De fait, et grâce à la miséricorde divine, les vérités révélées, dont la croyance explicite est absolument nécessaire au salut, ne peuvent être chez les adultes l’objet d’une entière ignorance de bonne foi, du moins pendant toute la durée de la vie. C’est une conclusion légitimement déduite de cette vérité théologique, qu’un adulte observant en toute bonne foi avec le secours de la grâce ce qu’il connaît de la loi naturelle, obtiendra infailliblement de la miséricorde divine et au moment choisi par elle, ce qui est absolument nécessaire pour le salut.

2. Il est possible qu’une âme. possédant déjà la foi explicite absolument nécessaire au salut, ignore inconsciemment et involontairement les autres vérités révélées dont la croyance explicite n’est pas toujours indispensablement requise pour le salut. Car Dieu voulant le salut éternel de toutes les âmes et leur donnant les moyens nécessaires pour l’obtenir, ne peut tenir les adultes responsables de l’inobservance des préceptes dont l’accomplissement leur est impossible, ni de l’inexécution des moyens qui leur sont, de fait, absolument inaccessibles. Concile de Trente, sess. VI, c. XI. II est vrai que la providence ne peut manquer de fournir à tout homme ce qui lui est nécessaire pour son salut. Mais ce principe ne s’applique rigoureusement qu’à ce qui est indispensablement requis. S. Thomas, Quæsliones disputatse, De veritate, q. xiv, a. 11, ad l um et 2um. Il ne s’applique point à ce qui peut être suppléé par un désir explicite et même implicite. Dans cette hypothèse, la sincérité de la volonté salvifîque n’est point en question, et le salut peut être obtenu sans une intervention particulière de la providence.

3. L’inconsciente et involontaire ignorance des vérités révélées peut se rencontrer à trois degrés principaux : a. En même temps qu’on ignore l’enseignement de l’Eglise sur telle proposition particulière, on croit explicitement à la divine et infaillible autorité de l’Église, à laquelle on adhère fermement. Une telle adhésion formelle à l’autorité de l’Église contient virtuellement une entière soumission aux enseignements involontairement ignorés, s. Thomas, Queestiones disputatse, De veritate, q. xiv, a. 11. — 6. On possède la foi explicite en Jésus-Christ, vrai Fils de Dieu et rédempteur de l’humanité tout entière, ei l’on adhère expressément â l’infaillible vérité de toute sa doctrine révélée. Mais, sans aucune faute personnelle, on ignore plusieurs points de cette doctrine, particulièrement la souveraine

autorité de l’Église catholique. Fn réalité, il n’y a point d’hérésie formelle, mais seulement ignorance ou erreur involontaire relativement à plusieurs vérités révélées par Jésus-Christ et enseignées par son Église. S. Thomas, Sum. tlieol., IIa-IIæ , q. v, a. 3. Et même pour quiconque adhère fermement à toute la doctrine de Jésus-Christ, il y a en même temps acceptation intégrale de toutes les vérités que l’on saurait être révélées par lui et enseignées avec son autorité. S. Thomas, loc. cit. Au>si quand le saint docteur affirme, au même endroit, que celui qui n’adhère point à l’enseignement de l’Église comme à une règle infaillible et divine, n’a point la vertu de foi, sed ea qule sunt fidei alio modo te/net quam per fidem, il parle uniquement des hérétiques formels niant sciemment l’autorité de l’Eglise suffisamment connue, non de ceux qui ignorent inconsciemment sa divine autorité. — c. On possède la foi explicite en Dieu rémunérateur surnaturel, mais on ignore, d’une manière absolument involontaire, la divinité de Jésus-Christ et la doctrine qu’il nous a révélée. Cette foi en Dieu rémunérateur surnaturel, fermement appuyée sur la souveraine véracité de Dieu révélateur, contient virtuellement une entière adhésion à toutes les vérités que l’on connaîtrait comme certainement révélées par Dieu, malgré des erreurs involontaires relativement à l’objet de cette divine révélation. D’ailleurs on ne peut affirmer que dans l’ordre actuel de la providence, la vraie foi surnaturelle est, de fait, inséparable de la foi en Jésus-Christ. Il est vrai seulement que quiconque rejette sciemment la divinité de Jésus-Christ et sa doctrine suffisamment proposées et connues comme vraies, ne peut avoir la loi nécessaire au salut. Marc, xvi, 16 ; Joa., ni, 18. — d. La croyance aux vérités révélées, quand elle repose sur une connaissance suffisante des motils de crédibilité, ne peut totalement cesser chez un adulte par une simpleerreur de bonne toi, inconsciente, involontaire et par conséquent exempte de toute faute. Celui qui, à un moment donné, rejette la foi catholique ou cesse de la posséder, s’est au moins rendu coupable, à une certaine époque, d’une faute de négligence en ne prémunissant point sa foi contre de graves dangers prévus et librement consentis. Car on ne peut supposer, dans un adulte suffisamment instruit, une entière inadvertance morale pendant toute la durée de ce travail quelquefois très lent de désagrégation et de destruction qui précède la perte de la foi actuelle. Quand, malgré cette advertance, on a continué à ne faire aucun effort pour conserver sa foi, on a de fait posé volontairement et coupablement la cause de l’incroyance actuelle. Cette incroyance est ainsi formellement coupable du moins dans sa cause. Suarez, De fide, disp. XIX, sect. iv, n. 18 ; deLugo, De fuie divina, disp. XVII, n. 82 ; Pesch, Prselectioncs dogmalicæ, Eribourg-en-Brisgau, 1898, t. viii, p. 383 ; Vacant, Kl iules théologiques sur les constitutions du comité du Vatican, Paris, 1893, t. ii, p. 177 sq. Ce raisonnement ne s’applique point aux enfants baptisés dans la religion catholique et placés dans un milieu hérétique ou incrédule avant d’avoir atteint l’usage de la raison ou du moins avant d’avoir reçu une instruction catholique suffisante. L’absence d’attention sérieuse au grave danger de perdre la foi, exempte de faute grave leur adhésion matérielle à l’hérésie. De Lugo, De fide divina, disp. XVII, n. CC.

3° Obligations morales imposées par la lui divine naturelle un positive ou par les luis humaines ecclésiastiques ou civiles. — 1. Lui naturelle. — o. Les théologiens qui ont affirmé l’impossibilité de toute ignorance de bonne foi relativement à l’objet intégral de la lui

naturelle, ne démontrent point et ne peuvent démontrer ce prétendu axiome, que Dieu, par une loi générale de sa providence, donne certainement la connaissance de la loi naturelle intégrale à tous ceux qui. pour atteindre cette fin, ne négligent aucun moyen mis à leur dispo-