Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 2.djvu/493

Cette page n’a pas encore été corrigée
977
978
BONAVENTURE (SAINT)


destic et modération. Sa doctrine a un caractère extrêmement pacifique et conciliateur. Avec une sagesse et un art admirable il arrive souvent à concilier les théories des maîtres, mém’e celles qui, à première vue ou considérées superficiellement, semblent absolument contraires. S’il ne peut pas concilier parfaitement deux opinions, tout en gardant un juste milieu, il cherche la part de vérité qui peut être renfermée dans l’une et dans l’autre et il donne un sens juste aux expressions inexactes. Il ne peut croire, en effet, que les grands chercheurs de la vérité aient émis sans raisons leurs plus célèbres théories. A son avis, ce qui se présente avec une apparence de fausseté, est souvent reconnu vrai quand on remonte à l’intention de celui qui a parlé. Cf. Opéra omnia, t. I, p. lxiii.

Saint Bonaventure avait donc toujours le respect le le plus grand pour les sentiments d’autrui. On ne peut que louer cette condescendance d’un si illustre génie. Aussi ces qualités de modestie, de modération, de douceur et cet esprit de paix et de concorde dans la recherche de la vérité nous tont facilement concevoir que le but suprême de ses investigations n'était autre que Dieu. Pour lui, la fin de toute science est l’union de l'âme avec Dieu, une union qui s’ell’ectue par l’amour, terme unique de toute l'Écriture sainte. Cf. De reductione artium ad iheologiam, n. 26. Il considère la théologie comme une science principalement affective, quia pour terme de nous rendre meilleurs et de nous conduire à l’amour. Cf. //( IV Sent., l. I, pi’oœm., q. iii, in corp. etadl um. C’est pourquoi nous comprenons aisément que de toutes les facultés de l'âme il développe surtout le rôle de la volonté, laquelle il considère comme la puissance la plus noble, Voluntas est nobilissimum et su prémuni substantif rationalis, In IV Sent., I. III, dist. XVII, p. i, q. v, ad3" lD, et qu’il s’attache de préférence aux opinions qui favorisent davantage la piété, ou qui lui paraissent donner une plus haute idée de Dieu et de ses perfections et qui dévoilent la vanité et le néant des créatures.

C’est ainsi, par exemple, qu’il enseigne que la béatitude formelle consiste non seulement dans l’acte de l’intelligence, mais surtout dans l’acte de la volonté. Lorsqu’il admet que le motif principal de l’incarnation est la rédemption du genre humain, c’est en vue de favoriser la piété. Cf. In IV Sent., LUI, dist. III, p. i, a. 1, q. II. A ses yeux, Dieu seul est immatériel, et il ne veut pas accorder ce privilège aux anges. Cf. In 1 V Sent., 1. II, dist. III, p. i, a. 1, q. i ; Coll. in llexæm., collât, iv. Il n’admet pas la possibilité' d’un monde éternel pour ne pas accordera une créature une perfection qui ne convient qu’au créateur, cf. In IV Sent., 1. II, dist. I, p. I, a. 1, q. i, ad 5um, et il n’ose pas se prononcer en faveur de l’immaculée conception, alors qu’il y était porté par sa tendre dévotion envers lasainte Vierge, parcrainte mal fonde de diminuer les excellences du Fils en exagérant celles de la Mère. In IV Sent., 1. III, dist. III, p. I, a. 1, q. n

Les caractères spéciaux de saint Bonaventure et de sa doctrine, quoiqu’ils ne rendent pas ses écrits infaillibles, suffisent cependant en général à leur assurer une grande solidité et sûreté. D’autre part, ils manifestent sa sainteté et ses vertus ; ils démontrent que le saint docteur était pénétré de l’esprit vraiment franciscain et qu’en tout il n’a eu il.mire guide que son père séraphique. Sans indiquer en détail tout ce qu’il tient de saint Françoi disons cependanl qu’il doit à ses conseils et à son exemple la concision du style, l’humble soumission à l’autorité, la vénération des théologiens, le respect pour les opinions d’autrui et son tempérament pacifique. Cf. i angéliste de Saint-Béat, Le séraphin de l'école, p. 95-106. Toutefois il a imité sain) François surtoul par la contemplation de la beauté suprême et son amour de Dieu, don mie lui, il poursuivait son bien-aimé partout où i ! trouvait imprimée une trace de sa pré ence, el chaque créature lui Bervail comme d’un d< ré nouveau pour

arriver à la possession du bien infini, et souverainement désirable. Personne mieux que lui n’a exprimé l’exclamation ordinaire de François d’Assise : Deus meus el omnia ! « Mon Dieu et mon tout ! » Personne ne l’a répétée avec plus d’amour. Personne aussi n’a mérité plus que lui le surnom de séraphique.

II. objet.

L’objet de la doctrine de saint Bonaventure embrasse la scolastique dans toute son étendue. Il ne comprend pas seulement la théologie spéculative, la mystique et l’exégèse, il comprend aussi la philosophie. Les principaux points de doctrine qu’il enseigna sur les diverses questions de ces sciences seront indiqués dans les articles spéciaux de ce dictionnaire. Aussi nous croyons inutile de parler de sa théologie spéculative et de son exégèse, après ce que nous avons dit de ses œuvres et des caractères généraux de sa doctrine. Nous nous bornerons donc à quelques considérations sur sa philosophie et sa mystique.

Philosophie.

Le nom de Bonaventure, un des

plus illustres parmi les philosophes chrétiens du moyen âge, est tombé dans l’oubli durant les siècles suivants. On a considéré le saint docteur plutôt comme un mystique dédaignant la science. En effet, à prendre à la lettre quelques-unes de ses expressions, telles que celleci : Descendere ad philosophiam est maximum periculum, Collât., xix, in Hexæm., n. 12, on pourrait croire qu’il est l’adversaire de la philosophie. Cependant ce serait une erreur de le penser. Saint Bonaventure blâmait, il est vrai, l’usage immodéré, que quelques docteurs de son temps faisaient de la philosophie ; il ne permettait pas d’exagérer le rôle de cette science. Pour lui, la philosophie par elle-même suffit pour faire parvenir à la connaissance de quelques vérités, qusedam sunt quse non pri us creduntur quam intelligantur, sicut sunt antecedentia ad fidem, et ea quee sunt de du lamine juris naturalis sicut Deum e*se, etc., In 1 V Sent., 1. III, dist. XXV, dub. iii, mais elle ne peut pas connaître ton tes les vérités sans une illumination plus haute. Ainsi elle ne peut pas parses seules lumières connaître parfaitement le créateur. Cernere ipsum divinum esse et ipsam Dei unitatem et qualiter illaunitas none.ccludal personarum pluralitatem, nonpotest, nisi per justiliam /ideiemundetur. lnIVSent., ].U, dis.. XXVI, a. 2, q. m. La philosophie doit être subordonnée à la théologie, theologia substernens sibi philosophicam cognitionem. Breviloquiuru, prolog., § 3. La philosophie indépendante mène nécessairement à l’erreur. Necesseest pliilosophantem inaliquem errorem labi, nisi adjuvetur per radium fidei. In 1 V Sent., 1. II, dist. XVIII, a. 2, q. i, ad 6um. Mais ces restrictions mises à part, saint Bonaventure parle en termes élogieux de cette science. Cf. Itinerarium mentis in Deum, cm. Il la défendmême contre ses adversaires, parce qu’elle est un précieux auxiliaire de la foi. Il suffit pour s’en convaicre de lire YEpislola de tribus quxslionibus, n. 12, Opéra omnia, t. viii, p. 335, où il dit, par exemple : Si verba philosophorum aliquando plus valent ad confutationeni errorum, non deviat a purilate aliquando in liis Studere. Aussi dans ses écrits Bonaventure se montre versé dans toutes les questions philosophiques. Il n'écrivit, il est vrai, aucun ouvrage directement philosophique, mais dans ses œuvres théologiques, il fait une très large part à l'étude des problèmes de la philosophie. Les tables des sentences philosophiques ajoutées, dans la nouvelle édition, à celle des quatre livres des Sentences, Indice* in libros Sent., }}. Î05-502, en sont la preuve évidente,

Les livres qui font le mieux connaître la philosophie de saint Bonaventure sont VItinerarium mentis m Deum e| le commentaire sur les Sentences qui « contient une (les plus excellentes lleoilieees qu’ail produites jusqu’ici l’alliance de la foi el (le la raison » , A. de l irgertC,

Essai su » 1 /*' philosophie de saint Bonaventure, Paris,

185Ô, p. 118, et qui même « peut fournir à lui nul un