Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 2.djvu/464

Cette page n’a pas encore été corrigée
919
920
BŒCE


zum Chrisienthume (Progr.), Lœbau, 1879 ; G. Boissier, Le christianisme de Boèce (extrait du Journal des savants), Paris, 1889 ; Semeria, Il cristianesimo di Sev. Buezio rivendicalo, Rome, 1900. Orphelin de bonne heure, Boèce reçut dans Athènes une excellente éducation littéraire et s’imprégna surtout de la philosophie grecque en même temps que des autres sciences qui s’y rattachaient et y préparaient, arithmétique, géométrie, musique, astronomie. De retour à Rome, son étonnante érudition, la noblesse de sa race et le charme de ses qualités personnelles lui valurent, avec l’estime, la faveur particulière du roi des Ostrogoths, Théodoric le Grand. En 510, Boèce devenait consul ; en 522, il était nommé maître du palais et voyait ses deux (ils élevés, à la Heur de l’âge, aux honneurs du consulat.

Mais l’heure des orages et des souifrances allait sonner. L’arien Théodoric, ému et inquiet des relations amicales que l’empereur d’Orient, Justin I er, nouait avec le pape Jean I er, l’intime ami de Boèce, redoubla de rigueurs contre ses sujets catholiques. La hardiesse et le zèle que déploya « le dernier Romain » dans sa défense du sénateur Albinus, prévenu de haute trahison, hâtèrent sa perte. Boèce fut accusé à son tour d’intelligence avec la cour byzantine, accusé en outre, naturellement, de magie. Théodoric, prêtant l’oreille à la calomnie, le lit emprisonner, sans l’entendre, à Pavie, très probablement dans la seconde moitié de l’an 521. La condamnation à mort et l’exécution suivirent de près, celle-ci au milieu de supplices atroces. La disgrâce et la ruine de Boèce n’avaient, à l’en croire, qu’un caractère politique. Toutefois, depuis le viiie siècle, soit que l’on eût identilié Boèce avec un évêque africain du même nom et du même temps, relégué pour sa foi en Sardaigne, voir Jourdain, Excursions historiques et philosophiques à travers le moyen âge, Paris, 1888, p. 1-27, — conjecture après tout peu vraisemblable ; soit plutôt qu’entre la mort de Boèce et la persécution dont le pape Jean I er fut la victime, on eût vu bien autre chose qu’une simple coïncidence, voir la Chronique de saint Adon, P. L., t. cxxiii, col. 107 ; cf. C. Cipolla, Per la sloria del processo di Boezio, Rome, 1900, Pavie, Brescia et quelques diocèses de l’Italie vénérèrent Boèce comme un martyr. La S. C. des Rites a confirmé ce culte pour Pavie par un décret du 15 décembre 1888. Voir Analecta juris pontifiai, 1884, t. xxii :, col. 629-630.

IL Ouvrages. — Esprit encyclopédique, théologien, philosophe, savant et poète en même temps qu’homme d’État, Boèce n’a pas accompli la tâche dont il avait rêvé, l’explication d’Aristote et de Platon avec la conciliation de leurs deux systèmes ; s ? vie n’a pas suffi à ce vaste dessein. Il nous a pourtant laissé nombre d’ouvrages, que l’on peut diviser en trois classes : 1° opuscules théologiques ; 2° œuvres philosophiques ; 3° œuvres scientifiques.

1° Les opuscules théologiques, qui vont en général à formuler les dogmes chrétiens dans le langage de la philosophie, à nous donner des mystères de la foi une idée ou conception rationnelle, sont au nombre de cinq. Le premier, De sancta Trinitate, P. L., t. lxiv, col. 1247-1256, établit, en s’inspirant de saint Augustin, l’unité de la nature des trois personnes divines. Le" second, dédié au futur pape Jean I er, étudie rapidement le rapport des trois personnes divines à la nature de Dieu : Utrum Pater et Filius et Spiritus Sanctus de divinitate substanlialiter prsedicentur. P. L., ibid., col. 1299-1302. Le troisième, Quomodo substantiel in eo quod sint bonse sint, cum non sint substantialia bona, P. L., ibid., col. 1311-1314, est dédié pareillement au futur pape Jean I er. Le quatrième, De (ide catholica ou Brevis fidei christianse complexio, P. L., ibid., col. 1333-1338, esquisse à grands traits les dogmes fondamentaux du christianisme, trinité, création, chute originelle, incarnation, rédemption, et indique les deux

sources de la vérité catholique, la tradition et l’Lcriture. Le cinquième, Liber contra Eutychen et Nestorium, P. L., ibid., col. 1337-1354, le plus étendu de tous et au fond le plus important, assoit le dogme catholique sur la réfutation de l’hérésie de Nestorius et de celle d’Eutychès.

L’authenticité, longtemps controversée, de ces opuscules ou du moins de quelques-uns d’eux, ne semble plus être en question. Car, en 1877, M. Alfred Ilolder a retrouvé dans la bibliothèque de Carlsruhe un extrait authentique d’un petit écrit, aujourd’hui perdu, de Cassiodore, où celui-ci, parlant de Boèce, parle aussi de ses œuvres théologiques : Scripsit librum de sancta Trinitate et capita quædam dogmatica et librum contra Nestorium. Voir Usener, Anccdoton Holderi, Leipzig, 1877, c. IV. Certains critiques ont néanmoins persisté, faute apparemment d’une mention plus explicite, à tenir le De fuie catholica pour apocryphe, en s’appuyant, d’une part, sur les nuances d’idées entre cet opuscule et le Liber contra Nestorium, de l’autre, sur le silence de quelques manuscrits. E. K. Rand, Derdem Boethius zugeschriebene Tr. de fide catholica, Leipzig, 1901, attribue ce traité à Jean Diacre. Mais, à côté des manuscrits dans lesquels le De fuie ne figure pas, du moins sous le nom de son auteur, combien d’autres, qui restituent l’opuscule à Boèce ! Et, quant aux nuances d’idées que l’on fait ressortir dans les jugements sur Nestorius et Eutychès, outre que l’étude du contexte les adoucit beaucoup, serait-il impossible ou seulement étrange que Boèce eût acquis progressivement des deux hérésies une connaissance plus complète et plus précise ! Cf. Bosisio, SuW autenticita délie opère teologiche di A. M. T. S. Boezio, Pavie, 1809.

2° Les ouvrages philosophiques sont de trois sortes : 1. Traductions latines des traités de logique d’Aristote et de VIsagoge de Porphyre. — 2. Commentaires, presque tous savants et pénétrants, sur les Catégories du Stagyrite, P. L., t. lxiv, col. 159-294, et sur le traité de Y Interprétation, voir Meiser, A. M. S. Bocthii commentarii in librum Aristolelis uspi ipjiyivsiaç, 2 vol., Leipzig, 1877-1880 ; sur les deux versions de VIsagoge de Porphyre, l’une par Marius Victorinus, l’autre par Boèce lui-même, P. L., t. lxiv, col. 1-158 ; sur les Topi<iues de Cicéron, voir Th. Stangl, Buelhiana vcl Boethii commentariorum in Ciccronis Topica emendationes, Gotha, 1882. Le commentaire des Topiques de Cicéron ne nous est parvenu que mutilé ; celui des Topiques d’Aristote a disparu. — 3. Traités originaux sur le syllogisme catégorique, le syllogisme hypothétique, la division, les différences topiques. P. L., t. lxiv, col. 761-891. Le traité de la Définition, égaré parmi les œuvres de Boèce sur la logique, P. L., ibid., col. 891-910, paraît être de Marius Victorinus. Voir Usener, op. cit., p. 59-66.

Mais, bien au-dessus de tous ces travaux, le grand ouvrage de cette classe est la Consolation de la philosophie, que Boèce composa dans son cachot, Nuremberg, 1473 ; in-64, Douai, 1616, Leyde, 1668, 1671 (avec les écrits théologiques) ; P. L., t. lxiii, col. 547-862 ; (’dit. Obbarius, Iéna, 1843 ; édit. Peiper, Leipzig, 1871. La beauté du style, malgré les traces inévitables du goût de l’époque, la variété et la vie que la forme du dialogue répand partout, l’heureux mélange de la prose et des vers, ajoutent au charme de la composition et font des cinq livres de l’ouvrage une œuvre entièrement à part. Pensées et langage, tout s’inspire d’un néoplatonisme amendé de certaines idées péripatéticiennes, avec une teinte de stoïcisme où se réllètent le caractère personnel de Boèce et ses lectures des philosophes romains. Pas un mot de Jésus-Christ non plus que des apôtres et des Pères, pas une citation des Livres saints ; l’auteur ne se réclame que de la philosophie. On aurait tort toutefois d’en conclure, avec Obbarius, avec Ch.