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BLASPHÈME CONTRE LE SAINT-ESPRIT


le Saint-Esprit, à savoir : desperatio, præsumptio, impienitentia, obstinatio, impugnatioveritatisagn.ilae.et invi dentia fraternœgratise. Cf.AlbertleGrand, InlV Sent., 1. II. dist. XLIII, Opéra, Paris, 1894, t. xxvii, p. 676-679 ; S. Bonaventure, .Bref ifoqrtmmi, iii, 11, Opuscula, Paris, 1647, t.i, p. 26 ; 7n/VScnt., l.II.dist. XLIII, a. 3, q. H, Opéra, Lyon, 1668, t.iv.p. 524-525. Mais si on considère leur origine et le principe de leur distinction, ces six espèces de blasphème contre le Saint-Esprit, ne rentrent d’aucune façon dans la pensée de Notre-Seigneur. El les ne sont, en effet, que les diverses explications de docteurs différents et en particulier celles que l’évêque d’Hippone a données, à des époques différentes de son activité littéraire, à la question, si ardue à ses yeux, du blasphème contre le Saint-Esprit. De sernione Domini in monte, I. I, c. xxii, n. 75, P. L., t. xxxiii, col. 1267. Cf. S. Thomas, Sum. theol., II a II æ, q. xiv, a. 2, sed contra. D’ailleurs, dans le corps du même article, l’ange de l’école, justifiant la division du blasphème contre le Saint-Esprit en six espèces, la rattache expressément à la troisième explication qu’il avait rapportée à l’article précédent : quse dislinguuntur secundum remotionem vel contemptum eorum per quse potest homoab electione peccati impediri. Or, cette troisième explication ne répond pas à la pensée du Sauveur. Les six espèces de blasphème contre le Saint-Esprit qui s’y rapportent, ne conviennent donc aucunement au blasphème qui attribue au démon des œuvres manifestement divines. Corneille de la Pierre, Comment, in Matlh., Lyon, 1685, p. 261. Aussi saint Bonaventure et Duns Scot ont-ils distingué avec raison le blasphème contre le Saint-Esprit, qui est unique de son espèce et seul irrémissible, des péchés contre le Saint-Esprit, qui sont multiples, spécifiquement distincts et rémissibles. Voir col. 914.

111. Irrémissibilité. — Jésus ne s’est pas borné à nous faire connaître le blasphème contre le Saint-Esprit ; il nous en a dit encore la gravité, en affirmant expressément que, si tout péché et tout blasphème sont pardonnes aux hommes, le blasphème contre le Saint-Esprit ne l’est pas. A quiconque dira une parole contre le Fils de l’homme, son péché lui sera remis ; mais à celui qui parlera contre le Saint-Esprit, sa faute ne sera remise ni dans ce monde ni dans l’autre. Matth., xii, 31, 32 ; Marc, ni, 28, 29 ; Luc, XII, 10. Ces paroles, qui expriment le fait de la non-rémission de ce péché, et non pas le principe de son irrémissibilité, ont été interprétées diversement. Beaucoup de commentateurs et de théologiens n’admettent pas l’irrémissibilité totale et pensent, avec des nuances diverses, que ce blasphème peut être remis de quelque manière. Saint Cyrille d’Alexandrie, Comment, in Matth., P. G., t. lxxii, col. 409, dit que Jésus-Christ a seulement voulu montrer par ces paroles la grandeur du blasphème contre le Saint-Esprit. Saint Épiphane, Adversus hær., hær. liv, 2, P. G., t. xli, col. 963, prétend que le Sauveur a manifesté par là sa prescience et sa bonté en excitant à la pénitence les pharisiens qui avaient prononcé ce blasphème. Saint Chrysostome, In Matth., homil. xli, n. 3, P. G., t. lxii, col. 419, ne parle que de la peine qui ne sera pas remise aux blasphémateurs du Saint-Esprit, même s’ils font pénitence. Saint Paschase Radbert, Exposit. in Matth., 1. VI, P.L., t. cxx, col. 471, et saint Bruno d’Asti, Comment, in Matth., part. III, P. L., t. Oi.xv, col. 180, admettent aussi la rémission pour ceux qui font pénitence et ne persévèrent pas dans leur faute ; seule, l’impénitence rend la faute irrémissible. Les scolastiques reconnaissent que ce péché n’rsl pas irrémissible do la pari de

Dieu, qui par miracle peut convertir les blasphémateurs du Saint-Esprit, mais qu’il l’est de sa nature en ce qu’il éloigne du pécheur le remède qui le guérirait. Albert le Grand, lu Ev. sec. Matth., Opéra, Paris, 1893, t. xx, p.531 ; In IVSent., l. ii, dist. XLIII, a. 5, ibid., 1894, t. xxvii, col. 682-683, s. Bonaventure, Breviloquium, ui, 11, Opu scula, Paris, 1647, 1. 1, p. 26. Saint Thomas, Sum. theol., 1 l a II » , q. xiv, a. 3, développe cette idée et il explique l’irrémissibilité du blasphème contre le Saint-Esprit, non quod mdlo modo remittatur, sed quia, quantum est de se, liabet meritum ut non remittatur. Et après avoir montré que la punition de ce péché de malice n’est pas diminuée ni remise soit dans ce monde, soit dans l’autre, il parle de la laute elle-même. Il la compare à une maladie incurable, non pour la puissance de Dieu qui peut toujours la guérir, mais de sa nature, en tant qu’elle ne peut être vaincue par les remèdes ou qu’elle ne permet pas de prendre le remède qui pourrait amener la guérison. lia etiam peccatum in Spiritum Sanctum dicitur irremissibile secundumsuam naturam, in quant uni excluait ea per quse fit remissio peccatorum. Per hoc tamen non prsecluditur viaremittendietsanatidi omnipotentiæ et misericordise Dei, per quant aliquando laies quasimiraculosespiriluali ter sanantur. S. Bonaventure, / « 7V&V « t., l.II, dist.LXIII, a.2, q. ii, 0/)cra, Lyon, 1668 t t. iv, p. 522, et Duns Scot, In IV Sent., . II, dist. XLIII, q. I, Opéra, Paris, 1893, t. xxxi, p. 486, déclarent l’impénitence finale irrémissible, mais les autres péchés contre le Saint-Esprit ne sont dits irrémissibles que propter difficidtatem remissionis. Alphonse Tostat, In Matth., q. lxvii, c. xii, dit seulement que ce péché n’est pas remis sans pénitence. Cajetan assure que sa rémission n’a pas lieu dans le cours régulier des choses. Maldonat est de l’avis des scolastiques et affirme que ce péché ne mérite aucune excuse, ni de lui-même aucun pardon. Bellarmin, Controv., De pœnitentia, 1. II, c. xvi, Milan, 1721, t. iii, col. 1015, reconnaît qu’il n’est pas remis ordinarie et plurimum, et il assigne deux causes à ce fait : l’opposition directe de ce péché à la grâce de Dieu et sa malice qui n’admet pas d’excuse et de soi ne mérite pas de pardon. Suarez, In i/7 am Sum., disp. VIII, sect. i, n. 19, Opéra, Paris, 1861, t. xxii, p. 136, le déclare irrémissible, quia difficile tollitur, le blasphémateur pouvant difficilement se repentir de son péché. Collet, De punit., part. II, c. ii, n. 26 ; Corneille de la Pierre, Comment, in Matth., Lyon, 1685, p. 261 ; Calmet, Commentaire littéral, Paris, 1726, t. vii, p. 116 ; Palmieri, Tract, de psenitentia, Borne, 1879, p. 60 ; Van Steenkpte, Sanctum J. C. Evangelium sec. Malth., 3° edit., Bruges, 1880, t. il, p. [517-519 ; Fillion, Évangile selon S. Matthieu, Paris, 1878, p. 248, n’admettent qu’une grande difficulté à recevoir le pardon de ce blasphème. Schanz, Commentar ûber das Evangelium des heiligen Maltliàus, Fribourg-en-Brisgau, 1879, p. 330, n’exclut pas toute possibilité de pardon, tout en reconnaissant que in concrelo ce pardon est souvent impossible. Voir aussi Many, dans le Dictionnaire de la Bible, de M. Vigoureux, t. I, col. 1810.

Les précédentes explications reconnaissent toutes que le blasphème contre le Saint-Esprit n’est pas irrémissible absolument, mais relativement, ou que sa rémission n’est pas impossible, mais très difficile et rare. Or. leurs auteurs introduisent des exceptions dans une sentence de Notre-Seigneur, qui n’en supporte aucune. L’opposition établie par Jésus lui-même entre les autres péchés et blasphèmes qui sont pardonnes, même entre le blasphème contre le Fils de l’homme, à qui rémission est accordée, et le blasphème contre le Saint-Esprit, qui n’est pas remis, exclut toute distinction d’irrémissibilité relative et absolue, de rémission difficile ou non accordée. Schegg, Evangelium nach Matthâus, Munich, liS.">7, t. ii, p. 155. Toute exception est encore exclue par celle indication que ce péché n’est remis ni dans ce monde ni dans l’autre, Matth., xii, 32, si ; tov altSvoc, et que le blasphémateur sera coupable éternellement. Marc, III, 29. La non-rémission du blasphème contre le Saint-Esprit est une exception, el la seule, à la règle générale de la rémission des péchés. Enfin, le verbe employé, àçeô^wrtu, signifie l’action de relâcher et de