Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 2.djvu/45

Cette page n’a pas encore été corrigée
71
72
BAI US


par leur propre raison, posent certains actes dignes de louange et ressemblant aux. bonnes œuvres. » Après avoir remarqué que saint Fulgence n’accepte pas cette interprétation. 1 Juins continue : « Et c’est avec raison, car bien que l’acte extérieur, où la loi semble observée, paraisse suffisamment contorme à la nature humaine, cependant l’intention, qui alors même se tient loin de Dieu, est entièrement contraire à la nature de l’homme ; aussi les impies, pour qui rien n’est pur, mais dont l’âme et la conscience sont souillées, n’accomplissent pas ce qui est de la loi suivant la nature, nonnaturaliter, mais d’une façon vicieuse, apparente et mensongère. »

Le sens de l’auteur nous étant connu, il faut distinguer, dans la proposition 22", la censure qu’il inflige aux adversaires et la raison sur laquelle il l’appuie, c’est-à-dire sa propre manière de voir. Par ce dernier côté, la proposition rentre dans la doctrine générale de Baius sur le caractère naturel des dons primitifs et sur l’impossibilité de toute bonne œuvre dans les infidèles. Il y a donc, sur ces deux points, la même erreur dans l’application que dans les principes. Erreur aussi dans la censure, en ce qu’elle traite durement les adversaires et prétend identifier leur interprétation avec celle de Pelage ; c’est une fausseté et une injustice. Nombreux sont les Pères, les théologiens et les exégètes qui l’ont suivie, avec une différence toutefois : pour les uns le mot naturaliter s’oppose seulement à la loi écrite des juifs, considérée comme principe directif des actions morales : pour les autres, il s’oppose à la grâce considérée comme secours actif. Ces derniers seuls concluent du texte de l’Apôtre que les lumières de la raison et les forces du libre arbitre suffisaient aux gentils pour accomplir non pas toute la loi, mais quelque chose de la loi. Baius pouvait contester la valeur réelle de cette interprétation, comme on peut encore le faire, mais il n’avait pas le droit de l’identifier avec celle des pélagiens, car ces hérétiques appliquaient le texte de saint Paul aux gentils qui n’avaient pas la foi, pour soutenir que ces gentils, en vertu des seules forces de la nature, observaient pleinement la loi, parvenaient à la justification et faisaient des œuvres méritoires pour le ciel. Enrésumé, la proposition 22e avait un double vice : sous le rapport de la censure qu’elle infligeait à des auteurs catholiques, elle était téméraire et scandaleuse, en même temps que fausse ; sous le rapport de la doctrine, elle supposait des vues erronées. Ripalda, op. cit., dist. XIII, sect. iii, n. Il sq. ; dist. XX, sect. iii, n. 20 sq. ; Palmieri, op. cit., th. xui.

55. Deus non potuisset ab Dieu à l’origine n’aurait pas

initie talem creare hominein, pu créer l’homme tel qu’il naît qualis nunc nascitur. De pecmaintenant. cat. orig., c. v ; Baiana, p. 110,

136, 145.

Proposition célèbre, mais délicate ; Baius a nié constamment qu’elle se trouvât dans ses écrits, soit quant aux termes, soit quant au sens ; le contraire y est plutôt indiqué, dit-il dans son apologie au cardinal Simonetta. Alors, comment expliquer la censure ? En rétablissant les faits et en se rappelant la clause in sensu ab assertoribus intenlo. La proposition n’a pas été forgée ; elle est dans le chapitre v du traité Depeccato originis, mais en style indirect et sous une forme contournée, de telle façon cependant qu’on la reconnaît aussitôt. Dans ce chapitre, l’auteur explique pourquoi la concupiscence est un péché dans l’homme plutôt que dans les animaux ; il s’objecte à ce propos un passage où saint Augustin semble concevoir la concupiscence en dehors d’un péché qui la précède et en soit la cause. Dr libero arbitrio, 1. III, c. xx, P. L., t. xxxii, col. 1298. Baius commence par remarquer que l’évêque d’Hippone n’affirme pas que Dieu aurait pu à l’origine créer l’homme tel qu’il naît maintenant, licel non asserat hominem ab initio talent a Dco creari poluisse, qualis nunc nascitur, mais qu’il

veut seulement dire que, dans l’hypothèse, la cause des manichéens n’en serait guère avancée. Cette remarque faite, le docteur lovaniste ajoute : « Supposons cependant, suivant une fiction de Julien dont parle saint Augustin, que Dieu puissecréer un homme dans ces conditions, alors, comme chacun est par nature ce que Dieu l’a fait, la concupiscence en cet homme ne serait, par nature, ni péché ni peine ni même vice….Mais en nous qui tenons de Dieu une autre nature, qui aliani a Deo naturam sortiti sumus, la rébellion de la chair contre l’esprit est nécessairement un vice. » Tel est le langage de Baius : il justifie cette réllexiondu P. Duchesne, dans son IIIe éclaircissement, p. 45 : « Je demande à tout homme de bon sens, si, dire que cette proposition affirmative : Dieu a pu créer l’homme tel qu’il naît aujourd’hui, est une fiction de Julien, non un sentiment de saint Augustin, dans un homme qui, en ce point même, fait profession de suivre saint Augustin, n’est pas nier formellement, que Dieu n’a pu créer l’homme dans l’état où il naît aujourd’hui ? »

Pour compléter cette réponse, il suffit de relever une équivoque où Baius s’est évidemment complu. Il ne nie pas qu’à la rigueur Dieu ait pu créer l’homme tel qu’il naît maintenant, soit ; mais il ajoute des explications restrictives qui reviennent à ceci : cependant il n’aurait pas pu créer l’homme avec la concupiscence telle qu’elle est dans les fils d’Adam. Pourquoi ? parce qu’en nous la concupiscence est le péché originel, et Dieu ne pourrait être l’auteur de ce péché, Deus non potuisset ab initio esse auctor peccati originis ; argument dont Baius se sert dans sa grande apologie. De là cette affirmation qu’un homme de ce genre, talis quispiam homo, aurait une autre nature que nous ; ce qui doit s’entendre de la nature considérée, non pas dans ses parties constitutives ou ses propriétés physiques, mais dans son être moral de créature raisonnable, appelée à une moralité supérieure et incompatible avec la loi de la chair. Prise en ce sens, la proposition 55e est bien de Baius ; toutes ses apologies ne font que le confirmer. Là se trouve la raison et la justification de la censure portée par Pie V et maintenue en dépit de toutes les récriminations. Que Dieu ne puisse pas être l’auteur du péché originel, qu’il ne puisse créer l’homme pécheur comme il naît maintenant, tout le monde en convient ; aussi la proposition 55e est de celles où se vérifie la clause, quanquam nonnullse aliquo pacto sustineri possent. Mais que la concupiscence soitproprementlepéchéoriginel, etqu’à ce titre Dieu n’ait pas pu créer l’homme tel qu’il naît maintenant, c’est là une assertion erronée et incompatible avec la doctrine du concile de Trente sur le péché originel et la concupiscence. La proposition 55e a donc été condamnée comme elle a été prise, in rigore et proprio verborum sensu ab assertoribus intento. Et c’est pourquoi les docteurs de Louvain, dans leur déclaration de 1586, c. IV, lui opposent cette doctrine : « Dieu aurait pu créer l’homme tel qu’il naît maintenant, non pas qu’il ait pu le former pécheur ou vicieux et dépravé, comme il naît maintenant, mais il aurait pu lui donner un corps fragile et mortel, soumis à la loi de la vieillesse, de la maladie et de la mort ; il aurait pu lui donner une âme à l’esprit lent, obtus, arrivant avec peine à la vérité et tombant facilement dans l’erreur, une âme portée et inclinée aux plaisirs des sens. » Baiana, p. 166. Ils invoquent l’autorité de saint Augustin, De libero arbitrio, 1. III, c. xx, XXII, passages que Baius interprète d’une façon arbitraire ; De dono persev., c. xi, P. L., t. xi.v, col. 1009 ; Rétractât., 1. I, c. ix, P. L., X. xxxii, col. 598. Voir Ripalda, op. cit., disp. IX ; Casinius, op. cit., a. 4 ; Palmieri, op. cit., th. xliv.

78. Immortalitas primi homi nis non crai gratiæ beneflcium,

sed naturaiis conditio. Baiana,

p. 123.

L’immortalité du premier

homme n’était pas un don de

la grâce, mais sa condition na turelle.