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BIGAMIE


toutes les vicissitudes que l’on sait, le patriarche Nicolas 1° tint en 9-21 une réunion d’évêques, où on déclara que, dans tous les cas, la tétragamie, et, dans certaines circonstances, la trigamie étaient défendues par le droit ecclésiastique. Les conditions requises pour la légitimité des troisièmes noces étaient que les époux fussent âgés de moins de quarante ans et qu’ils n’eussent point d’enfants de leurs précédents mariages ; si donc les bigames avaient atteint l’âge de quarante ans et si des enfants leur étaient nés de mariages antérieurs, ils ne pouvaient pas validement contracter de nouvelles noces ; si au contraire ils n’avaient point d’enfants, quoiqu’ils fussent parvenus à l’âge de quarante ans, on pouvait leur permettre de convoler à des troisièmes noces, après leur avoir imposé la pénitence convenable. Cf. Baronius, Annales eccles., t. xv, p. 568 sq. Le pape Jean X ne parait pas avoir réprouvé ce décret, et le saint-siège semble au contraire avoir toléré pour l’Église d’Orient cette discipline spéciale, plus rigoureuse, touchant les troisièmes et les quatrièmes noces.

Législation pratique des secondes noces.

1. Le

droit canonique n’impose à l’époux survivant aucun intervalle de temps avant de lui permettre de convoler à de nouvelles noces. Aussi bien une veuve peut-elle, en vertu du droit ecclésiastique, contracter un nouveau mariage, le lendemain même de la mort de son premier époux, afin d’éviter le péril prochain d’intempérance. Cela ressort des c. IV, v, tit. xxi, De secundis nuptiis, 1. IV des Décrétâtes, où les papes Urbain III et Innocent III déclarent sans effet la loi civile introduite dans le code de Justinien, tit. xviii, De secundis nuptiis, 1. V, col. 957 sq., (lui. sous menace d’infamie et sous diverses autres peines, interdisait les secondes noces avant une année de deuil révolue. Cette loi romaine est passée en quelque sorte dans notre code civil français, art. 228 : « La femme ne peut contracter un nouveau mariage qu’après dix mois révolus depuis la dissolution du mariage précédent. » Cependant on ne saurait nier qu’il existe ordinairement de graves motifs de retarder pendant un certain temps la célébration des secondes noces : en effet, en dehors de la question de convenances, et mis à part le scandale que des secondes noces trop hâtives peuvent occasionner, il y a quelquefois lieu de surseoir à la célébration du nouveau mariage pour bien déterminer la paternité des enfants, principale raison qui semble avoir guidé le législateur civil. Dans ces cas, l’évêque, et même le curé, pourvu que celui-ci agisse extra-judiciairement, instar pas toris, et sans recourir aux censures, pourront intervenir et défendre ad tempus la célébration de quelque mariage en particulier. Voir Interdit. Quant aux autres lois civiles qui sanctionnent simplement des effets juridiques garantissant la personne et 1rs biens des enfants issus des mariages antérieurs, le droit canonique n’y a aucunement dérogé, et ces lois conservent toute leur vigueur, tant au for interne qu’au for externe de l’Eglise. Cf. code Justinien, tit. cit., col. 959 sq. ; code civil, art. 386-395.

2. Les secondes noces ne sont permises que s’il existe une certitude morale au sujet de la dissolution du mariage précédent. Ainsi l’a décrété le pape Lucius 111, c. ii, tit. xxi cit., 1. IV » : Auctoritate apostolica respon(lc)nt<s ut nul lus ex vobis amodo ad secundas nuptias migrare præsumal donec ei firma certitmlinr coitstet quod ab hac vita migraverit conjux ejus.

Comment doit-on se comporter s’il y a doute touchant la mort de l’époux absent ? Chez les Romains, il était de rigueur d’attendre cinq années après lesquelles, s’il m était pas établi que le premier époux vivait encore, on présumait la mort de ce dernier, et il était loisible à

I épOUX survivant de Convoler à des secondes noces.

Loi 6, De divortiis. L’empereur Justinien abrogea cette discipline en décrétant qu’un époux ne pourrait Contracter un nouveau mariage que s il fournissait des

preuves certaines de la mort de son premier conjoint. Novelle CXVII, c. XI, Cette jurisprudence passa dans le droit canonique, comme on peut le voir au c. XIX, tit. I, De spvnsalibus et matrimoniis, 1. I.

Les éléments de cette certitude morale, requise au sujet de la mort de l’époux absent, sont indiqués dans plusieurs instructions du Saint-Office, 21 août 1670, 22 juin 1822, et surtout dans l’instruction ad probandum obitum alicujus conjugis, 13 mai 1868. Ainsi : a) on doit regarder comme faisant foi en la matière le certificat authentique du curé dans la paroisse duquel l’époux est mort, ou encore de l’aumônier de l’hôpital, de la garnison, etc. ; et même, s’il est impossible d’obtenir ce témoignage de l’autorité ecclésiastique, on peut se contenter de l’attestation du gouvernement civil du lieu où l’époux est décédé. — b) Si ces preuves font défaut, la déposition jurée de deux témoins dignes de foi peut suflire. — c) Régulièrement la déposition d’un seul témoin même de visu ne peut pas à elle seule suflire pour servir de base à une information certaine ; cependant on peut l’accueillir si ce témoin est d’une intégrité’parfaite, et s’il existe un concours de circonstances capables de corroborer son témoignage. — d) S’il est moralement impossible d’examiner aucun témoin immédiat, on peut accepter de simples témoins île auditif, parfaitement dignes de foi, qui soient capables de certifier, avec vraisemblance, avoir reçu, au sujet de la mort de l’époux absent, la déposition d’autres témoins, ceux-là immédiats et de visu. — e) S’il ne se présente aucun témoin d’aucune sorte, la preuve de la question pendante peut être basée sur des conjectures, des présomptions, des indices, et autres circonstances, qui devront toutefois être soigneusement pesées et jugées avec prudence, selon leur valeur respective. L’instruction du Saint-Office indique ici plusieurs exemples de ces présomptions et conjectures. — f) Le simple bruit de la mort de l’absent n’est suffisant pour engendrer une preuve certaine que s’il est entouré d’autres circonstances qui puissent le corro-’borer ; de plus, l’origine raisonnable de cette renommée doit être attestée avec serment par deux témoins dignes de foi. — g) Enfin, si ce moyen est nécessaire et si la prudence le conseille, il ne faut pas négliger les journaux et autres modes de publicité pour obtenir quelque renseignement certain sur la mort de l’époux absent.

Quelle conduite tenir si des époux ont convolé à des secondes noces sans observer ces prescriptions, et sans être en possession d’une certitude morale au sujet de la mort du conjoint absent ? Ces époux doivent se séparer si l’un ou l’autre vient à découvrir avec certitude que le premier conjoint n’est pas décédé. Si, en dehors de ce cas, les époux, qui ont négligé de s’entourer des garanties certaines que leur imposait le droit, sont dans la bonne foi, c’est-à-dire n’ont aucun doute positif touchant la mort de l’absent, il ne faut pas les inquiéter. Au contraire, si l’un des époux doute sérieusement de la mort du premier conjoint, il lui est interdit de réclamer le debilum auprès du second époux, mais il doit le rendre à la demande de ce dernier ; si les deux époux viennent à partager ce doute, ils doivent s’abstenir entre eux de tout rapport conjugal, et faire les diligences nécessaires pour arriver à une certitude suffisante dans un sens ou dans l’autre ; enfin si. malgré toutes les enquêtes et les mesures de prudence, il ne se présente toujours point de preuves certaines, les conjoints, quand même leur doute persévérerait, pourvu qu’ils aient contracté leur mariage dans la bonne loi et qu’il n’existe aucun danger de scandale, peuvent reprendre la vie commune, jusqu’à plus ample information. D’ailleurs, en toutes ces choses, le conseil du confesseur

ou du pasteur devra prévaloir.

3. Enfin, dans la célébration des secondes noces, il laut avoir égard à un point spécial de la législation île